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une même rime, comme une rime feminine, celle qui eft après commençant auffi par une rime féminine, il fe trouve deux différentes rimes de même efpece à la fuite l'une de l'autre : ce qui n'ed pas contraire à la regle que nous avons établie, pag..345 & 847; parce que chaque flance doit être considérée féparément, & comme détachée de celle dont elle'eft fuivie.

Le dernier Vers d'une ftance ne doit jamais rimer avec le premier de la fiance fuivante.

Enfin c'eft une regle indifpenfable que le fens finiffe avec le dernier Vers de chaque ftance en quoi les flances Françoifes font plus parfaites que les ftances Latines, où le fens eit tres-fouvent continué de l'une à l'autre.

Les flances considérées par le nombre des Vers dont elles font formées, peuvent fe divifer en flances de nombre pair, & en flances de nombre impair.

Les flances de nombre pair, font celles qui font compofées de quatre, de fix, de huit, ou de dix Vers.

Les flances de nombre impair, font celles qui font compofées de cing, de fept, ou de neuf Vers.

Comme nous avons dit que le mélange de Vers, par raport au nonbre des fyllabes, étoit arbitraire dans les tances, les veglas que nous allons donner pour chaque efpece de itauces, regarderoni principales mant le mélange des rimes.

REGLES POUR LES

STANCES DE NOMBRE

PAIR.

I. Stances de quatre Vers.

Les rimes peuvent s'entremêler de deux manieres dans les ftances de quatre Vers ou dans les quatrains.

1. On fait rimer le premier Vers avec le troifieme, & le fecond avec le quatrieme, comme dans cette flance :

Combien avons-nous vu d'éloges unanimes,
Condamnés, dementis par un honteux retour!
Et combien de héros glorieux, magnanimes,
Ont vécu trop d'un jour !

2. On fait rimer le premier avec le quatrieme, & le fecond avec le troifieme, comme dans cette ftance:

Infenfès! notre âme fe livre
A de tumultueux projets :
Nous mourons fans avoir jamais
Pu trouver le moment de vivre.

Ppppp

II. Stances de fix Vers.

La flance de fix Vers ou le fixain, n'eft autre chofe qu'un quatrain auquel on ajoute deux Vers d'une même rime.

Ces deux Vers d'une même rime fe mettent pour l'ordinaire au commencement, & alors il doit y avoir un repos à la fin du troifieme Vers; c'est-à-dire, que le fens doit y finir de maniere que l'oreille puife s'y arrêter: ce qui donne beaucoup d'harmonie aux ilances de fix Vers. Du refle on y entremêle les rimes des quatre derniers Vers comme dans les quatrains: ce qu'on reconnoîtra dans les deux ftances fuivantes: Renonçons au ftérile apui

Des grands qu'on adore aujourd'hui :
Ne fondons point fur eux une efperance folle :
Leur pompe indigne de nos vœux,

N'eft qu'un fimulacre frivole,

Et les folides biens ne dépendent pas d'eux.

O Dieu! que ton pouvoir eft grand & redoutable!
Qui poura fe cacher au trait inevitable,

Dont tu pourfuis l'impie au jour de ta fureur?
A punir les méchans ta colere fidele,
Fait marcher devant elle

La mort & la terreur.

Quelquefois les deux Vers de même rime fe mettent à la fin de la
ftance: alors le repos n'eft pas néceffaire à la fin du troifieme Vers, &
le mélange des rimes dans les quatre premiers Vers, eft le même que
dans les quatre derniers des flances précédentes, comme dans celles-ci :
Seigneur, dans ton temple adorable
Quel mortel eft digne d'entrer?
Qui pourra, grand Dieu, pénétrer
Dans ce féjour impénétrable,

Où les faints inclinés, d'un œil refpectueux,
Contemplent de ton front l'éclat majeftueux!

Seigneur, de qui je tiens la courone & la vie,
L'une & l'autre fans toi, par un fils inhumain
bientôt être ravie:

Me

Viens donc à mon fecours, prends ma défenfe en main :
Entends mes triftes cris, vois ma peine exceffive,

Et prête à ma priere une oreille attentive.

III. Stances de huit Vers.

Les ftances de huit Vers ne font ordinairement que deux quatrains joints enfemble, dans chacun defquels les Vers font entremêlés comme nous l'avons déja dit: le repos doit s'y trouver à la fin du premier quatrain, comme dans cette ftance:

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Venez, nations arrogantes,
Peuples vains, & voifins jaloux,
Voir les merveilles éclatantes
Que fa main opere pour nous.
Que pouront vos ligues formees
Contre le bonheur de nos jours,

Quand le bras du Dieu des armées
S'armera pour notre fecours!

On peut encore, dans les flances de huit Vers, aranger les rimes de maniere qu'elles commencent ou finiffent par deux Vers de même rime, & que de fix Vers qui reflent, il y en ait trois fur une rime, & trois fur une autre: ce qui eft aifé de s'imaginer fans exemples.

IV. Stances de dix V'ers.

Les ftances de dix Vers ne font proprement qu'un quatrain & un fixain joints enfemble, does chacun defquels les rimes s'entremêlent comme nous venons de le dire.

Ce que ces itances ont de particulier, & ce qui en fait l'harmonie, ce font deux repo,dout Fun doit être à la fin du quatrieme Vers, & l'autre à la fin du feptieme, comme on le verra dans cette flance:

Montrez-nous, guerriers magnanimes,
Votre veru dans tout fon jour:
Vovens comme vos ca ars fublimes
Du fort foutiendront le retour.
Tant que fa faveur vous feconde,
Vous êtes les maîtres du monde :
Votre gloire nous éblouit:
Mais au moindre revers funefte,

Le mafque tombe, l'homme refte:
Et le héros s'evanouit.

