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brique, Des avocats au XVIIe siècle, il s'exprime ainsi : « Il paraît que le goût dominant des jurisconsultes de cette époque se tourna vers les Compilations d'arrêts et les Recueils de plaidoyers. C'est dans ce siècle qu'on trouve cette foule d'arrêtistes qui encombrent les bibliothèques de Jurisprudence, tels que ceux-ci :

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1628. Jacques Corbin. (Code Louis XIII.) 1630. Laurent Bouchel.

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1727. Brillon.

1736. Du Rousseau de Lacombe.

1736. Mathieu Augiard.

1738. Gayot de Pittaval. (Causes célèbres.) 1783. Nouveau Denisart.

1784. Répertoire de Jurisprudence, etc. '.

D'après cette liste, où l'on est loin d'avoir épuisé tous. les noms, on conçoit aisément que Maussac avait sujet de se plaindre de ce qu'à l'époque où il écrivait, l'art de l'imprimerie semblait réservé exclusivement à perpétuer les futiles rapsodies des collecteurs d'arrêts, tandis que les doctes élucubrations des savans, dédaignées par les typographes, accusaient ces derniers d'avarice et le siècle d'impéritie. Hodiè in Gallia nos hujusmodi homines è trivio vocamus, COLLEcteurs d'arrêts, ad quorum nugas et somnia excudenda et typis mandanda, divina hæc excudendi ars potiùs inventa videtur, quàm ad serias et non ità futiles doctorum virorum lucubrationes, posteris imperitiam sequioris hujus seculi hominum miraturis, et typographorum avaritiam contempturis relinquendas. (Not. in Harpocrat. voce 'Αρκτεῦσαι.)

Aujourd'hui même qu'il existe tant d'ouvrages où toutes les parties du droit sont traitées ex professo, le goût pour les compilations d'arrêts n'a pas diminué, et l'ardeur des arrestographes ne s'est pas ralentie.

Ainsi nous avons, à Paris :

Le Recueil d'arrêts de Sirey;

Celui de Denevers;

Le Journal du Palais;

La Jurisprudence du code civil;

Le Journal des avoués, — des notaires,·

Le Journal du Barreau;

Le Recueil des causes célèbres;

Le Journal de l'enregistrement;

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des avocats;

1 BRUNEAU a joint à son Traité des Criées (édit. de 1686 et de 1704) un tableau des diverses compilations d'arrêts. PROST DE ROYER, au mot Arrétiste, en nomme jusqu'à cent dix-huit, et il avoue lui-même que sa liste est loin d'être complète. Il les range sous chaque parlement, et, pour le parlement de Paris seul, il en compte quarante-trois; encore finit-il par un etc.

Le Journal commercial, etc.

La Gazette des tribunaux (voy. p. 514).

Et, dans les départemens, il n'est presque pas de cour royale qui n'ait aussi son arrestographe 1.

Au-dessus de toutes ces collections se trouve, sans comparaison, le nouveau Répertoire de Jurisprudence. Cet immense ouvrage n'est pas seulement un recueil d'arrêts, c'est, avant tout, un vaste répertoire de principes. Chaque article y est traité méthodiquement; on y trouve des définitions exactes et des divisions commodes; l'indication des lois, des coutumes, des auteurs, et l'exposé des questions avec les raisons de douter et de décider.

Les arrêts n'y sont pas rapportés nûment. Dans les espèces que l'auteur n'a pas eu occasion de traiter luimême, une analyse courte et bien raisonnée donne une idée suffisante de l'arrêt. Dans les autres, l'arrêt est précédé du plaidoyer de l'auteur, c'est-à-dire d'une dissertation où la science et la dialectique se prêtent mutuellement toutes leurs forces.

La collection de M. Dalloz est également digne d'éloges. Si l'on n'y rencontre pas les doctes dissertations de M. Merlin, on y trouve du moins des analyses fort bien faites, une jurisprudence plus moderne, et aussi bien classée que le permet la diversité des arrêts.

Mais il s'en faut bien que toutes les autres collections de jurisprudence moderne soient aussi voisines de la perfection.

Plusieurs d'entre elles jouissent d'un crédit qu'on ne veut pas leur disputer; mais quelques-unes aussi ne sont pas exemptes des défauts qu'on a de tout temps reprochés aux compilations d'arrêts.

Pour généraliser nos idées sur ce point, nous allons examiner :

1° Quels sont les défauts les plus ordinaires des recueils d'arrêts;

2o Quelles sont les qualités que ce genre de travail exige.

En corrigeant les épreuves de la première édition; le prote avait lu arrestophage (croqueur d'arrêts); j'avoue que j'ai été tenté de ne pas considérer cette méprise comme une faute; car la plupart de ces compilateurs sont moins en effet des descripteurs que des croqueurs d'arrêts.

