Images de page
PDF
ePub

kation foible, il a fallu doubler dans l'un la lettres pour lui donner cette articulation forte, & au contraire la laiffer fimple dans l'autre pour lui donner l'articulation foible. En un mot c'eft visiblement ici la prononciation qui détermine la maniere d'écrire ces deux mots, fans égard à l'étymologie qui leur eft commune: Refurgere, refurrectio. Cette lettre a été retranchée de beaucoup de mots où elle eft remplacée par l'accent circonflexe ou aigu. Ainfi on écrivoit hafte, feste, gile, cofte, flufte: & aujourd'hui on écrit hate, fete, gite, côte, flüte: on écrivoit effé, & aujourd'hui on écrit été. En un mot, dans tous ces mots, la prononciation a prévalu fur l'ufage & même fur l'étymologie. Tant il eft vrai que la prononciation a plus d'afcendant que l'étymologie, & que comme elle est la premiere à s'en écarter, elle oblige enfuite l'Orthographe de s'en écarter avec elle & comme elle. L'ufage n'eft devant elle qu'un foible obftacle qui peut bien arrêter, quelque temps fes progrès; mais dont enfin elle triomphe; parce qu'enfin il et naturel d'écrire comme on prononce. Il peut bien ariver qu'on abufe de cette maniere, en pouffant la réforme trop loin; mais l'abus de cette maniere n'empêche pas qu'au fond elle ne foit trèsvraie, & qu'en effet elle ne foit généralement reconnue telle, même par ceux qui s'éforcent de la combatre, puifqu'ils font eux-mêmes obligés de convenir que dans le cas dont il s'agit ici & dans beaucoup d'autres, la prononciation feule décide de notre Orthographe.

Ce feroit fans doute abufivement que l'on retrancheroit la lettre s dans une multitude de mots où le difcours familier la néglige: difcieiple & condifciple; defcendre & condescendre; adolefcence & convalefcence. On doit la conferver dans ces mots, non-feulement parce que l'étymologie l'y demande, mais encore parce que dans le difcours foutenu la bonne prononciation l'y fait fentir en forte que meme alors c'est la prononciation même qui veut que l'on fuive l'étymologie dans l'Orthographe. Comme dans ces mots elle ne s'en écarte point, elle ne fouffre pas que l'Orthographe s'en écarte.

On a quelquefois confondu la lettre s avec le z, à caufe de leur extréme affinité. C'eft ce qui eft arivé fur-tout dans les mots lefion, lefe, lefe, que l'on a quelquefois écrit par un z, parce qu'en effet c'eft ainfi qu'on les prononce. Mais ces mots vienent du Latin læfio, læfus; ainfi l'étymologie veut que l'on y préfere la lettre s; & la prononciation ne s'y oppofe point, puisqu'il est reconnu que la lettre S, entre deux voyeles, doit fe prononcer comme un z. Ainfi la prononciation conferve volontiers l'étymologie, lorfque l'étymologie ne lui eft point contraire ; & en derniere analyfe,c'eft communément la prononciation qui en décide.

La lettres dans les noms eft ordinairement la caractéristique du pluriel: c'est pourquoi on doit l'y mettre lors même qu'elle ne s'y prononce pas. Elle s'y prononce lorfqu'elle eft fuivie d'une voycle ou d'one H non afpirée ; elle demeure muete devant toute autre lettre: Les hommes defirent le bonheur : elle fe prononce dans les & ne fe fait

point entendre dans hommes. Cette regle générale des pluriels en s a fait réformer l'ancien ufage de terminer par z les pluriels des noms & participes terminés au fingulier par E fermé. Ainfi autrefois on écrivoit Vos péchez vous font pardonnez: aujourd'hui on écrit: Vos péchés vous font pardonès. Tant il et vrai qu'il eft poffible de changer Tufage; il ne s'agit que de le vouloir ; & c'eft principalement aux Imprimeurs qu'eft réfervé l'avantage d'opérer ce changement. Ici, de quelque maniere qu'on écrive, la prononciation et la même : mais ce qui a fait préférer les pluriels en és aux pluriels en ez, c'eft premiérement que cette pratique rentre dans la regle commune des pluriels ens fecondement, qu'alors le pluriel mafculin ne differs du feminin que par la feule addition de l'E qui forme fa terminaifon féminine. Ainfi autrefois on écrivoit au pluriel mafculin pardonnez, & au feminin pluriel pardonnées le feminin étoit donc régulier, & le mafculin irrégu lier; cela difcordoit : cette difcordance a néanmoins duré long temps elle étoit devenue générale. Mais la main éclairée de nos meilleurs Imprimeurs a fu réformer ce vice, quelqu'invétéjé qu'il fût, & nous a mis en poffeffion d'écrire régulièrement les pluriels en és au mafculin, comme en ées au féminin.