REGLES POUR LES STANCES DE NOMBRE

IMPAIR.

Ces flances doivent néceffairement avoir trois Vers fur la même rime; & conformément à la regle que nous avons déja donnée, on ne doit jamais les mettre de fuite. Il faut ou qu'ils foient tous les trois féparés par des rimes différentes, ou qu'au moins il y en ait un feparé des deux autres.

I. Stances de cinq Vers.

On n'obferve dans ces fiances que les regles générales que nous avons données pour le mélange des rimes. Le refle eft au choix du Poête. En voici un exemple.

Ppppp ij

Je tâche d'étoufer ces flammes crimineleş,
Qui m'ont fi meprifer votre jufte courroux.
Je declare la guerre 2 mes tens infideles,

Er veux les eleve, aux chofes eterneles:

Mais je ne puis, mon Dieu, les dompter que par vous.

II. Stances de fept Vers.

Les flances de fept Vers commencent par un quatrain à la fin duquel on obferve ordinairement que le fens foit fini, comme dans la fuivante:

L'hypocrite en fraudes fertile,

Des Tentance eft paîtri de fard:
Il fair colorer avec art

le tiel que fa bouche diftile:
Et la morfure du ferpent

Eft moins aigue & moins fubtile

Que le venin cache que fa langue repand.

III. Stances de neuf Vers.

La premiere partie de ces flances eft un quatrain terminé par un repos; & la feconde partie eft une flance de cinq Vers, comme dans celle-ci :

Homere adoucit mes mœurs

Par fes riantes images.
Seneque aigrit mes

humeurs

Par les preceptes fauvages.
En vain d'un ron de Rheteur,
Epictete à fon lecteur,
Preche le bonheur fuprème:
J'y trouve un confolateur
Plus affligé que moi-meme.

De quelques Ouvrages compofés de Stances.

Les principaux de ces ouvrages après l'Ode, font le Sonet & le Rondeau, dont il et à propos de parler ici, parce que ce font de petites pieces de Poefie qui font encore affez en uiage, & qui ont des regles particulieres.

Du Sonet.

Nous n'avons rien de plus beau dans notre Poéfie que le Sonet, quand il est bien exécute. Les penfees doivent y étre nohles & relevées, les expreflions vives & harmonieufes; & on n'y foufre rien qui n'ait un raport effentiel à ce qui en fait le fujet. Mais il eft affujéti à des regles fi gênantes, qu'il eft très-difficile d'y réuffir, & que nous en avons fort peu de bons.

Il eft compofé de quatorze Vers toujours de la même longueur, &

pour l'ordinaire de douze fyllabes, quoiqu'on en tafe quelquefois de dix, & même de huit & de fept. Mais ils ont moins de beauté & d'harmonie.

Ces quatorze Vers font partagés en deux quatrains & un fixain.

Les deux quatrains doivent avoir les rimes mafculines & feminines femblables, que l'on entremêle dans l'un de la même maniere que dans l'autre.

Le fixain commence par deux rimes femblables, & il a, après le troifieme Vers, un repos qui le coupe en deux parties que l'on appele Tercers, c'est-à-dire, flances de trois Vers.

Il faut éviter, autant qu'il eft poffible, que le mélange des rimes dans les quatre derniers Vers du fixain, foit le même que dans les quatrains.

On obferve encore de n'y pas répéter deux fois le même mot.

M. Defpréaux, pour exprimer les regles du fonet, feint qu'Apollon,

Voulant poufler à bout tous les Rimeurs François
Inventa du fonet les rigoureufes loix,

Voulur qu'en deux quatrains de mefure pareille,
La rime avec deux fons frapât huit fois l'oreille,
Et qu'enfuite fix Vers artiitement ranges
Fuffent en deux tercers par le fons partagés.
Sur-tout de ce poème il banit la licence:
Lui-même en mefura le nombre & la cadence,
Defendit qu'un Vers foible y pût jamais entrer,
Ni qu'un mot déia mis osar s'y remontrer.

Du rete il l'enrichit d'une beauté fupreme.

Un fonet fans défauts vaut feul un long poême.

Voici pour premier exemple un fonet qui exprime la nature du fonet méme.

Doris qui fait qu'aux Vers quelquefois je me plais,
Me demande un fonet, & je m'en defefpere.

Quatorze Vers, grand Dieu! le moyen de les faire?
En voila cependant deja quatre de faits.

Je ne pouvois d'abord trouver de rime; mais
En faifant on apprend à fe tirer d'afaire.
Pourfuivons, les quatrains ne m'étoneront guere,
Si du premier tercet je puts faire les frais.

Je commence au hazard, & fi je ne m'abuse,
Je n'ai pas commence fans l'aveu de la mufe,
Puifqu'en fi peu de temps je m'entire fi net.

J'entame le fecond, & ma joie eft extrême,
Car des Vers commandés j'acheve le neizieme.
Comptez s'ils font quatorze; & voilà le fonet.

Quoique le fameux fonet de Desbarreaux foit déja affez connu,

on

ne fera peut-être pas fâché de le trouver encore ici. Il eft fi beau pour l'expreffion & les fentimens, qu'on ne peut trop le répéter.

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