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une connaissance approfondie et une intelligence exacte des monumens de la jurisprudence et de la législation. Une suite de dissertations où l'on approfondirait ce qui a rapport au droit de succession à la couronne, aux minorités, aux régences, aux bénéfices, aux fiefs, à l'état des personnes, à la condition des biens, aux différentes formes de la législation, à la distribution et au mouvement des pouvoirs, constituerait donc la partie la plus instructive de notre droit. Elle consisterait, comme le dit Montesquieu, « à éclairer l'histoire par les lois, et les lois par l'histoire. »

Un jurisconsulte qui, à de vastes connaissances techniques unirait le bonheur du style, assurerait de suite la perfection à son ouvrage. Mais dût-il manquer de grâce à son tour, comme les autres manquent de science, il aurait du moins rempli l'une des conditions du problème, la plus essentielle, celle qui s'est fait le plus désirer jusqu'à ce jour : et il aurait préparé pour d'autres les élémens d'une histoire vraiment digne de ce nom.

Je ne sais qui pourra remplir un tel plan dans toute son étendue ; mais je tenais à l'indiquer pour que d'autres plus habiles et moins occupés s'y attachent de leur côté.

En attendant, j'espère que ce Précis ne sera pas sans utilité pour cette jeunesse ardente à s'instruire, qui fonde aujourd'hui les plus chères espérances de la patrie.

DU

DROIT FRANÇAIS.

SI.-Dessein de ce Traité.

Avant que les Francs entrassent dans les Gaules, on y suivait les lois romaines, qui continuèrent d'y être observées sous les rois de la première et de la seconde race, mais avec les lois barbares et les capitulaires des rois. Les désordres du dixième siècle confondirent toutes ces lois : en sorte qu'au commencement de la troisième race de nos rois, il n'y avait guère d'autre droit en France qu'un usage incertain; à quoi les savans ayant joint ensuite l'étude du droit romain, leurs décisions mêlées avec cet ancien usage ont formé les coutumes, qui ont été depuis écrites par autorité publique. Enfin les rois ont établi plusieurs droits nouveaux par leurs ordonnances. C'est tout ce que je me propose d'expliquer dans cet écrit: et j'espère que l'on me pardonnera si j'use quelquefois de conjectures, quand on considérera combien cette matière a été peu éclaircie jusqu'à présent. J'appellerai droit ancien celui qui a été en usage jusqu'au dixième siècle, parce que la suite a tellement été interrompue depuis, qu'à peine en trouve-t-on quelque reste qui soit encore en vigueur; et je nommerai droit nouveau tout ce qui a été suivi sous les rois de la troisième race, parce qu'encore qu'il y ait eu de grands changemens, on y voit une tradition suivie de lois et de maximes que l'on peut conduire jusqu'à nous.

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Je ne sais s'il est à propos de remonter jusqu'aux Gaulois, et si l'on peut croire qu'après tant de changemens il nous reste quelque droit qui vienne immédiatement d'eux. Voici toutefois une idée de leurs mœurs et de leur police

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tirée de Jules-César, où peut-être quelqu'un trouvera du rapport avec les mœurs des derniers siècles. Toute la Gaule était divisée en plusieurs petits peuples indépendans les uns des autres, dont les noms sont demeurés pour la plupart aux villes qui en étaient les capitales, comme Paris, Sens, Tours, et grand nombre d'autres. Il n'y avait que deux sortes de personnes qui fussent en quelque considération, les druides et les chevaliers. Le reste du peuple était dans une espèce de servitude. Il ne pouvait rien entreprendre de lui-même, et n'était appelé à aucune délibération plusieurs même, cédant à la rigueur de leurs créanciers, ou à la tyrannie des nobles, se rendaient effectivement leurs esclaves. Les druides avaient la conduite de tout ce qui regardait la religion et les études, et rendaient la justice même en matière criminelle, dans de grandes assemblées qui se tenaient tous les ans. Leur autorité était grande, et ils étaient exempts d'aller à la guere, et de payer aucun tribut. La peine de ceux qui ne leur obéissaient pas était une espèce d'excommunication : ils étaient exclus des sacrifices, ils passaient pour impies et pour scélérats: tout le monde fuyait leur rencontre, et ils ne pouvaient recevoir aucun honneur, ni même poursuivre leur droit en justice. Les chevaliers portaient tous les armes, et allaient tous à la guerre quand il y en avait, ce qui arrivait entre ces petits états presque tous les ans. Le plus grand honneur de ces chevaliers était d'avoir un grand nombre de personnes qui leur fissent la cour, et qui les suivissent aux occasions; et ils ne souffraient point que leurs enfans parussent devant eux en public, qu'ils ne fussent en âge de porter les armes. On peut en voir davantage dans un recueil des lois d'Allemagne par Goldast 2, où les anciennes coutumes des Gaulois et des Germains sont rapportées dans les propres termes de César et de Tacite, et rangées sous certains titres.

§ III.- Droit romain en Gaule.

A mesure que les Romains étendirent leurs conquêtes 'Cæsar. de bello gal. lib. 6.

* Collectio consuetud. legum imper. Francofurti, 1613.

dans les Gaules, leur langue, leurs mœurs et leurs lois s'y établirent comme dans les autres pays; car tout l'empire romain ne faisait qu'un grand corps gouverné par un même esprit, et dont toutes les parties étaient unies par leurs besoins mutuels. Tous les gouverneurs des provinces et tous leurs oficiers, jusqu'aux appariteurs, étaient Romains, sans compter le reste de leur suite toujours nombreuse, qu'ils appelaient leur cohorte; et leurs emplois duraient si peu, que le séjour des provinces ne pouvait faire en eux de changement considérable. C'étaient des Romains, et même des chevaliers, qui étaient publicains ou fermiers des revenus publics. Les soldats qui composaient les légions étaient Romains; et, outre ceux-ci que le service de l'état attirait dans les provinces, il y avait toujours un grand nombre de citoyens romains qui y demeuraient pour leurs affaires particulières : pour exercer la banque ou le commerce, pour cultiver des terres, nourrir du bétail, particulièrement dans les colonies. Plusieurs, sans sortir de Rome ou de l'Italie, tiraient de grands revenus des provinces par le moyen de leurs esclaves.

D'autre part, les habitans des provinces venaient souvent à Rome, soit pour les affaires publiques de leur pays, en qualité de députés, soit pour leurs affaires particuliè res, ou pour faire leur cour, ou par curiosité. Les plus considérables avaient droit d'hospitalité avec les citoyens les plus puissans, ou du moins étaient sous leur protection. Quelques-uns s'établissaient à Rome, devenaient citoyens, sénateurs et magistrats; jusque-là que plusieurs empereurs étaient originaires des provinces. Enfin ils devenaient souvent Romains sans sortir de leur pays, par le droit de cité, qui s'accordait non seulement à des particuliers, mais à des villes entières ; et depuis que l'empereur Antonin le donna à tous les sujets de l'empire, il y eut des Romains de toutes nations.

Il est vrai que ce grand commerce n'apporta pas un changement égal en toutes les provinces: car les Romains faisaient grande différence entre les Grecs et tous les autres peuples qu'ils nommaient barbares. Comme ils étaient redevables aux Grecs de toute leur politesse, et tenaient d'eux les sciences et les beaux-arts, ils eurent toujours

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