La lettre s eft encore dans les verbes la caractéristique de la feconde perfone du fingulier; & par cette raifon on doit toujours l'y mettre, foit qu'on la prononce, foit qu'on ne la prononce pas tu aimes; tư aimas; tu aimeras. Elle eft auffi la caractéristique de la premiere perfone comme de la feconde, dans les verbes en ir, comme je finis, tię finis, au préfent & au prétérit, & de mémé dans plufieurs autres : je reçois, tu reçois; je reçus, tu reçus. Je rends, tu rends; je rendis, tu rendis. Les futurs ne la prenent qu'à la foconde perfonne. Je finirai, tu finiras; je recevrai, tu recevras, je rendrai, tu rendras.

Mais on réferve le z pour les fecondes perfones du pluriel: Fous aimez ; vous aimerez vous finiffez; vous finirez vous recevez; vous recevrez vous rendez; vous rendrez: & par-là ces pluriels des verbes fe trouvent diftingués de leurs participes terminés en s: Si vous aimez vos devoirs, vous ferez aimés de Dieu & des hommes. La prononciation et la même; mais la regle des pluriels dans les noms veut qu'on préfere la lettre S dans les participes, & qu'on laiffe le z aux verbes.

La lettres fert quelquefois à éviter le concours de deux voyeles. C'est ce qu'on remarque particulièrement dans le mot jufque, qui s'écrit fans s finale avant les confones, jufque là; jufque dans la msifon; jufque fur les toits; d'où il arrive qu'on écrit avec apoftrophe, jufqu'où, jufqu'à vous, jufqu'au ciel: mais parce que dans l'expreffion jufqu'à quand, le conflit de ces deux fyllabes trop reffemblantes bleffe l'oreille, pour adoucir ce choc on infere une s, qui de ces trois fyllabes en fait quatre, jufques à quand. C'eft auffi par-là qu'on doit difcerner l'ufage de ces deux mots, je fai ou je fais le premier convient avant les confones, où la lettres feroit inutile; le fecond avant les voycles où la lettre s adoucit le choc en fe faifunt fentir. Car réguliérement on doit dire,

sai, comme j'ai ; & on le dit ainfi avant les confones: je sai cela trèsertainement; mais s'il furvient une voyele, la lettre s'en adoucit le choc: je le sais à n'en point douter.

ARTICLE XX. De la Lettre T.

L'articulation de la lettre T varie comme celle de la lettre s. Elle eft forte au commencement des mots Tableau, Ténebres, Timbale, Tombeau, Tumalie, Tyrannie. Mais au milieu des mots le T s'aloiblit fouvent & emprunte l'articulation du C, comme dans Partial, Partiel; minutie, minutieux; nécromantie, nécromantien, abdication, accufation, admiration, & quantité d'autres en tion. Cependant il conferve fon articulation forte dans partie, hoftie, entier, altier, bestial, beftiaux, entretien, maintien, gestion, bastion, mixtion, antiene, Etienne, & quelques autres. C'eft à-dire, que les diphthongues la, ie, ien, ion occafonent fouvent cet afoibliffement; mais fans qu'il puiffe être facile de déterminer pourquoi elles ne le produifent pas toujours. Il paroit feulement que la lettre s continue à conferver l'articulation forte du r dans hoftie, beftial, beftiaux, geftion, bastion: & il en eft de même de la lettre x dans mixtion. L'étymologie Latine contribue fans doute auffi beaucoup à fon afoibliffement dans inertie, partial, partiel, & dans la plupart des noms en tion.

