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tat, du 4 nivose an vi. « C'est un principe éternel (y estil dit), qu'une loi nouvelle fait cesser toute loi précédente, ou toute disposition de loi précédente contraire à son texte.»

Ainsi, par exemple, la Charte veut, art. 68, que « les lois actuellement en vigueur qui ne sont pas contraires à ses dispositions, restent en vigueur jusqu'à ce qu'il y soit légalement dérogé ! »

A l'appui de cet article on peut citer l'arrêt de cassation du 26 décembre 1825, qui (en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique) reconnaît que différentes lois qu'il qualifie lois de circonstance, « sont non seulement virtuellement abrogées par cela seul qu'elles sont inconciliables avec les articles 9 et 10 de la Charte, mais qu'elles se trouvent de plus révoquées par l'article 68, qui ne maintient que les lois existantes qui ne sont pas contraires à la Charte. »>

On ne peut nier néanmoins que ce mode de dérogation implicite ne soit le plus vicieux de tous. Il est la source

Voyez plusieurs exemples de dérogations implicites dans les espèces particulières, rapportés dans les Questions de droit, re édit. aux mots Délits ruraux, Douanes, § 5; Huissiers des juges de paix, § 2; Trib. d'appel, § 3. Voyez aussi ibid., tome 3, page 292; tome 4, page 35; tome 5; p. 126; et tome 9, pages 303 et 307. L'art. 138 de le Coustitution belge porte :

« A compter du jour où la Constitution sera exécutoire, toutes les lois, décrets, arrêtés, réglemens et autres actes qui y sont contraires sont abrogés.

Le résultat de cet article n'est pas d'abroger toutes les dispositions législatives dont l'esprit est contraire aux principes qu'elle oblige le législateur d'introduire dans les lois à porter, mais celles qui sont expressément contraires à son texte. Il est de l'essence des lois de subsister en présence des déclarations de principes; elles ne disparaissent que devant une abrogation explicite ou devant un système général qui s'oppose invinciblement à leur exécution. Qu'il y ait entre une loi rendue et les principes généraux adoptés ensuite une certaine opposition, un défaut d'harmonie, ces vices ne suffisent pas pour l'abroger de plein droit, tant qu'il ne sera pas absolument impossible de concilier son exécution transitoire avec le nouvel état de choses. Les motifs de la loi subsistent nonobstant la déclaration de principes qui la contrarient; et elle ne pourrait s'évanouir sans laisser une lacune dont les conséquences seraient souvent désastreuses. Voyez l'arrêt de la cour des pairs de France, rendu dans l'affaire de l'école libre érigée par MM. Lacordaire et de Montalembert les arrêts de la cour de cassation de France, des 18 septembre 1830, 22 avril 1831 et ceux de la cour sup. de Br. des 28 janvier, 9 février et 1er mars 1832. » (Annotations sur la Constitution belge dans la Pasinomie. Édition de Tarlier.)

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d'une foule de dispositions surprises à l'inattention, ou mal expliquées.

Un ancien jurisconsulte hollandais, GRÆNEVEGEN, était dominé par cette pensée lorsqu'il composa son traité de legibus abrogatis in Hollandia. Amstelod. 1659, in-4°.

Dès l'année 1563, BUGNYON en avait publié un semblable pour la France, sous le titre de PHILIBERTI BUGNYON, legum abrogatarum et inusitatarum in omibus curiis, terris, juridictionibus, et dominiis regis Franciæ Tractatus.

La première édition de ce traité formait déjà un volume in-4o en 1563. La troisième édition, imprimée à Bruxelles en 1721, s'était accrue au point de former un in-folio de 696 pages, non compris les tables.

Que ne produirait pas aujourd'hui la notice de toutes les lois abrogées tacitement ou par écrit, depuis lors jusqu'à présent! Les seules lois promulguées depuis 1789, la plupart de circonstance, transitoires, tenant à la forme des gouvernemens qui se sont succédé tour à tour, ne fourniraient-elles pas un volume dix fois plus épais que celui qui ne renfermerait que les lois du même temps restées en vigueur?

§ XXII.

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Révision et classification des lois.

Il ne suffirait pas de séparer les lois abrogées ou tombées en désuétude, de celles qui ont conservé leur force et leur vertu; il serait encore à désirer que celles-ci fussent refondues et soumises à une bonne classification.

Je ne répéterai point ici tout ce que j'ai déjà dit et redit à ce sujet depuis douze ans', je me contenterai de renvoyer le lecteur à quelques-uns de mes précédens écrits:

1° De la nécessité de reviser toutes les lois promulguées depuis 1789. Paris, 1814, brochure in 8°.

20 Des magistrats d'autrefois, des magistrats à venir. Paris, 1814, in-8° première édition, pag. 62, et la seconde édition en 1824, pag. 135.

3o La préface de mon recueil des lois de compétence, l'un de ceux que j'ai publiés en exécution de l'avis du con

1 De 1814 à 1826.

seil d'état du 7 janvier 1813; j'y ai consigné des observations particulières sur le mode de révision adopté par l'ordonnance du 21 août 1824.

4o J'ajouterai ce que disait Whitelocke d'une semblable révision qu'il proposait pour l'Angleterre.

