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On ne peut pas toujours rendre raison des usages 1. surtout quand ils sont anciens : mais ce n'est pas un motif pour ne point y déférer; car l'usage consiste surtout dans le fait et il y en a tout à la fois de si bizarres et de si constans, qu'on ne peut s'empêcher de sourire à la vérité de ce vers de Viennet :

L'usage est un vieux sol qui gouverne le monde 2.

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Rien de plus fréquent, en toutes matières, que de voir alléguer le sentiment des auteurs.

A Rome, ils jouissaient d'une autorité si grande, qu'il fut un temps où les juges étaient tenus de déférer à leur autorité. En cas de dissidence d'opinion entre eux, on allait, pour ainsi dire, aux voix, donnant gain de cause à celui qui en réunissait un plus grand nombre en sa faveur. Papinien obtint cet honneur qu'il aurait voix prépondérante en cas de partage.

Chez nous, les docteurs n'ont jamais joui d'un tel crédit; on ne les compte pas, on les pèse; on estimé leurs raisons ce qu'elles valent, et personne n'est tenu d'y déférer.

Mais les jurisconsultes réellement dignes de ce nom, n'en exercent pas moins une grande influence sur la décision des procès, par l'ascendant naturel qu'obtiennent les esprits supérieurs sur ceux qui leur sont subordonnés.

III.

De la jurisprudence des arrêts.

Régulièrement, on doit se gouverner par les lois et non par les exemples: Non exemplis sed legibus judicandum 3. Mais dans le silence, l'obscurité ou l'insuffisance des lois, on ne peut nier que la jurisprudence des arrêts,

Non omnium quæ à majoribus instituta sunt, ratio reddi potest. L. 20, ff. De legibus.

Consuetudo facit jus.

3 Et cependant rien n'est plus ordinaire que de céder aux exemples, même mauvais : Nec ad rationem, sed ad similitudinem vivimus, a dit Sénèque.

c'est-à-dire la manière uniforme dont une question a été jugée en plusieurs occasions par les cours de justice, ne forme un préjugé puissant, et ne constitue une véritable autorité, à laquelle il convient souvent de déférer 1.

C'est ainsi que la jurisprudence des arrêts devient le supplément de la législation. Cette jurisprudence était en grand honneur chez les Romains. On appelait cette partie du droit jus honorarium, par honneur pour les préteurs et leurs décisions. On regardait ces magistrats comme la vive voix du droit civil, jus honorarium viva vox est juris civilis, dit le jurisconsulte Marcianus dans la loi 8, au Digeste, de justitia et jure.

Je ne m'étendrai pas davantage sur la jurisprudence des arrêts, ayant traité ailleurs cette matière ex professo.

§ XXIV.

-

Des objets du droit civil.

Le droit civil a trois objets principaux :

1o Les personnes, dont il règle l'état, la condition, la capacité;

20 les biens (res) selon leur diverse nature, la propriété absolue ou modifiée dont ils sont susceptibles, et les différentes manières de les acquérir et de les transmettre, soit par le droit naturel, soit par le droit civil; ce qui comprend spécialement les successions, les donations, et tous les contrats;

3o Les actions, c'est-à-dire, la manière dont nous devons procéder en justice pour exercer nos droits et obtenir ce qui nous est dû.

Un jurisconsulte (Wesembechius) a exprimé cette division très brièvement, en disant : Omne jus redditur personis, de rebus, per actiones et judicia.

Je terminerai ces élémens par une pensée de Cicéron, qui renferme un conseil qu'un homme de bien ne doit point perdre de vue c'est que, sans jamais faire violence à la loi écrite, il faut toujours, autant qu'il se peut, l'interpréter dans le sens de l'équité naturelle : Jus semper quærendum est æquabile ; neque enim aliter jus esset.

In ambiguitatibus quæ ex lege proficiscuntur, rerum perpetuò similiter judicatarum auctoritas, vim legis obtinet. L. 88, ff. De legibus.

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Première édit., 1814, in-8°. Seconde édit., 1824, in-18.

PRÉFACE

DE L'ÉDITION DE 1824.

La première édition de cet écrit a paru au mois de juin 1814, après le départ des étrangers, et presque aussitôt que la Charte.

Avant de le publier de nouveau, j'en ai refait la plus grande partie : plusieurs de mes premières observations étaient devenues sans objet; il m'a paru nécessaire d'en ajouter d'autres.

Ce sujet est des plus importans.

Si l'on considère la justice en elle-même, on ne peut oublier que « les royaumes sans bon ordre de justice ne peuvent avoir durée ni fermeté aucune 1. »

Si l'on porte ses regards sur ceux qui sont chargés de l'administrer, la magistrature s'offre à nos yeux comme une espèce de sacerdoce, qu'on ne saurait environner de trop de respects.

En effet, le magistrat rend la justice au nom du souverain; il représente la cité entière dans toute sa majesté; il est spécialement chargé d'en soutenir l'honneur et la dignité; d'observer et de faire observer ses lois : la paix publique est confiée à sa droiture et à sa fidélité 2.

Préambule de l'ordonnance de 1453.

2 Est proprium munus magistratús intelligere, se gerere personam ci

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