Il faut obferver qu'alors quelquefois ce T fe change en C conformément à fa prononciation. Ainfi l'Académie écrit Necromancie & necromancien ; mais elle conferve minutie & minutieux; dans les deux derniers, elle a égard à l'étymologie, & dans les deux premiers, elle cede à la prononciation.

Il est même arrivé que comme de gratia on a fait grace; filence de fi lentium; de même de necromentia, on a fait nécromance, & l'Académie le préfere; c'est ce qui a amené nécromancien, filencieux, & gracieux, par C. Mais quoique d'effentia on ait fait effence, on conferve néanmoins fentiel, comme dérivé du Latin effentialis. De pænitentia, on a fait penitence; & fi l'on dit pénitenciel, comme dérivé plus immédiatement de pénitence, on conferve du moins pénitentiaux, comme dérivé plus immédiatement de pænitentiales. Dans les termes plus fréquens, la Frononiation prévaut; dans les moins ufités, on conferve les veftiges de l'étymologie, du moins en écrivant, quoiqu'on s'en éloigne en prononçant. De Domitianus & Diocletianus, fe forme Domitien & Diocletien, où l'on conferve le T, quoiqu'on le prononce en C. C'est fur-tout dans les noms propres qu'on doit fuivre l'étymologie.

Le doublement de la lettre Ta quelquefois fervi à rendre breves les roveles qui la précedent, de même que la lettre S fervoit à les rendre longues. C'est ainsi qu'on a dit cofte & cotte; hofte & horre: mais depuis que le circonflexe a pris la place de la lettre S, le deublement de la lettre Ten ce cas eft devenu inutile. Ainfi comme dans le prenier fens, on écrit aujourd'hui côte & hôte; dans le fens fecond on

peut écrire cote & hote, avec un feul T, puifqu'il eft bien certain qu'on n'en prononce qu'un, & que le feul accent circonflexe fuffit pour didinguer le premier fens d'avec le fecond, en rendant long & tres-ouvert dans l'un l'O qui eft bref, & moins ouvert dans l'autre.

On peut doubler le T dans les mots compofés, attenter, atténuer, attefler, à caufe de l'étymologie: mais rien n'oblige de le doubler dans atendrir, atiédir, atrifter, atrouper, qui ne vienent point des Latins, & où l'on ne prononce qu'un T.

Par la raifon d'étymologie, on écrivoit autrefois degoufter, comme dérivés de guftus; & dégouter, comme dérivé de guria: mais à caufe de la prononciation, l'Académie écrit dégoûter fans s, & avec penultieme longue, marquée par le feul circonflexe. Par la même raison, on pouroit donc écrire dans l'autre fens dégouter, comme on le prononce, c'est-à-dire avec un fimple T & fans accent, parce que dans celui-ci la diphthongue eft réputée breve, c'eft-à-dire, qu'en effet elle a le fon moins ouvert & moins long que dans dégoûter. Le feul accent devroit fuffire pour diftinguer ces deux mots, puifque dans la prononciation on ne les diftingue que par le fon plus ou moins long, plus ou moins ouvert, de la diphthongue.

ARTICLE XXI. De la Lettre U.

Il en eft de nos deux U comme de nos deux I; autrefois on les confondoit, quoiqu'ils fuffent effentielement différens, l'un étant ́voyele & l'autre confone. Mais enfin aujourd'hui l'Académie les diftingue en nous donnant un Alphabet de vingt-cinq lettres, au lieu de vingt-trois.

La voyele u fe prononçoit autrefois ou, & ce fon lui eft refté dans quelques mots dérivés du Latin, tels que quadragefime: mais elle s'eft afoiblie comme on le fent dans la premiere fyllabe de quinquagefime; & enfin elle est devenue muete dans quinze, que l'on prononce kinge. L'u a le fon foible & bref au commencement des mots : ubiquifte, ulcere, ultérieur, unité, urbanité, ufage, utilité, uvée.

Mais à la pénultieme, il varie comme les autres voyeles: c'eft-àdire, que communément bref, il devient long avant l'E muet, & ceffe de l'être dès que cet E ceffe d'être muet, comme on va le voir.