« Je me ressouviens, disait-il, de l'opinion d'un savant jurisconsulte, d'un grand homme d'état (le chancelier Oxenstiern): il pensait que la multiplicité des lois écrites ne servait qu'à jeter de la confusion dans l'esprit des juges et rendre la loi moins certaine; que quand la loi a établi des limites justes et claires entre la prérogative royale et les droits du peuple, et qu'elle règle la décision des causes privées, il est inutile d'augmenter le nombre des lois, car c'est augmenter en même temps les procès. Ce serait un travail digne du parlement, et qui ne peut être fait que par lui, de s'occuper de la révision de tous nos statuts, de rejeter ceux qu'il ne trouverait pas convenable de maintenir en vigueur, de confirmer ceux qu'il croirait dignes d'être conservés, et de ramener à des décisions certaines le grand nombre de ces statuts, qui offrent de la confusion, qui sont quelquefois en opposition entre eux, et dont plusieurs traitent la même matière, en ayant soin de réunir en un seul statut tous ceux qui ont rapport au même objet, de sorte que nos lois écrites présentent un ordre et une clarté que peu de savans ou de sages y peuvent remarquer

aujourd'hui. »

50 Enfin, je terminerai en rappelant la réponse faite par Charles X, au rapport de la commission de révision sur l'état actuel de ses travaux 2.

« Je sais, messieurs, combien la tâche dont vous êtes chargés est importante; en vous la confiant, j'étais sûr de la remettre en de bonnes mains. Je vous remercie du zèle et de l'assiduité avec lesquels vous l'avez remplie. UN RO NE DOIT RÉGNER QUE PAR LES LOIS. Il est nécessaire que les nôtres soient en harmonie avec l'état actuel des choses: c'est mon vœu et ma volonté. J'espère que tous mes sujets concourront à l'accomplir. Continuez, messieurs, votre

'WHITELOCKE, commentary on parliamentary writ, page 409. 2 Moniteur du 25 décembre 1825.

intéressant travail; mettez dans notre législation l'ordre et l'accord dont elle est susceptible. Rien de plus utile aux sujets que des lois bien ordonnées; rien ne rend plus faciles les devoirs du trône. »>

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Le juge ne peut, à peine de se rendre coupable de déni de justice, refuser de juger sous prétexte du silence, de l'obscurité, ou de l'insuffisance de la loi.

A défaut de loi positive, il doit se décider par les règles de l'équité, qu'une bonne conscience révèle aux esprits justes, et qui forment le supplément naturel des lois écrites: Equitas est jus quod lex scripta prætermisit.

Rien de plus séduisant pour l'homme que ce recours à l'équité naturelle mais aussi rien n'est quelquefois plus trompeur; et si l'on réfléchit à la variété des opinions et à l'incertitude des jugemens humains, on ne peut qu'être effrayé de l'arbitraire qui peut s'emparer des esprits quand ils ne sont plus contenus par une règle précise. Bacon a donc eu raison de dire que la meilleure loi est celle qui laisse le moins à l'arbitraire du juge, et le meilleur juge celui qui s'en permet le moins.

La première règle, en pareille occurrence, est de ne point mettre une prétendue équité à la place de la loi écrite, lorsque celle-ci est claire. Le devoir du juge est alors, non de juger la loi, mais de juger conformément à ses dispositions. Elle ne serait plus loi, si la volonté de l'homme pouvait arbitrairement se substituer à celle du législateur'.

Lors même que la loi nous manque et nous abandonne aux seules inspirations de notre conscience et de notre raison, la prudence veut encore qu'on ne s'en rapporte pas entièrement à soi-même, et que l'on cherche à s'environner, au moins à titre de conseil, de tout ce qui peut éclairer notre jugement.

Je n'insiste pas davantage sur ce point, que j'ai traité avec plus d'étendue dans ma Jurisprudence des arrêts, section XIII, des arrêts de l'équité. (Vide infrà.)

A défaut de loi, on consulte ordinairement l'usage, les auteurs et les arrêts.

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L'usage est le plus ancien législateur des nations. Il précède les lois écrites, il les accompagne, il les suit; quelquefois même il prévaut sur elles, comme nous l'avons vu en parlant de la désuétude.

Un usage bien constaté a donc réellement force de loi, et les lois elles-mêmes le reconnaissent en renvoyant souvent à l'usage des lieux 2.

Nous disons un usage bien constaté, car il ne suffirait pas d'un ou deux précédens pour autoriser à dire que telle chose est d'usage. Il faut un certain nombre d'exemples pratiqués pendant un temps assez long pour qu'on puisse en conclure que ces précédens constituent véritablement un usage, c'est-à-dire une habitude générale d'en user de telle ou telle façon 3.

Avant la rédaction des coutumes, les usages allégués par les plaideurs se prouvaient à l'aide d'enquêtes par turbes, genre de procédure incertain et dispendieux, supprimé avec raison par l'ordonnance de 1667.

Depuis, on a remplacé plus utilement ces enquêtes par des actes de notoriété, qui se donnaient par les juges des lieux, après avoir pris d'exactes informations auprès des praticiens et des avocats, et avoir entendu les gens du roi 4.

L'usage est encore utilement attesté par le sentiment des auteurs et par les arrêts 5.

Uso, legislatore il più ordinario delle nazioni. BECCARIA, Trattato dej Delitti, no 42.

2 Code civil, art. 1135, 1159, 1160, 1736.

3 Diuturni mores, consensu utentium comprobati; legem imitantur. INSTIT. 9. De jur. nat. et gent. Inveterata consuetudo pro lege non immeritò custoditur. Et hoc est jus quod dicitur moribus constitutum. L. 32, S1, ff. De legibus.

4 C'est ainsi qu'ont été donnés les actes de notoriété du Châtelet de Paris, recueillis par Denisart en un vol. in-4°.

5 Quùm de consuetudine civitatis vel provinciæ confidere quis videtur, primùm illud explorandum arbitror, an etiam contradicto aliquando judicio consuetudo firmata sit. L. 34, ff. De legibus.

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