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Il y a encore d'autres noms d'où l'usage a retranché la lettre 2, quoielle y fût ad mife autrefois, & même autorifée par l'étymologie. Ainfi des mots Alnus & vina, on a fait sulne, arbre & mefure, & aujourd'hui Aune; de Falco, on a fait Faulcon, & aujourd'hui Faucon ; de Palma, on a fait Paulme, & aujourd'hui Paume. De même Poumon. Pupitre, Saumon, soufre, Taupe, & autres, ont également perdu la lettre i, qu'on n'y prononce plus; tant il est vrai que l'usage même tend à fupprimer de 1 Orthographe les lettres qu'on ne prononce plus. C'est à quoi l'on poura parvenir, mais par degrés.

Ainfi on peut bien, à caufe de l'etymologie, doubler la lettre z, dans allecher, Alléger, Alléguer, Allier, Allouer, parce que ces mots vienent du Latin Allicere, alleviare, allegare, Alligare, Allaudare: mais rien n'oblige de la doubler dans lourdir, Alonger, Aligner, Alarguer. alarmer, &c.

Avant de terminer cet Article, il faut obferver une chofe qui lui efl commune avec tous les autres, c'eft qu'à l'égard des noms propres qui ont été compofés de quelques-uns de ces mots où on a retranché quelques lettres, il faut continuer de les écrire felon l'anciene Orthographe; parce qu'en la quitant, il en refulteroit que le nom du fils ne reffembleroit plus au nom du pere. On ne fe permet de varier que fur les noms anciens qui ont été francifés. Ainfi de Theobaldus, on a fait Thibauld, Thibaud, Thibault & Thibaut; d'Arnulfus on a fait Arnoulf, Arnoul & Arnou. Mais dans les noms modernes ont écrit Arnauld, Foucauld, Renauld, quoiqu'on ne prononce aucune de ces confones finales. On méconnoitroit celui qui figneroit Renaud, Renaut ou Renu, fi fon pere avoit coutume de figner Renauld.

ARTICLE XIII. De la Lettre M.

La lettre offre fon articulation propre dans Maxime, mémoire, Miracle, modele, Mufique, myflere.

Mais elle fert fouvent à donner aux voyeles le fon nafal, & c'eft principalement avant les confones в & P ou P H, comme on le voit dans Ambaffadeur, Amplitude, Amphitheatre; Embaras, Empire, Emphytrofe. Elle a eu le même ufage auprès de la confone N, dans Damnation, Condamnation, solemnité mais ces voyeles ont perdu le fon nafal, & la lettre ne s'y prononce en aucune maniere; on la conferve néanmoins encore à caufe de l'étymologie rlans Damnation & Condamnation: mais malgré l'étymologie même, l'Académie a changé cette м en N dans solennité, & la voyele E, en y perdant le fon nafal, n'en a retenu que le fon de l', en forte qu'on prononce solanité, & fi l'on continue d'écrire solennité, ce n'eft que pour y conferver un veftige de fon étymologie.

La lettre m fert auffi à exprimer le fon nafal à la fin des mots, comme dans Adam, cherubim, Faim, Nom, Parfum. On a même auf prononcé avec le fon nafal, Abraham comme Adam. Mais l'Aca-. denie convient qu'on doit prononcer la lettre séparément dans

Abraham, comme dans Jérufalem, & dans les autres noms étrangers, excepté Adam.

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Cette lettre donne encore le fon nafallorsqu'elle fe trouve doublée après la voyele E; ainfi on dit Emmailloter Emmenager, Emmener. Mais il eft bien remarquable que pour la voyele A fi autrefois on a pu écrire Ammener, Ammodier, Ammonceler, aujourd'hui on écrit fimplement comme on prononce, Amener, Amodier, Amonceler, &c. parce que la voyele 4 y conferve le fon fimple, & qu'on n'y prononce qu'une feule M.

