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mains un abrégé du code Théodosien, par Anien, son chancelier, qui le publia en la ville d'Aire en Gascogne. Anien y ajouta quelques interprétations, comme une espèce de glose; du moins il souscrivit pour leur donner autorité, car on n'est pas assuré qu'il les ait composées lui-même : ce qui est certain, c'est que cet abrégé fut autorisé du consentement des évêques et des nobles en 506, et que l'on Ꭹ avait voulu comprendre tout le droit romain qui était alors en usage, que l'on tirait, comme il a été remarqué, tant des trois codes, que des livres des jurisconsultes.

On fit dans la suite un autre extrait de ce code, qui ne contenait que les interprétations d'Anien, et qu'ils appelaient Scintilla.

La loi gothique ayant été augmentée par les rois suivans, à la fin, quand on crut y avoir assez ajouté pour y trouver la décision de toutes sortes de différends, l'on en fit un corps divisé en XII livres, pour imiter, disent quelques-uns, le code Justinien, quoiqu'il n'y ait aucun rapport dans l'ordre des matières. On ordonna que ce recueil serait l'unique loi de tous ceux qui étaient sujets des rois goths, de quelque nation qu'ils fussent : et par ce moyen on abolit en Espagne la loi romaine, ou plutôt on la mêla avec la gothique; car on en tira la plus grande partie de ce qui fut ajouté aux anciennes lois. Ce recueil s'appelait le livre de la loi gothique; et le roi Egica, qui régna jusqu'en 701, c'est-à-dire, douze ans avant l'entrée des Maures en Espagne, le fit confirmer par les évêques au 16° concile de Tolède, l'an 693. On y voit les noms de plusieurs rois : mais tous sont depuis Récarède, qui fut le premier entre les rois goths catholiques. Les lois précédentes sont intitulées antiques, sans qu'on y ait mis aucun nom des rois; non pas même celui d'Evarix; et peut-être a-t-on supprimé ce nom en haine de l'arianisme. Ces lois antiques, prises séparément, ont grand rapport avec celles des autres barbares : ainsi elles comprennent toutes les coutumes des Goths que le roi Evarix avait fait écrire. Mais, à prendre la loi gothique entière, c'est sans doute la plus belle comme la plus ample de toutes celles des barbares, et l'on y trouve l'ordre judiciaire qui s'ob

servait du temps de Justinien, bien mieux que dans les livres de Justinien même. C'est le fond du droit d'Espagne, et elle s'est conservée en Languedoc, long-temps après que les Goths ont cessé d'y commander, comme il paraît par le second concile de Troyes, tenu par le pape Jean VIII en 878.

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La loi des Bourguignons fut réformée par Gondebaud, l'un de leurs derniers rois, qui la publia à Lyon le 29 de mars de la seconde année de son règne, c'est-à-dire, en 501. C'est du nom de ce roi que ces lois furent depuis nommées Gombettes, et toutefois il n'en était pas le premier auteur. Il le reconnaît lui-même, et Grégoire de Tours le témoigne, lorsqu'il dit que Gondebaud donna aux Bourguignons des lois plus douces pour les empêcher de maltraiter les Romains. Il y a quelques additions qui vont jusqu'en l'an 520, ou environ, c'est-à-dire, dix ou douze ans avant la ruine du royaume des Bourguignons. Cette loi fait mention de la romaine, et l'on y voit clairement que le nom de barbare n'était point une injure, puisque les Bourguignons mêmes, pour qui elle est faite, y sont nommés barbares, pour les distinguer des Romains. Au reste, comme ce qui obéissait aux Bourguignons est environ le quart de notre France, on ne peut douter que cette loi ne soit entrée dans la composition du droit français.

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Quant à la loi salique qui fut la loi particulière des Francs, sa préface porte qu'elle avait été écrite avant qu'ils eussent passé le Rhin, et marque les lieux des assemblées avec les noms des quatre sages qui en furent les auteurs. Mais cette histoire est suspecte; et je crois qu'il est plus sûr de s'arrêter à l'édition que nous en avons sans trop rechercher si c'est la première rédaction, ou une réformation. Elle fut faite de l'autorité des rois Childebert et Clotaire, enfans de Clovis; et il est dit expressément

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que l'on y abolit tout ce qui ressentait le paganisme dans les anciennes coutumes des Francs.

Nous avons deux exemplaires de cette loi, conformes dans le sens, est assez différens quant aux paroles. Le plus ancien, qui a été imprimé le premier, contient en la plupart de ses articles des mots barbares, qui signifient les lieux dans lesquels chaque décision avait été prononcée, ou la somme des amendes taxées pour chaque cas. C'est ainsi que l'explique Vandelin, official de Tournai, dans le traité particulier qu'il a fait de la loi salique. L'autre exemplaire est l'édition de Charlemagne, et c'est celui qui contient le code des lois antiques. A la fin de ce dernier, sont quelques additions sous le nom de décret des mêmes rois Childebert et Clotaire, qui sont les résultats des assemblées solennelles du premier jour de

mars.

