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même sur les plaintes qui nous ont été faites de divers endroits, et ne désirant rien plus que le soulagement de nos sujets, et la justice, solide fondement de tous royaumes, leur être administrée et rendue comme il appartient, nous avons estimé devoir déclarer notre intention sur l'observation des ordonnances, de laquelle la licence du temps peut avoir fait dispenser aucuns de nos officiers et sujets. POUR CES CAUSES, etc. »

On reviserait toutes les lois existantes.

On abrogerait formellement celles qui ne conviennent plus à notre gouvernement ni à nos mœurs 1.

On classerait les autres par ordre de matières 2, et l'on en composerait différens codes.

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72. Toutes les lois organiques nous manquent, disait il y a seulement quelques jours M. de Martignac 3. Nous vivons sous une monarchie légitime et tempérée; et notre système d'administration marche encore sur des ressorts préparés pour une république ou pour une puissance despotique. »

M. Desèze a aussi demandé la réforme de notre législation, dans le discours qu'il a prononcé, le 1er mai 1824, devant la chambre des pairs; et son suffrage est trop imposant pour que je néglige de m'en autoriser.

« Dans les circonstances où nous nous trouvons, dit cet illustre magistrat, les grands intérêts politiques qui nous absorbent, nous distraient nécessairement des intérêts judiciaires; mais cependant ces intérêts judiciaires sont si importans, ils sont si graves, ils touchent de si près à tous les individus, ils ont des rapports si intimes avec la

'Dans la première édition, en 1814, je réclamais plusieurs abolitions qui depuis ont été prononcées; notamment celle du divorce.

2 J'ai tâché, autant qu'il a dépendu de moi, de préparer l'accomplissement de cette refonte générale de toutes nos lois, en publiant, d'abord avec l'autorisation du gouvernement, depuis 1813 jusqu'en 1823; et ensuite, de mon chef, divers Recueils contenant distinctement les lois civiles, de commerce, de procédure, criminelles, forestières, des communes, de compétence, etc., qui pourraient être remplacées par autant de codes ou lois générales sur ces diverses matières.

3 Rapport de M. de Martignac sur l'acte septennal. (Journal des Débats, du 31 mai 1824.)—V. l'ouvrage de M. Legraverend, intitulé: Des lacunes et des besoins de la législation française en matière politique et en matière criminelle. 1824, 2 vol. in-8°.

fortune, l'état, la vie, l'honneur de chaque citoyen, qu'il faudra bien qu'on s'en occupe avec tout le soin qu'ils exigent.

« On ne peut pas se dissimuler qu'une grande partie de notre législation est incohérente, ou défectueuse, ou incomplète, et mêlée, entre autres, de plusieurs législations qui se contredisent.

« Ce mélange si extraordinaire ne peut pas naturellement subsister.

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« Il est nécessaire qu'il disparaisse, et que la législation soit réformée.

« Ce sera, à la vérité, un travail pénible, qui exigera du temps, qui demandera même une main courageuse pour l'entreprendre, qui demandera aussi de la sagesse pour l'exécuter, et qui ne pourra guère avoir lieu qu'à une époque où notre situation politique sera entièrement affermie. Mais aussi ce beau travail, messieurs, s'il vient à être achevé, répandra encore un nouvel éclat sur le règne du monarque. »

Simplification de certaines lois.

73. Il ne suffirait pas d'agir sur la législation par une espèce de travail purement matériel, qui consisterait à la débarrasser des dispositions absurdes, inutiles ou abrogées, et à y établir un peu d'ensemble et d'unité.

Il y aussi des lois (et je ne parle ici que dans l'ordre civil) qui exigeraient l'attention spéciale du législateur. J'en veux seulement indiquer quelques-unes.

1o Les lois sur les faillites. Cette partie du code de commerce a été portée, en apparence, dans l'intérêt des créanciers; mais, par le fait, l'exécution en est ruineuse pour eux. Il en résulte que les faillites pourraient actuellement se définir, un moyen de libération à titre universel.

2o Les lois sur les expropriations forcées. Ces lois ren

En ce moment (août 1834) on prépare un projet de loi qui sera soumis aux Chambres dans la prochaine session.

dent le paiement des créanciers long, coûteux, difficile, incertain; elles privent les propriétaires de la facilité de trouver à emprunter sur hypothèque, et deviennent ainsi l'une des principales causes qui entretiennent l'usure, et empêchent la baisse de l'intérêt de l'argent. J'ai indiqué le moyen de simplifier les formes de l'expropriation, sans rien ôter au droit du fisc, ni rien retrancher aux vocations des officiers ministériels; dans l'introduction placée en tête de mon recueil des lois de procédure, page xxxi et

suivantes.

30 J'ai aussi exprimé, au même endroit, page XLVI et suivantes, le désir de voir simplifier, dans l'intérêt des mineurs peu fortunés, quelques-unes des solennités, selon moi un peu trop coûteuses, que le code de procédure a prescrites pour la conservation des biens des mineurs en général.

Ancien droit de remontrances.

74. Dans l'ancien régime, «les parlemens et les cours souveraines avaient le dépôt des lois, étaient chargés d'examiner et vérifier celles qu'il plaisait au roi de leur adresser, de faire des remontrances que l'intérêt de l'état ou l'utilité des citoyens pouvaient rendre nécessaires, et de porter même leur zèle et leur fidélité jusqu'au refus d'enregistrer, dans les occasions où ils ne pouvaient se prêter à l'exécution de la nouvelle loi, sans trahir le devoir et la conscience.» (Maximes du droit public français, t. II, p. 1.)