Les deux fe prononcent après l'1 dans immédiat, Immobile, Immortel, &c. Après l'o lufage varie, on prononce les deux м dans les mots pen ufités, Commémoraifon, Comminatoire, Commotion, Commutation. Mais on n'en prononce qu'une, & néanmoins la voyele conferve le fon fimple dans Commander, Commencer, Commiffion, Commodité Communauté; on ne conferve le dublement dans ces mots qu'à caufe de l'étymologie. Ainfi, tantôt l'étymologie prévient dans l'ufage commun, & tantôt l'ufage commun donne la préférence à la prononciation. C'est-à-dire, qu'on ne cede à l'étymologie qu'en attendant que l'on puiffe achever de céder à la prononciation.

Dans les adverbes en MENT, la lettre m qui précede devient totalement inutile après la voyele 4, & ne fert qu'à donner le fon nafal à la voyele E. Ainfi on prononce fans aucune différence & avec une feule M Abondamment, Apparemment, Compétamment, Concurremment, Dépendamment, Dieremment, Elegamment, Eloquemment, &c. On ne pouroit pas retrancher ce doublement après l'E, fans changer cet E en 4, ce qui s'écarteroit de l'étymologie: mais du moins rien n'oblige de conferver ce doublement après l'; pourquoi donc n'écriroit-on pas abondament, Compétament, Dépendament, Élégament, &c. puifque bien certainement c'est ainsi qu'on prononce ?

La lettre donne encore à l'o le fon nafal dans Comte, Comté, Comteffe, Franche-Comté, Franc-Comtois en forte qu'on prononce Comte comme Conte: mais on conferve la lettre м dans le premier de ces deux mots, à cause de l'étymologie tirée du Latin Comes, Comitis, d'où comitatus. De même dans compte, qui a précisement encore la méme prononciation, on conferve les lettres A & P à cause de l'étymologie tirée du Latin Computum.

De Femina on a formé Femme, où vraisemblablement l'E fe prononçoit ouvert & foible; enfuite il s'eft converti jufqu'à prendre le fon de l' en ne laiffant plus entendre qu'une feule : mais à cause de l'étymologie on a confervé l'E avec les deux . De même de Flamma on a fait Flamme, où vraisemblablement l'A so prononçoit foible, & laiffoit entendre les deux : mais enfuite il eft devenu plus ouvert, & en s'alongeant il n'a plus laiffé entendre qu'une feule A car on prononce Flame comme ame: mais on y conferve les deux Mà caufe de l'étymologie.

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ARTICLE XIV. De la Lettre N.

L'articulation propre de la lettre N paroît dans ces mots, Nature, Neceffité, Nielle, Nobleffe, Nutrition.

Elle fert fouvent comme la letre, à donner le fon nafal aux voyeles avant les confones qui ne l'ont pas, в, P ou P H. On le voit dans Ancien, Endoctriné, Infirme, cnguent, Un, où il n'ett remarquable qu'en paffant du mafculin au féminin, la voyele v reprend le fon qui lui ett propre, & la confone N fa propre articulation, une.

La lettre N doublée après la voyele E, lui donne encore le fon nafal dans Ennui : elle a paru avoir le même effet dans Ennoblir & Ennuiter mais on dit plus communément noblir & Anuiter. On ne prononce qu'une feule v dans Ennemi, & il feroit bien naturel de n'y en mettre qu'une, puifqu'il n'y en a qu'une dans le Latin Inimicus.

On ne prononce de même qu'une feule N dans Année, Annonce, Innocence, Connoiffance: mais dans les mots moins ufités, on prononce les deux, Annexe, Annotation, Inné, Innovation, Connivence.

