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fyllabes qui finiffent par une muet, en ont treize, comme on peut le voir dans ces trois Vers:

La-foi-qui-n'a-git-point,-eft-ce u-ne-foi-fin-ce-re?

Dieu-tient-le-caur-des-rois-en-tre-fes-mains-puif-fan-tes.

De-leur-au-da-ce en-vain-les-vrais-Chré-tiens-ge-mif-fent.

& que les Vers de dix fyllabes qui finiffent par une muet en ont onze, comme dans ces trois Vers:

Mau-di-te-foit-la-mon-dai-ne-ri-chef-fe.
Pau-vres-bre-bis,-on-vous-a-bien-fé-dui-tes.
Dieu-gard-tous-ceux-qui-pour-la-Fran-ce-veil-lent.

Les Vers de huit, de fept & de fix fyllabes, ont également une fyllabe de plus, quand ils font terminés par un e muet.

Mais le fon fourd de cette voyele s'y fait entendre fi foiblement, que la fyllabe où elle fe trouve et comptée pour rien.

Il ne faut pourtant pas mettre au nombre des e muets, celui qui fe trouve fuivi des lettres nt dans les troitemes perfones du pluriel de l'imparfait de l'indicatif & du conditionel préfent des Verbes, comme dans ils aimoient, ils aimeroient, parce que la terminaifon vient y a entiérement le fon de l'è fort ouvert.

Les Vers dont le dernier mot et terminé par toute autre voyele que l'e muet, ou par une confone fans l'e muet, n'ont point, comme les autres, de fyllabe furabondante. Ainfi il n'y a précidément que douze fyllabes dans chacun de ces trois Vers:

L'i-gno-ran-ce-vaut-mieux-qu'un-fa-voir-af-fec-té.

Ha-tons-nous : le-temps-fuit,-&-nous-trai-ne a-vec-foi ;
Dieu-ne-fait-ja-nais-grace a-qui-ne-l'ai-me-point.

Les Vers qui finiffent par un e muet fout appelés, Vers féminins; & les autres font appelés, Vers mafculins. Ce qui forme une nouvele divifion des Vers en mafculins & féminins.

On fait encore quelquefois des Vers qui ont moins de fix fyllabes: mais ce n'eft guere que dans des pieces libres & badines, ou deftinées à être mifes en Mulique.

Les Vers qui ont le plus d'harmonie & de majefté, font ceux de douze fyllabes: auffi les emploie-t-on dans les poêmes heroiques, les tragédies, les comédies, les églogues, les elégies, & autres pieces férieufes & de longue haleine.

De l'e muet à la fin des mots.

Quand, dans le corps du Vers, la derniere fyllabe d'un mot eft terminée par une muet feul, & que le mot qui fuit commence par une voyele ou par une h non afpirée, cette fyllabe fe mange & fe confond dans la prononciation avec la premiere du mot fuivant, comme dans ces deux Vers:

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D'une fecrete horreur je me fens friffoner.

Mais fi le mot terminé par un e muet eft fuivi d'un mot qui commence par une confone ou par une k afpirée, l'e muet fait fa fyllabe & le prononce comme dans ces Vers:

Quelle fauffe pudeur à feindre vous oblige!

Dieu veut-il que l'on garde une haine implacable!

fe

L'e muet final fuivi dans le même mot d'une s ou des lettres nt, prononce comme s'il étoit feul, quand le mot qui eft après commence par une confone, ou par une h afpirée, comme dans ces Vers:

Tu crois, quoi que je faffe,

Que mes propres périls t'ailurent de ta grace,
Traîne d'un dernier mot les fyllabes honteufes.

Ma vie & mon amour tous deux courent hazard.

Quand l'e muet fuivi d'une s ou des lettres nt eft avant un mot qui commence par une voyele ou par une h non afpirée, outre qu'il fait fa fyllabe, I's & le to prononcent comme s'ils faifoient partie du mot fuivant. Ainfi dans ces Vers:

Les prêtres arofoient l'autel & l'affemblée.

Que les mechans appienent aujourd'hui
A cramdre ta colere.

il faut prononcer comme s'il y avoit, Les prêtres zarofoient apprenentaujourd'hui.