La loi des Ripuaires n'est quasi qu'une répétition de la loi salique 1; aussi l'une et l'autre étaient pour les Francs; et l'on croit que la loi salique était pour ceux qui habitaient entre la Loire et la Meuse, et l'autre pour ceux qui habitaient entre la Meuse et le Rhin 2. Le roi Théodoric étant à Châlons-sur-Marne, avait fait rédiger la loi des Ripuariens avec celle des Allemands et des Bavarois, tous peuples de son obéissance. Il y avait fait plusieurs corrections, principalement de ce qui n'était pas conforme au christianisme. Childebert et ensuite Clotaire second l'avaient encore corrigée : enfin Dagobert les renouvela et les mit en leur perfection, par le travail de quatre personnes illustres : Claude, Chaude, Indomagne et Agilulfe; et c'est ainsi que nous les avons.

SIX. Des lois barbares en général.

1

Voilà quelles sont les lois barbares qui se rapportent proprement à notre France. Il est bon maintenant de donner une idée générale de leur matière et de leur style, pour connaître à quoi elles nous peuvent servir.

1 V. Cod, leg. antiq. Præfat. leg. Ripuar.

Le nom de lois ne doit pas nous imposer, et nous faire croire que celles-ci soient l'ouvrage d'une prudence consommée, comme celles d'Athènes ou de Lacédémone. Ce ne sont, à proprement parler, que des coutumes écrites, c'est-à-dire, un recueil de ce que ces peuples avaient accoutumé de suivre dans le jugement de leurs différends, composé par ceux qui en avaient le plus d'expérience. On le voit par l'ancien exemplaire de la loi salique, qui marque en langue barbare le nom des lieux cù de pareils jugemens avaient été rendus, et quelquefois la qualité de l'action.

Ces lois ont néanmoins été rédigées par autorité publique, et approuvées non seulement par les rois, mais par les peuples, ou du moins par les principaux qui les acceptaient au nom de toute la nation. Ainsi la loi salique est intitulée le pacte ou le traité de loi salique ; et la loi des Bourguignons porte les souscriptions de trente comtes qui promettent de l'observer, eux et leurs descendans.

La principale matière de ces lois sont les crimes, et encore les plus fréquens entre des peuples brutaux, comme le vol, le meurtre, les injures, en un mot, tout ce qui se commet par violence. Ce qui regarde les successions et les contrats est traité succinctement. Dans les lois des peuples nouvellement domptés et convertis, comme des Allemands, des Saxons, des Bavarois, il y a des peines particulières contre les rebelles et contre les sacriléges; par où l'on peut juger que ni les officiers publics, ni les évêques et les autres clercs n'étaient pas en grande sûreté chez ces barbares.

On voit dans ces lois la forme des jugemens : ils se rendaient dans de grandes assemblées où toutes les personnes de distinction étaient contraintes de se trouver sous de certaines peines : comme il paraît par la loi des Bavarois 1. Pour les preuves, ils se servaient plus de témoins que de titres, et même dans les commencemens ils n'avaient aucun usage de l'écriture: faute de preuves, ils employaient le combat, ou faisaient des épreuves par les élé

L. Bajoar. tit. 25.

mens. Le combat était un duel en champ clos, qui se faisait de l'ordonnance des juges, ou par les parties mêmes ou par leurs champions. Les épreuves se faisaient diversement par l'eau bouillante, où l'accusé devait mettre le bras jusques à certaine mesure; par l'eau froide, dans laquelle il était plongé pour voir s'il irait à fond; et quelquefois par le feu, où l'on faisait rougir un fer que l'accusé était tenu de porter avec la main nue le long d'un certain espace; ensuite de quoi on lui enveloppait la main, et on y mettait un sceau pour voir, après quelques jours, l'effet du feu.

Il y avait encore une autre sorte d'épreuve pour les gens accusés de vol on leur donnait un morceau de pain d'orge et de fromage de brebis ; et lorsqu'ils ne pouvaient avaler ce morceau, ils étaient réputés coupables 2.

Ces manières de juger, qui se sont conservées pendant plusieurs siècles, passaient pour si légitimes, qu'elles étaient appelées Jugement de Dieu. Aussi y employait-on des cérémonies ecclésiastiques, dont on voit encore les formes, avec les exorcismes de l'eau et du feu, et les prières des messes qui se disaient à cette intention. La simplicité de ces temps-là faisait croire que Dieu devait faire des miracles pour découvrir l'innocence; et les histoires rapportent plusieurs événemens qui confirmaient cette créance. Quoi qu'il en soit, ils n'avaient rien trouvé de plus commode que cette espèce de sort, pour se déterminer dans les affaires obscures, où leur prudence était à bout. C'est ce que les canons appellent purgation vulgaire, toujours condamnée par l'église romaine, nonobstant la force d'un usage presque universel; et on l'appelait vulgaire pour la distinguer de la purgation canonique qui ne se faisait que par serment.

Les qualités des peines que prononcent les lois sont remarquables. Pour la plupart des crimes, elles n'ordonnent que les amendes pécuniaires, ou, pour ceux qui n'avaient pas de quoi payer, des coups de fouet, et il n'y en a presque

'Sur les différentes sortes d'épreuves, voyez le supplément de Moréry de 1735, au mot épreuves.

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