On ne prononce de même qu'une N dans les terminaifons où elle fe double avant l'E muet: canne, Antienne, Perfonne. Mais plus communément ces terminaifons ne reçoivent qu'une feule N, après l'▲, I, v. cabane, Chicane, Doctrine, Difcipline, Fortune, Tribune. Pourquoi donc la doubler dans des mots où ce doublement n'eft exige ni par l'étymologie ni par la prononciation pourquoi écrire Couronne & Perfenne, tandis qu'en Latin on dit Corona & Perfona, & qu'en François on prononce Courone & Perfone! Pourquoi écrire Dictionnaire avec deux N, tandis qu'en Latin il n'y en a qu'une dans Dictionarium, & qu'en François on n'en prononce qu'une, Dictionaire? Craint-on que l'o ne foit réputé long s'il n'ett fuivi que d'une feule N dans courone & Perfone? Mais fi on vouloit le rendre long, on y mettroit un accent circonflexe comme dans Hexagone; en ne lui donnant point daccent, on le laifle bref. Il en eft de même des terminaifons en Enne : le doublement devient inutile, lorfqu'il n'eft fondé ni fur l'étymologie ni fur la prononciation. On écrit très-bien catéchumene & Phénomene : pourquoi donc n'écrit-on pas Antiene, Carene, Étrene, Garene, puifque bien certainement on prononce ainfi, & que nulle raifon d'étymologie n'y exige le doublement ?

Dans les terminaifons plurieles des Verbes, la lettre N s'éclipfe, & la lettre T qui la fuit ne fe fait entendre que lorfqu'elle eft fuivie d'une voyele: ils aiment la vertu, & fe montrent ouvertement ennemis du vice. Il en est de même dans les autres temps: 1ls aimoient; ils aimeroient; ils aimerent; qu'ils aiment & qu'ils aimaffent. Quoique la lettre N ne s'y prononce jamais, on l'y conferve comme caractéristique du pluriel.

Dans les verbes Tenir & venir, qui n'ont qu'une feule N en Latin comme en François, l'ufage a introduit une irrégularité en faifant dous bler cette N avant l'E muet dans ils viennent ; qu'il vienne, & qu'ils

viennent; ils tiennent qu'il tienne; & qu'ils tiennent mais ce doublement n'eft fondé ni fur l'étymologie ni même fur la prononciation, puifqu'il ett certain que comme il n'y a qu'une N en Latin, on n'en prononce aufli qu'une en François pourquoi donc ne pas ramener ces Verbes à la regle commune en écrivant avec une feule N dans tous les temps & dans toutes les perfones: je viens, tu viens, il vient nous venons, vous venez, ils vienent; que je tiene, que tu tienes, qu'il tiene ; que nous tenions que vous teniez, qu'ils tienent. Répondra-t-on que ce n'eft pas l'ufage ? Oferai-je le dire ici une fois pour toutes ! Ce n'eft pas aux Imprimeurs qu'il convient de nous alléguer l'ufage, parce qu'ils contribuent eux mêmes beaucoup à former l'ufage par la multitude des livres & autres papiers imprimés qui tous les jours fortent de leurs proffes. Sils vouloient donc le prêter à ces réformes, qui tendent perfectioner notre Orthographe, bientôt elles feroient autorifées par l'ufage, qui naîtroit fous leurs mains. C'eft ainfi que s'eft perfectionée notre Orthographe depuis un fiecle: c'est aux Imprimeurs que nous fommes principalement redevables des diverfes perfections qui ont amené notre Orthographe au point où elle est aujourd'hui : c'est à eux à perfectioner leur propre ouvrage : c'efl à eux que l'on devra les nouveaux degrés de perfection qu'ils y auront ajoutes. Nous ne faifons que leur propofer des idées analogues à ce qu'ils ont dejà fait ; & nous teur laiffons Favantage d'en procurer l'exécution. Il eft de leur honeur de ne pas fe rendre efclaves d'un ufage dont ils font les maîtres.

ARTICLE XV. De la Lettre O.

La voyele o, comme la voyele 4, fe prononce plus ou moins ouverte; plus ou moins longue.

