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toute l'Europe. Mais son Altesse jugea en même temps que l'on rendroit ce present plus complet si l'on pouvoit ajouter à ce Dictionaire d'Orthographe tous les mots qui y manquoient, le mettre en état d'être également utile aux Etrangers comme aux François, et en faire en quelque sorte le livre de tous les états et de toutes les conditions. Son Eminence ayant bien voulu communiquer ses vues à un homme d'esprit qui avoit l'honeur de lui être ataché, celui-ci a employé ses soins et ses talens à les remplir et entre des mains si habiles, ce Dictionaire a paru une troisieme fois, et les Connoisseurs l'ont trouvé beaucoup plus parfait. C'est encore un Illustre Protecteur que nous avons eu le malheur de perdre, et que nous ne cesserons jamais de regréter. Son, éloge est infiniment au-dessus de notre portée, et nous ne pourions être, en le faisant, que l'écho de toute la France et de toute l'Europe. Il ne falloit rien moins pour en adoucir la perte que le digne Successeur qu'il s'étoit choisi dans le sein de sa Maison, et à qui il sembloit avoir transmis, avec ses dignités, les grandes qualités du cœur et de l'esprit, qui faisoient retrouver Monseigneur le Cardinal de Rohan dans son Altesse Eminentissime Monseigneur le Cardinal de Soubise.

Malgré tous les soins que l'on avoit pris pour rendre cet Ouvrage digne des éloges qu'il a reçus, il étoit encore susceptible d'une plus grande perfection, et il pouvoit par conséquent devenir encore plus utile. Tous les principes et les regles d'Orthographe que l'on y avoit établis, n'étoient pas également exacts et autorisés par le bon usage; on s'étoit écarté en plusieurs endroits du systême de l'ACADÉMIE sans en donner de raison suffisante; il restoit encore quelques singularités avec lesquelles le Public ne pouvoit pas se familiariser; on s'étoit trompé sur la nature et les qualités d'un assez grand nombre de Noms et de Verbes; enfin on souhaitoit d'y trouver bien des mots de Sciences, d'Arts, de Mythologie et de Géographie, qui manquoient dans les précédentes Editions.

Pour faire disparoître ces imperfections, on avoit besoin d'une persone versée dans la langue Françoise, qui en connút les principes; il falloit un Maître capable de juger de quelques augmentations et corrections faites sur la derniere

Edition. M. Restaut, qui a bien voulu se charger de revoir l'Ouvrage avec attention, a tout examiné, et s'est ataché à ne laisser que des principes certains et généralement reconnus ce qui l'a obligé de refondre en quelque sorte la Préface, pour y substituer des principes à ceux que l'on y avoit légérement avancés, et pour en établir de nouveaux qui avoient échapé tant à l'Auteur de la premiere Edition qu'à ceux qui ont travaillé aux suivantes. Il ne s'est pas contenté de corriger la plupart des Remarques qui sont répandues dans le corps du Dictionaire, il en a ajouté sur tous les mots dont l'Orthographe lui a paru avoir besoin d'être éclaircie ou justifiée. Il a désigné tous les Noms et les Verbes par leurs véritables caracteres. Il ne s'est point assujeti à l'Orthographe du premier Auteur, et il n'a pas balance de la rectifier toutes les fois qu'il l'a trouvée contraire à l'usage et aux bonnes regles. Peu frapé de l'Orthographe des Auteurs particuliers, il s'est fait une loi de se conformer à celle de l'ACADÉMIE, à laquelle tout esprit raisonable doit déférer, avec d'autant plus de confiance, que cette Savante et Illustre Compagnie, qui a donné en 1762 une nouvelle Edition de son excellent Dictionaire, étant uniquement occupée par état de la perfection et de la pureté de la Langue Françoise, on ne doit pas douter que ses Décisions et les Regles qu'elle adopte ne soient fondées sur l'usage autant que sur la raison.

Quelques persones respectables qui protegent cet Ouvrage ayant desiré qu'on y trouvât l'explication de plusieurs mots peu connus, ou de peu d'usage, on s'est fait un devoir de donner ces explications dans cette nouvele Edition et on a en même temps suppléé à beaucoup d'omissions et de corrections, sans cependant s'écarter des principes essentiels du premier Auteur, et de ceux de M. Restaut.

Au moyen de toutes ces attentions, le Public poura être assuré de trouver dans cet Ouvrage l'Orthographe la plus réguliere, et celle qui est fondée sur les autorités les plus respectables et les plus capables de fixer les doutes. La Grammaire de M. Restaut n'a pour objet que de réduire le langage à des principes certains et à des regles consacrées par l'usage. L'Orthographe n'a pu y entrer que relativement à ces principes et à ces regles. Mais combien y a-t-il de mots

qui n'y sont pas assujétis, et qui en sont des exceptions? Ce n'étoit donc pas assez d'avoir appris à parler correctement et à écrire avec exactitude les mots qui peuvent se ranger sous des regles générales; il falloit encore être en état d'écrire sahs erreur le grand nombre de ceux à qui le caprice de P'usage ou la trace de l'étymologie a fait secouer le joug de ces regles.