C'eft à quoi il faut faire une attention particuliere en lifant ou en récitant les Vers car fi dans ces occafions on manque de prononcer l's ou let final, on confondra nécessairement l'e muet avec la voyele qui commence le mot fuivant, & par conféquent le Vers aura une fyllabe de moins ce qui ne peut produire qu'un effet défagréable à l'oreille.

Rencontre des Voyeles.

On doit abfolument éviter dans les Vers, la rencontre des voyeles qui ne fe mangent point par la prononciation: c'est-à-dire, qu'un mot qui finit par une voyele autre que l'e muet, ne peut jamais fe trouver avant un mot qui cominence auffi par une voyele, ou par une h non afpirée ce que M. Defpreaux a très-bien exprimé par ces deux Vers:

Gardez qu'une voyele à courir trop hâtée,

Ne foit d'une voyele en fon chemin heurtée.

Ainfi on ne pouroit jamais faire entrer dans des vers, ces mots, loi évangélique, Dieu éternel, vérité immortele, le vrai honneur, &c.

La

Les anciens Poêtes ne s'affujétiffoient pas à cette regle mais elle eft devenue indifpenfable pour ceux d'aujourd'hui.

Quoique l'affirmation oui commence par une voyele, on peut néanmoins la répéter avec grâce dans un Vers, ou la mettre à la fuite d'une interjection terminée par une voyele, comme dans ces Vers:

Oui, oui, fi fon amour ne peut rien obtenir,

Il m'en rendta coupable, & m'en voudra punir.
He! oui, tant pis, c'est là ce qui m'afflige.

L'h afpirée étant regardée comme une véritable confone, elle en a toutes les propriétés dans la prononciation: c'eft à-dire, qu'elle peut étré précédée des mémes lettres, & que celles qui fe prononcent ou ne fe prononcent pas avec les confones, fe prononcent auffi ou fe prononcent pas avant l'h afpirée. Ainfi elle peut fa rencontrer à la fuite de quelque voyele que ce puiffe être, comme dans ces Vers:

Chacun s'arme au hazard du livre qu'il rencontre.
Dieu qui voyez ma honte, où me dois-je cacher?
Si je la haifois, je ne la fuirois pas.

ne

On appliquera dans la fuite à l'h non afpirée, ce que nous pourons dire des voyeles; & à l'h afpirée, ce que nous dirons des confones. Let qui eft renfermé dans la conjonction &, ne fe prononçant jamais, on ne peut pas mettre dans les Vers cette conjonction avant un mot qui cominence par une voyele. Ainfi ce Vers ne vaudroit rien:

Qui fert & aime Dieu, poffede toutes choses.

Quoique l'n finale de la négation non, ne fe prononce pas plus que lei de la conjonction &, cependant les Poêtes font en poffeffion de la mettre avant des mois qui commencent par une voyele, comme dans ces Vers:

Non, non, un roi qui veut feulement qu'on le craigne,

Eft moins roi que celui qui fait fe faire aimer.

Nous obferverons, malgré cet uage, que la prononciation de non avant une voyele, n'est pas moins défagréable que celle d'une voyele avant une autre, & qu'il eft toujours mieux de mettre cette négation avant une confone, comme dans ce Vers:

Non, je ne puis foufrir un bonheur qui m'outrage.

On peut dire la même chose des autres mots qui font terminés par une voyele ou par une diphthongue nafale, dont l'n ne fe prononce pas avant un mot qui commence par une voyele. Ainfi quoiqu'on trouve fouvent dans les Poêtes, ces mots avant d'autres qui commencent par une voyele, la rencontre de la voyele ou diphthongue nafale avec une

autre, a toujours quelque chofe de rude à l'oreille, comme on peut le reconnoître dans ce Vers:

Ah' j'atendrai long-temps, la nuit eft loin encore.

ou dans ceux-ci :

La premiere fois qu'un renard
Aperçut le lion, animal redoutable,
Il eut une peur efroyable,

Et s'enfuit bien loin à l'écart.

Cet ufage étant établi & autorifé par les meilleurs Poêtes, nous ne prétendons pas le condamner. Mais on conviendra au moins qu'une confone, à la fuite d'une voyele ou diphthongue nafale dont l'n ne fe prononce pas, rendroit le Vers plus doux & plus coulant, comme

dans ceux-ci :

L'un paîtrit dans un coin l'embonpoint des chanoines,
L'autre broie en riant le vermillon des moines.