L'o eft communément bref au commencement des mots: obéir ocean, odeur, offre, olive, omiffion, onéreux, opulent, orient. Mais il eit long dans os, ofeille, ofer, ofier, oter, oté,

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Il est bref & foible à la fin dans cacao, Echo, Indigo, Numéro Zero; Jacob, Job; Bloc, choc, Croc; Ephod, Nemrod; Lock; Gog, Magog: Bol, rol, sol, vol; Galop, Sirop, Trop; caftor, effor or, Tréfor. Mais il eft long & plus ouvert dans clos, Dos, Gros, Héros, Propos, & dans le pronom Nos; ainfi que dans Dépôt, Enrepôt, Impôt, Prévôt, Rôt, Suppôt, Tôt.

Il varie beaucoup dans les pénultiemes: voici celles où il eft long & très ouvert.

OBE, long dans globe & lôbe.

ODE, long dans je rôde.

OGE, long dans Doge.

OLE, long dans Contrôle, drôle, il enjôle, il enrôle, geôle, môle pôle, rôle, il vile, pour fignifier l'action de dérober; au lieu qu'on le fait bref en parlant d'un oifeau qui vole.

OME, long dans axiôme, phantôme.

ONE, long dans Amazone, aumône, prône, thrône: & cependant bref dans le mot Latin thronus. Au contraire bref dans courone & perfone, & cependant long dans le Latin corona & perfona.

ORE, long dans Ecldre & dans Aurore, du moins relativement au Latin, Aurora, où cet o eft long.

Ose, long dans chofe, dôfe, il ôfe.

OSSE, long dans endoffe, föfsse, gròffe; il désóffe, il endiffe; il engriffe.

OTE, long dans côte, hôte, maltôte; il ôre.

OTRE, long dans Apôtre, le nôtre, les nôtres; le vôtre, les vôtres : bref dans notre, votre.

Souvent il est arrivé que pour le rendre bref on a doublé la confone qui le fuit. Ainfi on écrit core long, & corte bref; hôte long, & hotte bref; delà vient que l'on met deux m dans homme, quoiqu'il viene du Latin hemo, qui n'en a qu'une, & qu'en François on n'en prononce réellement qu'une de même pomme, dérivé du Latin pomus, avec cette différence néanmoins, que pomus en Latin eft long, & que homo efi bref, d'où il fuit qu'en François nous devrions écrire & prononcer pême comme axiome, & home comme Rome. C'eft abufivement que fon prononce arôme & tôme, & chryfoflême; ces noms ont la penultieme breve en Latin, aromus, atome; tomus, tome; chryfoftomus, Chryfor me, de même que de Lithotomus, Lithotome. Le feul mot Rome, où nous prononçons l'o bref fans doubler la lettre m, prouve évidem ment qu'il n'eft pas néceflaire de doubler la confone pour rendre la voyele breve. Cela pouvoit étre néceffane lorfqu'on n'avoit pas le fecours de l'accent circonflexe : & vraisemblablement alors on écrivoit Rome avec une feule m, parce que fa penultieme étoit longue, comme en effet elle l'eft dans le Latin Roma: mais depuis que l'ufage a rendu cette pénultieme breve, on n'a point imagine d'y doubler la confone, parce que maintenant que nous avons le fecours des accens, nous Bous en fervons dans exiôme, pour marquer que fa pénultieme eft lengre ; & nous continuons d'écrire Rome fans accent, parce que dans la prononciation fa pénultieme eft réputée breve. Ainfi l'accent feul fait pour diftinguer les longues d'avec les breves; c'efl donc abufivement que fous prétexte de diftinguer les breves, on double après elles en écrivant les confones que l'on ne double pas en prononçant, & dont le doublement n'eft pas exigé par l'étymologie.

L'o joint en diphthongue avec J'E, s'eclipfe de maniere qu'on ne fait entendre que le fon de l'E; delà vient qu'au lieu d'écrire conformé ment à l'étymologie, Econome, Economie. Economat. Economique, Economifer, l'Académie écrit Econome, Economie, Économat, Economique, Economifer. Mais elle conferve cet dans des noms moins communs, tels que cuménique, cuménicité, @dėme, @dėmateux, fcphage. Elle le conferve auffi dans des mots au contraire tres-com muns, tels que ail, auf, Œuvre; parce qu'on eft accoutumé à les

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