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phes des Césars, on vit encore paraître d'excellens jurisconsultes; mais depuis ce temps, le goût de la science se perdit peu à peu, et personne n'entreprit de rendre à la jurisprudence un éclat qui diminuait de plus en plus. Quelques professeurs, il est vrai, enseignaient encore le droit à Rome et à Constantinople; mais leurs efforts ne les menèrent pas au-delà; et Lactance se plaint avec raison de ce qu'au temps dont nous parlons, il n'y avait plus d'éloquence, plus d'avocats, plus de jurisconsultes. Extinctam esse eloquentiam, causidicos sublatos, jurisconsultos aut necatos, aut relegatos. Lacт. de mort. persec., cap. 22.

CHAPITRE V.

Droit romain depuis Constantin jusqu'à Justinien.

L'introduction du christianisme dans l'empire romain, et la conversion de Constantin, durent amener dans la jurisprudence plusieurs changemens. On doit attribuer à cette cause les lois de cet empereur concernant la permission de donner aux églises, L. 1, C. de sacros.. ecclesiis, la suppression des combats de gladiateurs, L. un. C. de gladiat.; l'obligation de célébrer le dimanche ; L. 3. C. de feriis; et tant d'autres lois accommodées au christianisme, qui firent dire de lui: Quod novas leges regendis moribus et frangendis vitiis constituerit, Veterum calumniosas ambages resciderit, hæque captandæ simplicitatis laqueos perdiderint. (NAZARIUS, in panegyr. c. 38.)

leges videri Commodi et Caracallæ hominum imperitorum voluntates, quùm Trajanus nunquàm libellis responderit, ne ad alias causas facta proferrentur, quæ viderentur ad gratiam composita. JUL. CAPIT. in Macrin., cap. 13.

Sous cet empereur, la jurisprudence reprit une vie nouvelle, et il parut encore quelques savans jurisconsultes, tels que Hermogénianus, Charisius et Julius Aquila.

Mais ce qui répandit le plus grand lustre sur cette belle science, fut l'institution des écoles de droit. Les plus renommées furent celles de Béryte, de Rome et de Constantinople; elles s'acquirent même une faveur telle que, pour les conserver dans toute leur splendeur, Justinien leur accorda le privilége exclusif d'enseigner le droit publiquement, et fit fermer quelques écoles rivales qui commençaient à s'ouvrir à Alexandrie et à Césarée.

L'école de Béryte surtout était sans contredit la plus ancienne et la plus florissante. Dès l'an 248, Grégoire Thaumaturge appelait cett ville urbem planè romanam, et legum romanarum scholá ornatam. Dioclétien et Maximien, qui vivaient aussi dans le troisième siècle, en parlent également avec éloge dans la loi, 1. C. qui ætate vel profess. excus. Dans le quatrième siècle, l'affluence des élèves y était si grande que Libanius (orat. 26) se plaint de ce que les jeunes gens abandonnaient l'étude de l'éloquence pour se livrer exclusivement à celle du droit.

En vain cette ville fut désolée (à peu près à cette époque) par un horrible tremblement de terre; bientôt elle sortit de ses ruines plus éclatante et plus belle qu'auparavant; car Nonnus, qui écrivait dans le cinquième siècle, en louant le zèle avec lequel on se livrait dans Béryte à l'étude du droit, l'appelle matrem legum, de même que, dans le sixième, Justinien la nomme civitas legum veneranda et splendida metropolis, et legum nutrix. D'autres écrivains louent la fréquence et l'assiduité des auditeurs, et la profonde doctrine des professeurs, parmi lesquels on comptait à cette époque Dorothée et Théophile, dont Justinien se servit pour composer son corps de droit.

Mais cet éclat ne pouvait pas toujours subsister cette ville aussi infortunée qu'illustre, fut bientôt victime d'un nouveau tremblement de terre; et un incendie, qui acheva de la désoler peu de temps après, découragea les efforts que faisaient ses malheureux habitans pour la relever.

Revenons à Constantin, et remarquons que les modifications qu'il fit subir à la législation romaine n'eurent pas

uniquement pour objet le droit civil, mais encore le droit public. En effet, il divisa l'empire en quatre grands gouvernemens ou préfectures prétoriennes; et, ce qui mérite surtout d'être remarqué, il transféra le siége de l'empire à Constantinople; événement qui, d'une part, abandonnant Rome à l'ambition des pontifes, leur laissa la faculté d'y étendre et d'y affermir leur domination; et qui, de l'autre, ouvrit l'Occident aux barbares, qui déjà se préparaient à fondre sur les plus riches provinces de l'empire

romain.

Rien ne déplaisait tant aux jurisconsultes d'alors, que les changemens multipliés que Constantin faisait aux constitutions de ses prédécesseurs, et le projet qu'il semblait annoncer de réformer l'ancien droit, auquel ils étaient tous accoutumés. C'est pourquoi, craignant que les constitutions données par Adrien ne périssent ou ne tombassent en désuétude, ils travaillèrent à les réunir sous différens codes, espérant qu'à ce moyen ils pourraient les disputer au temps et les arracher à l'oubli.