UCHE, long dans bûche, embûche, ou débûche: mais bref dans bucher, débucher, débuché.

UE, long dans vue, cohue, tortue; je tue; bref dans tuer, tué.

UGE, long dans déluge, refuge, juge: bref dans juger, jugé, & même jufque dans jugement, quoique fuivi de l'e muet; c'est que le mot eft alongé d'une troifieme fyllabe.

ULE, long dans il brûle; il s'abrege, ou. du moins devient moins long dans bruler, brûlé.

UME, long dans nous fumes; nous pûmes; nous reçûmes, & autres premieres perfones au pluriel du paffé.

URE

URE, long dans ils pûrent; ils reçûrent, & autres,troifiemes perfones du pluriel du paffe: long encore dans augure, melure, parjure, werderz; mais bref dans mefurer, mefuré; parjurer, parjuré.

USE, long dans excufe, inclufe, mufe, rufe, & jufque dans rufé ; mais bref dans excufer, excufe.

USSE, long_dans que je fuffe, que tu fuffes, qu'ils fuffent ; que je p-fe, que tu puffes, qu'ils puffent; & autres terminaifors femblables du fubjonctif; mais bref dans que nous fuffions, que vus fuffiez que nous pations, que vous puffiez, &c. Il eft encore long dans aumuffe, mais bref dans Pruffe & Ruffes.

UTE, long dans flure; & dans vous fûtes; vous pâtes; vous reçûtes, & autres terminaifons femblables des Verbes.

On a prétendu que dans la terminaifon vr, il eft bref à l'indicatif, il fur, il pur, il reçut, &c. & long au fubjonctif, quoiqu'il fût, qu'il pât, quil reçir. Ce qu'il y a de certain fur cela, c'est que comme autrefois on ecrivoit au fubjonctif, qu'il fuft, qu'il puft, qu'il reçut, lorfque le circonflexe a pris la place de la lettres, on a écrit qu'il fûr qu'il pût, qu'il recur: mais au fond, la voyele n'en eft pas devenue plus longue: & il n'y a que la conftruction & le fens de la phrafe qui diftingue l'indicatif, il fut, d'avec le fubjonctif qu'il fût.

Il faut feulement obferver que quoique l'e foit communément long avant l'E muet, il est cependant bief dans plufieurs terminaifons, UBE, bref dans bube, cube, tube.

UCE, bref dans aftuce, puce, prépuce.

UDE, bref dans aptitude, béatitude, étude. &c.

L'e immédiatement fuivi de l'E muet au milieu des mots, devient long, de maniere que l'on peut même fupprimer l'E en mettant le circonflexe fur l'u, comme on l'a fait pour l'1. Ainh au lieu de dire abfoluement, duement, éperduement, ingenuement: on dit & on écrit chielûment, dûment, éperdûment, ingénument: & lorfque ces mots font d'un fréquent ufage, on y néglige même l'accent, parce que la voyele s'abrege c'est pourquoi l'Académie écrit abfolument, éperdu ment, ingénument, fans accent; mais dûment, avec accent,

Avant les autres voyeles, & même avant l'E fermé, l'v est réputé bref, nuage, nuée, nuit, tuons. Il fe prononce ou avant dans aquatique, équateur, équation; & il s'éclipfe dans quarré, querelle, quille, quolibet; guérifon, guide. Dans ces deux derniers mots, il ne fert qu'à déterminer l'articulation forte du G. Il s'ell éclipté dans vuide & dans fes dérivés, de maniere que comme on ne l'y prononce plus, l'Académie l'a entiérement fupprimé, en écrivant vide, vider, vide, vi dange & vidangeur: tant il eft vrai que l'Académie approuve les réformes qui tendent à rendre notre Orthographe conforme à la prononciation, L'u fe joignoit autrefois avec l'y à la fin des mots, luy, apuy, ennuy, mais cet r tenoit lieu d'un fimple 1, qui en a pris la place, lui, apui, ennui: dans les dérivés on reprend cet x, qui alors tient la place de deux ; ainfi on écrit apuyer, ennuyer, parce qu'on prononce apui-ier,

« PrécédentContinuer »