M. l'Abbé d'Olivet, après avoir raporté dans fon Traité de la Profodie Françoife, ce que M. l'Abbé de Dangeau & M. l'Abbé Regnier ont dit au fujet de la prononciation des voyeles nafales, ajoute qu'il eft à croire que l'obfervation faite par ces Auteurs qui mettent les voyeles nafales au rang des véritables voyeles, & qui en condamnent la rencontre avec d'autres voyeles dans les Vers, Tiendra déformais lieu de précepte, du moins pour ceux de nos Poêtes qui tendent à la perfection.

Il obferve cependant que cette rencontre peut abfolument fe foufrir, quand la prononciation permet de pratiquer un repos, quelque court qu'il soit, entre le mot qui finit par un fon nafal, & le mot qui commence par une voyele: & il dit que ce feroit peut-être outrer la délicateffe que de blâmer ce Vers d'Athalie :

Celui qui met un frein à la fureur des flots.

ou cet autre :

Difperfe tout fon camp à l'afpect de Jéhu.

Les mots qui ont une voycle avant l'e muet final, tels que font vie, envie, partie, vue, proie, joie, facrée, &c. ne peuvent pas entrer avec grâce dans le corps du Vers, à moins qu'ils ne foient fuivis d'un mot qui commence par une voyele avec laquelle l'e muet fe mange. Ainfi ces Vers ne vaient rien :

Anfelme, mon mignon, crie-t-elle à toute heure.

Ah! n'aye point pour moi

grande indifference.

La bourfe eft criminele, & paye fon délit,

Mais ceux-ci font réguliers:

C'eft Vénus toute entiere à fa proie atachée.

J'ai pris la vie en haine, & ma flamme en horreur.

1

Athênes par mon pere accrue & protégée,
Reconut avec joie un roi fi généreux.

Si dans le même mot l'e muet précédé d'une voyele, eft fuivi d'une s ou des lettres nt, ce mot ne peut fe mettre qu'à la fin du vers, comme dans ceux-ci :

Je vois combien tes voeux font loin de tes pensées.
Auffi-tôt maint efprit fecond en réveries,
Inventa le blafon avec les armoiries.

Tandis que dans les airs mille cloches émues,
D'un funebre concert font retentir les nues.

Au feul nom de Henri les François fe rallient:
La honte les enflamme, ils marchent, ils s'écrient.
Souvent dans leurs projets les conquérans échouent.

Ainfi ces deux vers ne valent rien:

Tu payes d'impofture & tu m'en as donné.

Ce que voyent mes ieux, franchement je m'y fie.

L'e muet au dedans d'un mot & à la fuite d'une autre voyele, fe fupprime toujours & ne fait pas une fyllabe particuliere dans la prononciation: ce qui arive le plus ordinairement dans les futurs des Verbes. Ainfi tuerai, crierons, louerez, facrifiera, enjouement, &c. fe prononcent túrai, crirons, loûrez, facrifira, enjoûment, comme dans ces Vers:

J'efpere toutefois qu'un cœur fi magnanime

Ne facrifiera point les pleurs des malheureux.....
J'avouerai qu'autrefois au milieu d'une armée,
Mon cœur ne foupiroit que pour la renomée.
S'il vient il paiera cher un fi fenfible outrage.

facrifiera ne fait que quatre fyllabes, j'avouerai n'en fait que trois, & paiera n'en fait que deux.

Des Voyeles qui forment ou ne forment pas de Diphthongues.

Il eft encore très-effentiel de favoir quand plufieurs voyeles forment dans les Vers une diphthongue ou n'en forment pas, c'est-à-dire, quand elles doivent fe prononcer en une ou en deux fyllabes: fur quoi nous donnerons ici quelques regles particulieres, en parcourant les différentes fortes de diphthongues, dont la plus part doivent fe prononcer en deux fyllabes, dans la poéfie & dans le difcours foutenu.

IA, forme généralement deux fyllabes, foit dans les Noms, foit dans les Verbes, comme dans di-amant, di-adême, étudi-a, confi-a, oubl-a, &c. excepté dans quelques mots qui fe réduifent à peu près à ceux-ci, diable, fiacre, liard, familiarité, familiarifer:

De peur de perdre un liard foufrir qu'on vous égorge.
Sa familiarité jufque-là s'abandone.

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