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jets, et ne pas fatiguer leurs adversaires par trop de délais, ni influencer les juges par des recommandations, des menaces, ou des honneurs qui ne sont dus qu'aux services publics et non aux services rendus à la cassette.

Il y a cependant une espèce de lois dont il faut reconnaître que les rois sont affranchis; ce sont les lois pénales. En ce sens, Princeps solutus est legibus. La présomption légale est que le roi ne peut pas mal faire : par cette raison sans doute, sa personne est inviolable et sacrée; et toute la responsabilité est déversée sur les ministres qui sont chargés de l'administration, et qui en répondent à la

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L'office de la loi est en général de commander, de défendre, de permettre, de punir 2.

Tout ce qui n'est pas défendu par elle, est permis, c'està-dire peut se faire impunément; mais il n'en faut pas conclure que tout ce qui peut se faire impunément soit honnête 3. Les lois de la conscience vont plus loin que le code pénal.

La loi est la même pour tous : en d'autres termes, tous les citoyens sont égaux devant la loi, quels que soient d'ailleurs leurs titres et leurs rangs. (Charte, art. 1or.) « Art. 6, const. belge.

D

On doit encore assigner aux lois les caractères suivans : Les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire.

Les immeubles, même ceux possédés par des étrangers, sont régis par la loi française.

Les lois concernant l'état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étranger.

Enfin, la loi ne dispose que pour l'avenir; elle n'a point d'effet rétroactif; mais ceci mérite d'être développé dans un paragraphe particulier.

« La personne du roi est inviolable, ses ministres sont responsables. (Art. 63, constit. belge.)

2 L. 7. ff. de legibus.

3 Non omne quod licet honestum est. Loi 144, ff. de regulis juris.

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Après avoir fixé l'époque à laquelle les lois deviennent exécutoires, nous nous sommes (dit M. Portalis) occupés des effets.

C'est un principe général que les lois n'ont point d'effet rétroactif.

« A l'exemple de toutes nos assemblées nationales, nous avons proclamé ce principe.

« Il est des vérités utiles qu'il ne suffit pas de publier une fois, mais qu'il faut publier toujours, et qui doivent sans cesse frapper l'oreille du magistrat, du juge, du législateur, parce qu'elles doivent constamment être présentes à leur esprit.

« L'office des lois est de régler l'avenir ; le passé n'est plus en leur pouvoir.

« Partout où la rétroactivité des lois serait admise, non seulement la sûreté n'existerait plus, mais son ombre

même.

<< La loi naturelle n'est limitée ni par le temps, ni par les lieux, parce qu'elle est de tous les pays et de tous les siècles.

<< Mais les lois positives, qui sont l'ouvrage des hommes, n'existent pour nous que quand on les promulgue, et elles ne peuvent avoir d'effet que quand elles existent.

« La liberté civile consiste dans le droit de faire ce que la loi ne prohibe pas. On regarde comme permis tout ce qui n'est pas défendu.

«

Que deviendrait donc la liberté civile, si le citoyen pouvait craindre qu'après coup il serait exposé au danger d'être recherché dans ses actions, ou troublé dans ses droits acquis par une loi postérieure?

« Ne confondons pas les jugemens avec les lois. Il est de la nature des jugemens de régler le passé, parce qu'ils ne peuvent intervenir que sur des actions ouvertes et sur des faits auxquels ils appliquent les lois existantes ; mais le passé ne saurait être du domaine des lois nouvelles qui ne le régissaient pas.

Le pouvoir législatif est la toute-puissance humaine. « La loi établit, conserve, change, modifie, perfec

tionne; elle détruit ce qui est; elle crée ce qui n'est pas encore. La tête d'un grand législateur est une espèce d'Olympe d'où partent ces idées vastes, ces conceptions heureuses qui président au bonheur des hommes et à la destinée des empires; mais le pouvoir de la loi ne peut s'étendre sur des choses qui ne sont plus, et qui, par cela même, sont hors de son pouvoir.

« L'homme, qui n'occupe qu'un point dans le temps comme dans l'espace, serait un être bien malheureux, s'il ne pouvait pas se croire en sûreté, même pour sa vie passée. Pour cette portion de son existence, n'a-t-il pas déjà porté tout le poids de sa destinée? Le passé peut laisser des regrets; mais il termine toutes les incertitudes. Dans l'ordre de la nature, il n'y a d'incertain que l'avenir, et encore l'incertitude est alors adoucie par l'espérance, cette compagne fidèle de notre faiblesse. Ce serait empirer la triste condition de l'humanité, que de vouloir changer, par le système de la législation, le système de la nature, et de chercher, pour un temps qui n'est plus, à faire revivre nos craintes sans pouvoir nous rendre nos espé

rances.

I

« Loin de nous l'idée de ces lois à deux faces 1 qui, ayant sans cesse un œil sur le passé et l'autre sur l'avenir, dessécheraient la source de la confiance, et deviendraient un principe éternel d'injustice, de bouleversement et de désordre.