Ce droit d'examen et de remontrances n'existe plus; les tribunaux n'ont aucune participation au pouvoir législatif. (Chart. const., art. 15.) Leur unique devoir est de faire lire, publier et enregistrer les lois, purement et simplement, sans retard ni modification, de s'y conformer ponctuellement, et d'en procurer la stricte et prompte exécution.

Il serait néanmoins très utile que chaque année les cours rédigeassent les observations qu'elles auraient eu occasion de faire sur les vices et les inconvéniens nés de l'application de telle ou telle loi. Ces observations seraient adressées au ministre de la justice, qui les mettrait sous les yeux du roi et des deux chambres, afin que l'on pût, avec une

entière connaissance de cause, proposer, dans la forme constitutionnelle, les changemens qui seraient reconnus nécessaires. Sans cela, on ne découvrira que difficilement les abus qui se glisseront dans l'administration de la justice; car tout le monde, je pense, est d'accord en ceci, que celui qui applique journellement les lois est plus à portée que le législateur d'en connaître le fort et le faible, et d'indiquer le moyen de corriger ce qui est défectueux. Il faut donc que l'un soit averti par l'autre.

La cour de cassation était autorisée « à envoyer chaque année au gouvernement une députation pour lui indiquer les points sur lesquels l'expérience lui aurait fait connaître les vices ou l'insuffisance de la législation. » (Loi du 27 ventose an vIII, art. 86.) Cette forme paraît être tombée en désuétude. Tant pis 1.

§ VIII. - Observations générales.

75. Aux observations particulières qui précèdent, j'ajouterai quelques observations générales quirévèlent le secret de la grande popularité qu'avaient acquise les parlemens.

2

Ire Observation. Les cours ne doivent jamais se montrer fiscales. La cause du fisc n'est mauvaise, dit-on, que sous un bon prince : elle ne doit donc pas être favorable sous un prince constitutionnel. Cela ne veut pas dire qu'il faut toujours juger contre le trésor public. Là aussi est un intérêt général et puissant; mais cela signifie que le fisc ne doit gagner qu'à bon escient, et que, dans le doute, on doit plutôt décider contre lui que d'aggraver l'impôt par une interprétation onéreuse.

Ile Observation. Quand le roi plaide, il faut qu'il ait deux fois raison pour gagner son procès, sinon il doit le perdre. La cour royale de Paris a donné un bel exemple de l'application de cette règle dans l'affaire du chevalier Desgraviers.....

2

Je n'ai jamais pu décider la cour de cassation à se ressaisir de ce droit, dont j'ai parlé dans ma mercuriale de rentrée, du 3 novemb. 1830. Magna principis gloria est, si sæpè vincatur fiscus, cujus mala causa nunquam est, nisi sub bono principe. PLIN. AD TRAJ. Fiscus post omnes. Voyez Max. du dr. pub. fr., tome 11, p. 330.

IIIe Observation. Une courageuse indépendance est la première vertu du magistrat. Il doit, au criminel, juger chacun selon ses mérites et ses démérites, SANS NUL ÉPARGNER, et sans nul vexer : — au civil, ne point avoir égard aux sollicitations des gens puissans, et faire loyale justice, tant aux grands comme aux petits.

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Il est besoin de relever les ames 1; elles ont pris, comme les corps, une courbure 2 qui a détruit leur élasticité; il est digne du roi de la leur rendre : « Il importe à sa gloire que nous soyons des hommes libres, et non pas des esclaves; la grandeur de son état et la dignité de sa couronne se mesurent par la qualité de ceux qui lui obéissent. 3 »

S'adressant aux juges, il leur dira comme l'un de ses prédécesseurs : « Que chacun de vous veille avec altention, à l'avenir, à ce que personne ne se porte, par des motifs particuliers de cupidité, de liaison du sang ou de l'amitié, à nous suggérer choses irrégulières, et ne nous engage, par importunité ou autrement, à rien faire qui blesse la justice, la raison, la dignité de notre nom, et l'équité de notre gouvernement. Si cependant, par le malheur attaché à l'humanité, il arrivait que nous fussions surpris, votre zèle et votre fidélité prendront soin de nous en avertir, afin que telle méprise soit corrigée, conformément à la raison, et avec cette justice el cette bonne foi qui conviennent à la majesté royale et au bien de nos sujets 4. »

Ou encore il leur rappellera ces paroles de Charles V (dit le Sage, devenu roi): « Nous sommes assez recors que aucunes fois nous avons mandé par importunité de requérans, de surseoir à prononcer les arrêts jusqu'à certain

'Libertate opus est; non hác, etc.

2 O curvæ in terras animæ!

O homines ad servitutem paratos! TACIT.

PERS.
PERS, sat, 2.
Annales, 111, 65.

3 xve Discours d'Omer Talon, dans le recueil de ses œuvres, publié par J.-B. Rives, tome 1.

4 Capitul. Karol.-Calv., t. 2, fol. 6. Adde, ordonnances de mars et de décembre 1344; du 19 mars 1359; du 15 août 1389; de 1433, art. 66 et 67; du 22 décembre 1499; du 18 mai 1529; du mois d'août 1539, art. 170 et 171; de mars 1545; de février 1566, art. 78 et 71; de mai 1579, articles 91, 92, 97, 98 et 200. Édits de janvier 1587, et mai 1616. Déclarations du 31 juillet 1648, art. 1; 22 octobre, même année, art 14 et 15. Lettres-patentes du 11 janvier 1657. Ordonnance d'août 1669, art. 4 et 38;

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