SECTION VII.

Défauts reprochés aux compilations d'arrêts.

Remarquons d'abord une différence bien grande entre les anciens et les nouveaux recueils, quant à la manière dont ils sont faits et publiés.

Anciennement un arrêtiste était ou un magistrat qui publiait les arrêts à la délibération desquels il avait concouru; ou un avocat, peu employé peut-être, mais assidu aux audiences, et recueillant tout ce qui s'y passait 1. Chacun ne donnait ordinairement que les arrêts du parlement ou du siége auquel il était attaché 2 : il était donc plus à portée d'en rendre un compte exact, soit qu'il parlât d'après ce qu'il avait ouï en personne, soit qu'il écrivît sur le rapport de ses confrères.

Aujourd'hui il n'en est pas de même. Nos recueils embrassent les arrêts de toutes les cours de l'empire, et ces arrêts sont cités partout avec autant de confiance que si l'arrêtiste les avait tous vu rendre.

Il en résulte un avantage, en ce que les questions sont plus nombreuses, les espèces plus diversifiées; mais il y a aussi cet inconvénient, que l'arrêtiste de Paris ne peut guère se flatter de connaître dans tous ses détails une affaire qui a été commencée, instruite et jugée à deux cents lieues de lui, dans un pays, sur des actes et entre des personnes dont souvent il arrive qu'il ne sait pas même la langue 3.

Remarquons, en outre, que les anciens arrêtistes ne publiaient pas leurs recueils feuille par feuille, comme

<< Tel étoit maistre Jean Bacquet, duquel on n'a pas tant parlé de son vivant, qu'après son décès: car il plaidoit fort peu souvent, se rendant néanmoins assidu aux audiences, où il se tenoit derrière les barreaux, et remarquoit soigneusement ce que l'on disoit, et les arrests qui s'y donnoient, jusques à demander aux avocats les noms des parties, et les principaux poincts de leurs causes dont il a si bien fait son profit, que vous en voyez les fruits par ses livres qui sont si bien recherchez. >> LOISEL, Opusc., p. 531.

2 « Chacun en sa chacune, je veux dire en sa cour de parlement. » PASQUIER, liv. 30, Lett. 15, page 578.

3 Ceci a été écrit en 1813; à cette époque, les arrêts des cours de Turin, Bruxelles, etc., entraient dans nos compilations.

font les modernes. Ils faisaient un choix d'arrêts, les classaient à leur manière, et établissaient entre eux, par des rapprochemens ou des renvois, une concordance telle que leur ouvrage venant à paraître, offrait, sinon sur toutes les questions, au moins sur le plus grand nombre, un corps de jurisprudence à peu près fixe.

« Autant qu'il m'a été possible (dit BRILLON), je me suis exactement attaché à concilier les décisions contraires, soit pour empêcher que les jeunes avocats ne s'égarent sur des routes douteuses, soit pour ôter aux parties, naturellement passionnées, les motifs d'entreprendre des procès téméraires, sur le fondement de décisions mal entendues ou peu digérées en quelques-uns de nos journaux.

Il y avait, en effet, des recueils d'arrêts intitulés journaux; mais ce n'étaient pas des journaux dans le sens qu'on attache aujourd'hui à ce mot. Ce n'étaient pas des ouvrages périodiques distribués régulièrement et à jour fixe à des abonnés; ils n'avaient pris ou reçu la dénomination de journaux que de l'ordre chronologique dans lequel les arrêts s'y trouvaient rangés.

Maintenant, au contraire, un journal est, avant tout, une branche de revenu, une spéculation, un négoce qui rend l'arrêtiste justiciable des tribunaux de commerce, et contraignable par corps s'il manque à l'exécution de ses engagemens journaliers envers le papetier, l'imprimeur, etc.

Le chef du journal, tout occupé de ses registres d'abonnement, n'est le plus souvent qu'un capitaliste qui soudoie un certain nombre de rédacteurs en sous-ordre, souvent fort négligens ou inexpérimentés.

Ce n'est pas tout. Les feuilles se succèdent, mais ne se ressemblent pas ; les dernières peuvent bien renvoyer aux premières, mais celles-ci ne peuvent plus renvoyer aux suivantes: Nescit vox missa reverti. Lorsqu'à la page 20 se trouve un arrêt de cour impériale qui a jugé blanc, à la page 50 se rencontre souvent un autre arrêt qui a jugé noir; et plus loin un troisième arrêt qui n'a jugé comme aucun des précédens. Rien de plus fréquent encore que de voir un arrêt de 1807 cassé en 1808. Il en résulte qu'on peut moins faire dans ces recueils des recherches que des

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