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une constitution qu'il rendit en 529, et par laquelle il abrogea tous les codes antérieurs, et ordonna que le sien eût seul force de loi.

Ensuite, réfléchissant que les principes de la jurisprudence romaine se trouvaient plus complétement réunis, et plus solidement établis dans les ouvrages ex professo des anciens jurisconsultes, que dans les ordonnances partielles des princes ses prédécesseurs, Justinien chargea derechef dix-huit savans, à la tête desquels il mit encore Tribonien, de prendre dans ces ouvrages tout ce qu'ils trouveraient de bon et d'applicable aux mœurs de son temps.

Cette opération leur fut confiée l'an 530; et quoique Justinien leur eût accordé dix années pour la terminer, ils s'y livrèrent avec tant d'ardeur et de zèle, qu'ils achevèrent en trois ans cet énorme travail, qui fut appelé Digeste ou Pandectes, parce qu'il comprenait dans son ensemble des décisions sur toutes les matières du droit. Quòd omnes disputationes et decisiones in se haberet legitimas, et, quod undiquè esset collectum, in sinus suos recepisset. L. 2, § 1, C. de vet. jure enucleando.

Aussitôt après la confection des Pandectes, Justinien adjoignit à Tribonien Théophile et Dorothée, et leur ordonna de composer sur les abrégés des anciens jurisconsultes, et principalement sur les institutes de Gaïus, des institutes impériales, qui ne devaient contenir que les premiers élémens de la jurisprudence: ut illæ essent totius legitimæ scientiæ prima elementa. (Procem. inst., § 4).

Cet ouvrage, quoique postérieur aux Pandectes, fut néanmoins promulgué auparavant; car il fut rendu exécutoire par une constitution en date du 21 novembre 533, tandis que le corps entier du droit ne le fut que le 13 décembre suivant, par une autre constitution qui ordonna de le garder et observer dans le forum, et de l'enseigner dans les écoles de Rome, de Constantinople et de Béryte. Cependant Justinien ne tarda pas à s'apercevoir que,

rit.) Nam (inquit) statis magistratuum, formis LEGUMQUE et militarium ordinum abrogatis, alias invexit, non jure, non publico commodo adductus, sed ut omnia nova, et de SUO NOMINE dicerentur. Rei cujus statim abolenda copia non fuisset, saltem suum indidit vocabULUM.

malgré la recommandation qu'il avait faite de ne laisser subsister dans son code aucun vestige des contradictions que présentaient les opinions opposées des jurisconsultes de diverse secte, il restait encore plusieurs points controversés. Pour ôter jusqu'à la moindre trace de ces antinomies, il promulgua, sous le consulat de Lampadius et d'Oreste, cinquante décisions, quinquaginta decisiones, qu'il distribua ensuite sous les différens titres de son code, lors de la révision qu'il en fit faire bientôt après.

Cette révision était devenue nécessaire; car depuis la confection de son code, Justinien avait porté plusieurs constitutions qui s'en trouvaient détachées; et dans ce code même se rencontraient plusieurs décisions dont le temps avait fait sentir le vice ou l'abus, et qui paraissaient susceptibles d'améliorations. Ces considérations le déterminèrent à charger de nouveau Tribonien et quatre autres personnages qu'il lui adjoignit, de reviser son ancien code, et de refondre dans le nouveau les cinquante décisions dont on a parlé, ainsi que ses constitutions subséquentes, et d'y faire les changemens convenables. Ce second code a remplacé le premier, et a été promulgué le 16 decembre 534, sous le titre de Codex repetitæ prælectionis.

Justinien ayant encore régné plusieurs années depuis l'émission de ce dernier code, on ne doit pas être surpris qu'il se soit trouvé forcé de décider quelques-unes de ces questions neuves, que la mobilité des circonstances fait naître à chaque instant. C'est ce qu'il fit par des constitutions nouvelles, Novellæ constitutiones, écrites en grec pour la plupart, et dont il projetait de faire une compilation séparée, comme il l'annonce lui-même dans la constitution Cordi nobis, § 5, de emend. Cod. 1.

Voilà tout ce qui compose le corps des lois romaines : compilation qui, depuis plus de sept siècles, a été si amè

Il paraît même que Justinien exécuta depuis ce projet, comme nous l'atteste AGATHIAS, lib. 5, p. 140, et PAUL. DIAC. hist. Longob. lib. 1, c. 25. Et de fait cette collection dont parle Paul Diacre ne semble pas autre que celle qui fait aujourd'hui partie du corps de droit, et qui se trouve aistribuée en neuf collations, comprises sous le titre général de Novella.

rement critiquée, si vivement défendue; les uns n'y relevant que des défectuosités, les autres s'obstinant à n'y trouver rien que de bon et de bien '.

Quant à nous, si nous disons notre avis, nous avouerons sans peine que le corps de droit n'est pas exempt de reproches, et nous conviendrons, par exemple, qu'on aurait pu lui donner moins d'étendue, et le distribuer dans un meilleur ordre; mais aussi nous ajouterons que ces défauts sont excusables dans un ouvrage de si longue haleine; fait de main d'homme, et conséquemment destiné à rester imparfait. Car, ainsi que le disait Justinien lui-même, in nullo aberrare, seu in omnibus irreprehensibilem et inemendabilem esse, divinæ utique solius, non autem mortalis est constantiæ seu roboris. L. 3, § 13, C. de vet. jur. enucleando.