Grégorius ou Grégorianus est le premier qui ait compilé les constitutions rendues depuis Adrien jusqu'à Constantin, et qui les ait classées sous différens titres.

Sa compilation, quoiqu'elle ne fût que l'ouvrage d'un simple particulier, jouit néanmoins d'une grande autorité. Peu de temps après, Hermogénien entreprit aussi de faire un code qui ne paraît être qu'un extrait du précédent, et dans lequel il réunit avec beaucoup d'exactitude les constitutions de Dioclétien et de ses collègues.

Les enfans de Constantin suivirent le plan de leur père, et travaillèrent de tout leur pouvoir à simplifier la jurisprudence, et à favoriser la religion qu'ils venaient d'embrasser.

Mais bientôt Julien, qui se conduisait dans d'autres vues, vint renverser tout ce qu'ils avaient établi dans l'intérêt de la religion chrétienne, et mit la jurisprudence dans un discrédit tel que les hommes libres cessèrent de l'étudier, et laissèrent cette occupation aux affranchis 1.

1 Juris civilis scientia, quæ Manlios, Scævolas, Servios in amplissimos gradus dignitatis evexerat, LIBERTINORUM artificium dicebatur. MAMERTIN., Panegyr. XI, cap. 20.

A la vérité, son règne ne fut pas de longue durée; et les empereurs qui lui succédèrent jusqu'à Théodose-le-Grand reprirent le système de Constantin, et s'efforcèrent de faire disparaître toutes les difficultés de l'ancien droit.

Mais les peines mêmes qu'ils se donnèrent pour atteindre ce but ne firent qu'augmenter l'embarras, et rendre la science plus épineuse et plus difficile. En effet, leurs constitutions multipliées à l'infini, se joignant aux ouvrages des jurisconsultes qui faisaient autorité au barreau ', firent de la jurisprudence un labyrinthe inextricable.

Théodose-le-Jeune et Valentinien crurent trouver un remède à ce mal, en établissant (l'an 426) qu'on ne pourrait citer que les ouvrages de Papinien, Paul, Caïus, Ulpien et Modestinus; et qu'en cas de dissidence d'opinion, le plus grand nombre l'emporterait, ou qu'à nombre égal Papinien ferait pencher la balance; mais il est évident qu'ils se trompaient, puisqu'ils s'attachaient moinsà ce qui était juste en soi qu'à ce qui faisait autorité; et qu'en cas d'opposition entre les avis, ils comptaient les suffrages au lieu de les peser.

Quoi qu'il en soit, Théodose ne se découragea pas, et, résolu de réduire à certain point les constitutions des empereurs, il confia l'exécution de ce dessein à huit jurisconsultes, parmi lesquels on compte Antiochus; et il promulgua, en 438, un code appelé de son nom Code Théodosien, qui comprenait toutes les ordonnances des princes depuis Constantin-le-Grand jusqu'à lui.

Mais cela n'empêcha pas ses successeurs et ne l'empêcha pas lui-même de faire depuis un assez grand nombre de lois, qui prirent le nom de Novelles, et qui, avec le temps, s'accumulèrent au point de replonger la jurisprudence dans le même chaos d'où l'on avait travaillé si longtemps à la faire sortir. Tel était l'état de la jurisprudence, lorsque Justinien parvint à l'empire.

'Le nombre de ces ouvrages s'élevait du temps de Justinien à près de 2000, et aurait fait, selon l'expression d'Eunapius, la charge de plusieurs chameaux, multorum camelorum onus.

CHAPITRE VI.

Composition du corps de droit.

Nous arrivons enfin au temps de Justinien. Ce prince naquit en 482; il fut associé à l'empire, l'an 527, par son oncle Justin, qui mourut peu de mois après, et lui laissa le monde à gouverner seul.

Justinien, pendant un règne de trente-trois ans, s'appliqua à faire respecter les frontières de ses états, à pacifier l'église, à bâtir et orner des villes, et à refondre en entier la législation romaine.

En effet, ce monarque, voyant le déplorable état où se trouvait réduite la jurisprudence, conçut le projet de resserrer tout le droit romain dans un cadre plus étroit, et partant plus facile à saisir.

Pour l'exécution de cette vaste entreprise, il prit soin d'associer aux hommes d'état les plus illustres et les plus consommés, les professeurs les plus habiles des écoles de Béryte et Constantinople, et les avocats les plus renommés au barreau pour leur savoir, et les plus accrédités par leur éloquence.

l'un

Il mit à la tête de ces hommes d'élite Tribonien, des grands dignitaires de l'empire; et il leur prescrivit de choisir dans les codes précédemment promulgués les meilleures constitutions, et de les réunir en un seul corps divisé en XII livres, leur recommandant surtout d'élaguer l'inutile, et de rectifier ce qui ne se trouverait plus d'usage.

Le résultat de ce premier travail produisit un code auquel Justinien donna son nom, comme on le voit dans

Procope, dans ses anecdotes, reproche à Justinien d'avoir eu la manie de donner son nom à tout (quod omnia à suo nomine dici volue

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