« Pourquoi, dira-t-on, laisser impunis des abus qui existaient avant la loi que l'on promulgue pour les réprimer? Parce qu'il ne faut pas que le remède soit pire que le mal. Toute loi naît d'un abus : il n'y aurait donc point de loi qui ne dût être rétroactive. Il ne faut point exiger que les hommes soient avant la loi ce qu'ils ne peuvent devenir que par elle. »

La convention avait, par ses lois des 5 brumaire et 17 nivose an ii, fait remonter jusqu'au 14 juillet 1789 l'égalité absolue des partages entre tous les co-successibles. Cette disposition étrange jeta le trouble dans un grand nombre de familles; elle excita des réclamations générales ; et la

Non placet Janus in legibus.

convention elle-même, d'abord amenée à suspendre l'effet de ces lois par un décret du 5 floréal an 11, ne tarda pas à les déclarer non avenues par celui du 9 fructidor suivant. Et pour que ce décret lui-même ne rétroagît pas d'une manière injuste, on rendit, le 3 vendémiaire an iv, une loi dont l'article premier consacra« tous les droits acquis de bonne foi, soit à des tiers possesseurs, soit à des créanciers hypothécaires ou autres, ayant une date certaine, antérieure à la promulgation de la loi du 5 floréal an III. »

Comme il importait qu'à l'avenir le principe ne fût plus méconnu, dans la déclaration des droits qu'elle plaça en tête de la constitution de l'an 1, elle déclara formellement, art. 14, « qu'aucune loi, ni criminelle 1, ni civile, « ne peut avoir d'effet rétroactif. »

Le code civil reproduit la même disposition : « La loi ne dispose que pour l'avenir; elle n'a point d'effet ré«troactif. »

Les lois romaines n'avaient garde d'omettre ce principe tutélaire. Leges et constitutiones futuris certum est dare formam negotiis, non ad facta præterita revocari, dit la loi 7 au code de legibus. Mais la même loi reconnaît qu'il peut y avoir des exceptions à ce principe, car elle ajoute; Nisi nominatim et de præterito tempore et adhuc pendentibus negotiis cautum sit.

Les lois déclaratives sont dans ce cas.

En effet, il n'en est pas de l'interprétation de la loi comme de la loi elle-même. La loi ne peut pas rétroagir sur le passé; mais l'interprétation de la loi ayant uniquement pour objet de déclarer que la loi a toujours dû être entendue dans un tel sens, et être exécutée de telle manière, il est évident qu'elle doit, par cela seul, régler tous les droits non irrévocablement acquis à l'époque où elle vient à paraître.

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Déjà l'assemblée constituante avait érigé en maxime, « que nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. » Adde décret du 20 août 1789, art. 8; code du 3 brumaire an IV, art. 3; décret du 15 messidor an XIII, art. 109, relatif à la ci-devant Ligurie; code d'instruction crim. article 299, 1o, art. 363 et 369; code pénal de 1810, art. 4.

Id est, nondum transactis, seu judicatis. Voyez la note suivante.

Gayl, dans ses Observationes practica, liv. II, observ. 9, no 6, dit que, constitutio, quandò juris antiqui declaratoria est, concernit etiam præterita. La raison en est (ajoute-t-il, d'après la loi 21, § 1, ff. qui test, fac. poss.) que ce n'est pas, à proprement parler, faire une nouvelle disposition, que d'expliquer une disposition déjà faite : Et est ratio quòd is qui declarat nil novi dat.

J. Voet, dans ses Pandectes, titre de legibus, no 17, professe la même doctrine. Ad præterita legem trahendam ratio dictat, quoties non tàm novi quid lege nová injungitur, quàm potiùs dubiæ legis anterioris interpretatio fit.

Et voilà pourquoi Justinien, dans la novelle 19, déclare que les interprétations contenues dans la 12o, sur les effets de la légitimation, doivent servir de règle, même pour les successions ouvertes antérieurement à cette dernière loi, pourvu qu'il n'en ait pas été autrement disposé par transaction ou par sentence passée en force de chose jugée. Exceptis illis negotiis quæ contigit ante leges à nobis positas aut decreto judicum aut transactione determinari 1.

Cette exception pour le cas où la loi interprétative aurait été précédée d'une transaction ou d'un jugement passé en force de chose jugée, se trouve encore consacrée par un arrêt de cassation du 13 brumaire an iv, cité dans le dictionnaire des arrêts modernes, au mot effet rétroactif, no 2, et par une décision du ministre des finances du 5 juillet 1808. Si l'on demandait la raison de cette exception, nous répondrions : C'est qu'il faut que tout se termine, s'arrête; c'est que ce n'est pas seulement sur ce qui est jugé, c'est encore sur ce qui est fini que la société repose.

Bacon explique très bien pourquoi les lois déclaratives régissent même le passé, sans qu'on puisse leur reprocher d'être rétroactives; c'est, dit-il, parce qu'elles sont, en

'L'art. 12 de la loi du 28 août 1792 fait une violence ouverte au principe qui prescrit le respect pour la chose jugée. Mais c'est par la présomption que la chose n'avait été jugée en faveur des seigneurs, que par abus de la puissance féodale.

L'édit de Louis XIV, de 1667, avait été encore plus loin.

Ces lois ont une force rescisoire.

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