Au surplus, ces défauts n'empêchent pas que le corps des lois romaines ne soit une source inépuisable de doctrine et de raison, et qu'on ne doive dire de cet ouvrage comme de tous ceux ou le bon surpasse le mauvais :

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Quel fut, après Justinien, le sort de sa législation.

Voyons maintenant quel fut, après Justinien, le sort de sa législation, soit en Orient, soit en Occident.

Voyez FRANC. HOTOMAN. in Antitriboniano; BALDUINUS, in Justiniano; AUTUMNUS in censura gallicâ juris romani; BERTHELOT dans son Apologie du droit romain.

Et d'abord il est bien certain que le corps de droit promulgué par cet empereur fut reçu de suite en Orient, soit dans les tribunaux, soit dans les écoles de jurisprudence. Mais comme la plupart des juges et des professeurs ne connaissaient que médiocrement la langue latine, on sentit peu à peu le besoin de traduire en grec les lois que Justinien avait promulguées en latin.

La première traduction qui parut fut celle des Institutes. Théophile, le même que Justinien avait employé à leur rédaction, en donna, du vivant même de cet empereur, une paraphrase grecque qui est parvenue jusqu'à nous et dont les meilleures éditions ont été publiées par Fabrot et Denis Godefroy.

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Thalelous, qui était également contemporain de Justinien, donna aussi des Pandectes une version grecque qu'on trouve très souvent citée dans les Basiliques.

Réciproquement, les Novelles de Justinien, qui, pour la plupart, avaient été composées et promulguées en grec, furent traduites en latin par Julien-l'Antécesseur, qui, en 750, en donna un excellent abrégé que l'on trouve à la suite du commentaire des frères Pithou, sur le code, Paris, 1689, in-folio.

On se servit de ces traductions au barreau et dans les écoles jusqu'au neuvième siècle, que les empereurs de Constantinople songèrent à en faire faire un compendium. En 838, Basilius Macedo publia le premier un recueil abrégé, sous le titre de proxy tv . Léon-le-Philosophe continua l'entreprise de son père, fit retoucher cette traduction, et la promulgua l'an 886, sous le titre de iatašiwv Barth. Enfin, Constantin-Porphyrogénète y mit la dernière main, et publia au commencement du dixième siècle les livres des Basiliques.

Ces livres sont composés de la version grecque des Institutes, des Pandectes, du Code, des Novelles et des édits de Justinien, des paratitles et commentaires de quelques jurisconsultes de l'empire d'Orient. On y a même fait entrer plusieurs passages des Pères et des Conciles.

Cette version toutefois n'est pas littérale; elle diffère du texte en plusieurs endroits. Quelques lois s'y trouvent omises; d'autres, au contraire, y ont été ajoutées;

d'autres, enfin, s'y trouvent abrégées et tronquées. Get ouvrage n'était pas très facile à entendre, même pour les Grecs, à en juger d'après ce que dit Psellus: interpretatu difficile est et maximè obscurum. Charles-Annibal Fabrot, avocat au parlement d'Aix, en entreprit, de l'avis du chancelier Séguier, une traduction latine, qu'il donna au public en 1647, 7 vol. in-folio.

Les Basiliques ont été observées dans tout l'Orient; et l'on en a la preuve dans une foule d'ouvrages de jurisprudence écrits en grec depuis le onzième jusqu'au quatorzième siècle, où cette compilation est citée et commentée.

Leur autorité n'a cessé qu'en 1435, lorsque la prise de Constantinople, par les Turcs, eut mis fin à l'empire d'Orient.

Mais revenons à l'empire d'Occident. Plusieurs des provinces de cet empire étaient tombées au pouvoir des barbares. D'autres, quoiqu'en petit nombre, étaient restées sous la nomination des empereurs romains.

Dans celles-ci, le droit de Justinien fut certainement en usage; car cet empereur avait ordonné de l'observer dans tout l'empire, et de l'enseigner exclusivement dans toutes les écoles.

Quant aux provinces envahies par les barbares, les vainqueurs, ne se réservant que le pouvoir militaire, laissèrent généralement aux vaincus l'usage des lois romaines. Et toutefois ces lois n'étaient pas celles promulguées par Justinien, mais plutôt les codes Grégorien, Hermogénien et Théodosien, avec les institutes de Gaïus, les sentences de Paul et les écrits de quelques autres jurisconsultes, dont Alaric, roi des Visigoths, fit faire, en 506, par Anien, son chancelier, un abrégé que les historiens et les jurisconsultes ont indifféremment appelé CORPUS THEODOSIANUM. Baluz., tom. x, p. 474. LEX ROMANA, idem, tom. 2, p. 995; Dugance, Glossar. hác voce: BREVIARIUM ANIANI.Voy. Jac. Godefroy, in proleg. Cod. Theod. cap. 5.

Les Ostrogoths en usèrent de même : leur roi Théodoric ordonna, dans la préface de son édit, qu'il serait exécuté, salva Juris publici reverentiá, et legibus omnibus cunctorum devotione servandis.

Cassiodore nous atteste également que le droit romain

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