Il étoit donc nécessaire d'entrer dans le détail de tous les mots de la Langue pour en fixer la véritable Orthographe, et de les renfermer dans un Livre qui ne fût pas d'un trop grôs volume, afin qu'il pût être entre les mains de toutes sortes de persones, et par conséquent d'une utilité plus générale. C'est ce qui a fait naître l'idée de ce petit Dictionaire que l'on poura se procurer à peu de frais, et qui sera comme une suite de la Grammaire de M. Restaut, en sorte que par le seul secours de l'un et de l'autre, et sans avoir besoin d'autre livre, on sera sûr d'acquérir une connoissance exacte de tout ce qui est nécessaire pour parler et écrire correctement. Ce sont deux Ouvrages qui ont un raport si parfait entre eux, que l'un laisse nécessairement à désirer ce que l'on trouve dans l'autre. Ce ne sera donc qu'en les faisant marcher ensemble, que l'on poura en tirer tout le fruit qu'ils doivent produire.

LA NOUVELE ÉDITION que nous présentons, a été entiérement revue sur la derniere Edition du Dictionaire de l'ACADÉMIE et de celui de Trévoux : ce qui a fait naître encore plusieurs additions et corrections. C'est-à-dire, que premiérement nous avons acquis, par ces confrontations, plusieurs mots qui sont dans ces Dictionaires, et qui ne se trouvoient pas dans nos premieres Editions: secondement, PACADÉMIE ayant elle-même réformé la maniere d'écrire de. plusieurs mots, en simplifiant l'Ortographe, nous nous sommes fait une loi de profiter de ces corrections, en les suivant et les imitant. Quoique l'Orthographe se soit beaucoup perfectionée depuis un siecle, elle acquiert cependant encore chaque jour quelque nouveau degré de perfection. Ainsi on ne doit point être étoné que chaque Edition de notre Dictionaire offre à cet égard quelques réformes: la perfection de cet Ouvrage est de suivre

les

les divers changemens que l'usage introduit, et qui peuvent contribuer à perfectioner l'Orthographe Françoise. Les motifs de ces changemens seront marqués, soit dans la Préface qui va suivre, soit dans de nouveles Remarques sur les mots qui sont l'objet de ces améliorations.

On ne peut disconvenir qu'il ne soit avantageux de perfectionner l'Orthographe, en se raprochant de la prononciation. Le plus grand reproche que puisse avoir mérité Richelet, c'est d'avoir prématurément étendu la réforme de l'Orthographe sur un trop grand nombre de mots : l'expérience montre que tous ceux qui, comme lui, veulent trop entreprendre, communément échouent. Ce n'est que par degrés, que notre Orthographe peut se perfectionner. Du temps de Richelet, lorsque l'usage étoit d'écrire Appeller, parce que ce verbe vient du Latin Appellare, il pouvoit être trop hardi, et même, si l'on veut, ridicule de prétendre écrire Apeler; cependant il est certain qu'on le prononce ainsi. Richelet, quelque hardi qu'il fût dans ses réformes, n'osa pas retrancher deux lettres dans ce mot; il écrivit Apeller, en ôtant un p, et conservant les deux l. Qu'est-il arrivé? On a conservé les deux p et les deux /; mais entin l'ACADÉMIE s'est déterminée à retrancher une l en écrivant appeler; le temps viendra peut-être où on retranchera de même le p qu'on ne prononce pas plus que cette l Mais aujourd'hui nous sommes autorisés par l'ACADÉMIE à retrancher du moins cette dans le verbe Appeler, en la conservant néanmoins dans ses dérivés Appellatifs et Appellation, où elle se prononce. C'est ainsi, dans les mots peu usités, que l'étymologie doit principalement être conservée en écrivant, comme on la conserve en prononçant; mais dans les mots fréquemment usités, où l'usage permet de s'écarter de l'étymologie en prononçant, l'ACADÉMIE même nous montre que l'on peut, du moins quelquefois, s'en écarter en écrivant, pourvu qu'on y procede lentement, par degrés, avec prudence et discrétion.

Nous avons cru, pour la commodité de plusieurs persones, devoir rassembler et mettre de suite les noms des Villes qui se trouvoient dans le Corps de ce Dictionaire; de sorte qu'on les aura également par lettre Alphabétique, avant le Traité de la Versification Française.

Comme il n'y a presque personne qui n'aime les Ouvrages de Poésie, et qu'on ne peut guere les lire avec goût sans

b

savoir en quoi consiste l'harmonie dont on est flatté dans les Vers, on a cru faire plaisir au Public de mettre à la fin de ce Dictionaire le Traité de la Versification Françoise de M. Restaut.

AVIS.

Il est important d'avertir le Public qu'il y a plusieurs Editions

de ce Traité de l'Orthographe qui ont été contrefaites tant en France que dans le Pays Etranger; elles portent le nom du même Imprimeur, mais il y en a d'un format et d'un caractere plus petit; elles ont le Frontispice tout noir, et sont remplies de fautes, comme ayant été faites par des Imprimeurs ignorans, et par des Etrangers qui ne savent ni lire,ni parler François. Ces mauvaises Editions sont encore reconnoissables par les Vignetes qui sont de fonte, tandis que celles de nos Editions sont en buis, de la main du fameux le Sueur, et que celle de l'Epître dédicatoire porte les Armes de son Altesse. Eminentissime Monseigneur le Cardinal DE ROHAN.

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