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On objecera fans doute que l'ufage veut qu'on écrive aujourd'hui de la forte, & que cet ufage eft fonde fur ce que let ne fe prononce point dans les mots. Examinons ces deux raifons.

A l'égard de l'ufage, il et fujet à varier; & fouvent il dépend de ceux mêmes qui s'en rendent efclaves: d'ailleurs, dans le cas dont il s'agit, l'ufage n'étant pas général, comme nous venons de le prouver, on ne doit pas le fuivie aveuglement.

Pour ce qui eft de l'autre raifon, il faut convenir que le t ne fe prononce point au pluriel des mots terminés en ant & ent; mais cela n'en autorife pas la fuppreflion. Il ne fe prononce pas davantage dans les mots déserts, parts, forts, points, ponts, attributs, artraits, & mille autres où tous les Savans l'admettent. Par conféquent il faut reconoitre qu'on doit le placer dans les uns comme dans les autres, ou qu'on doit le retrancher de tous également: abfurdum confequens, ergo & antecedens.

On prétend que les mots en ant & ent doivent conferver le au pluriel quand ils font d'une fyllabe, comme dans gants, cents, dents, lents, vents. Mais nous n'apercevons rien de folide dans cette raifon qui ne tend qu'à introduire une nouvele bigarure dans l'Orthographe. De ce qu'un mot a plus ou moins de fyllabes qu'un autre, il ne s'en fuit pas qu'on deive ou qu'on puiffe l'écrire différemment d'un autre qui a la même terminaifon. Cette variété eft trop contraire aux principes de l'analogie, qui eft une des principales regles de l'Orthographe.

Il feroit bien plus fimple & plus raifonable de ramener tous les pluriels à une loi uniforme, en les formant par la feule addition d'une 5. & par conféquent en confervant let dans les pluriels de tous les noms en ant & eur. M. Reflaut en a donné de bonnes raifons, & il y a conformé fon Orthographe dans fa Grammaire. M. l'Abbé Girard a penfé comme lui dans fes vrais Principes de la Langue Françoife; mais il a refpecté un ufage qu'il regardoit comme le plus général, & il n'a ofé s'en écarter. Cependant il y a plufieurs bors Ecrivains, & entr'autres le favant & pieux Auteur de l'Abregé de l'Histoire de l'Ancien Testament, qui ne fe font pas laiffé entrainer au torrent de cet ufage, & qui ont continué & continuent encore de laiffer le avec l's des pluriels des noms en ant & ent. C'est ainsi que l'Académie les écrivoit dans les précédentes Editions de fon Dictionaire, mais elle retranche le dans la nouvele. Nous nous faifons un devoir de fuivre la façon d'écrire de cette favante Compagnie.

Les mors Latins qui ont été francifés, comme opéra, impromptu, duplicata, récépiffe, factum, & fen.blables, n'ont point encore de pluriel certain, les uns les écrivant avec une s, les autres fans s. On peut obferver que comme ils confervent leur forme Latine, ils ne font pas fufceptibles de la forme de nos pluriels.

ARTICLE II. Des Noms de nombre Cardinaux.

Les Noms de nombre fe diftinguent en Nombres Cardinaux & OrdiLanx. On appele Cardinaux, ceux qui défignent une quantité fans en marquer l'ordre: un, deux, trois, quatre, &c. Les Ordinaux font ceux qui défignent l'ordre: premier, fecond, troifieme, &c.

Les Nombres Cardinaux communément ne varient ni pour le genre, ni pour le nombre. Mais il faut en excepter le premier: car on dit au mafculin, un; au féminin, une ; & au pluriel, les uns, les u es; delà vient auffi le fubftantif, Quelques-uns, quelques-unes.

Le mot cent n'a point de féminin; mais il a le pluriel, que les uns écrivent cens, & les autres cents. De ce que nous venons de dire fur les noms terminés en ent il fuit qu'on ne doit écrite cens que dans la fignification du mot Latin cenfus. Car lorfqu'il ne s'agit que d'une centaine, il est certain qu'on doit écrire cent; mais quand il s'agit de plufieurs centaines, il convient d'écrire cents: exemples, cent hommes, cent pistoles; deux cents hommes, trois cents écus. La prononciation en devient plus douce & plus agréable à l'oreille, quand ce nom de nombre fe rencontre plus immediatement devant une voyele ou unə hfans afpiration. On peut même ajouter que les regles fondamen tales de l'Orthographe 'l'exigent, puifque ce nombre etant multiplié, il convient de l'écrire avec la lettre caractéristique du pluriel, ainfi que tous les autres noms. Mais il faut convenir avec Danet, M. Relaut, & plufieurs autres Savans, qu'en fait de date, sent eft indéclinable : l'an mil fept cent foixante & quatorzieme. La raifon de tout cela eft que tous ces nombres fe réuniffent pour ne former ensemble qu un feul mot: car comme on dit l'an millieme, on dit enfuite, l'an mil centieme, l'an mil-fept-centieme, l'an mil-fept-cent-foixantieme, & enfin Tan mil fept-cent-foixante & quatorzieme.

Pour ce qui eft du mot mille, il eft conftant qu'il eft pareillement indeclinable, & qu'on doit écrire deux mille hommes, trois mille livres, à quatre mille lieues, cinq mille ans, & femblables. La raifon ne s'oppoferoit pas à ce que mille s'écrivit avec une s en certains cas, anth bien que cent; mais l'ufage général ne le permet pas. A l'égard des dates, on doit écrire mil avec trois lettres, comme on vient de le voir dans les exemples que nous venons de donner.

Le mot vingt prend I's du pluriel dans ces mots quatre-vingts, fixvingts, quinze-vingts, parce que c'est comme fi l'on difoit quatre fois vingt, fix fois vingt, quinze fois vingt: & cette s fe fait fentir devant les voyeles & devant l'h non afpirée, quatre-vingts ans, fix-vingts hommes. Cette derniere expreffion a veilli; on préfere aujourd'hui cent virge, qui exprime plus nétement le même nombre. Il ne nous refte que quatre-vingts & les Quinze vingts. Mais parce que cette s no fe prononce point quand ce nombre quatre vingts eft fuivi d'un autre, Infige eft de la retrancher dans ce cas. Aini on écrit: quatre-vingt un quatre-vingt-deux, quatre vingt-trois, fans s.

On difoit autrefois feptante, oclante & nonante: mais ces termes ont vieilli. On a feulement confervé feptante dans quelques exprethons: Les Septante femaines de Daniel: les Septante Interpretes de la Bible: les Septante Disciples de Jesus Chrift. Hors ces deux cas on dit soixante-dix, on soixante & dix, quatre-vingts, & quatre-vingt-dix. Sur quoi l'on peut obierver que comme on dit quatre-vingt-dix, quatre-vingt-onze, quatrevingt douze, & les autres, fans y inferer la conjonction &, on peut bien dire de même soixante-dix, soixante-onze, soixante-douze.

ARTICLE III. Des Noms terminés en ION.

Les mots en tion & fion ont un fon fi uniforme qu'il faut néceffairement avoir recours aux Latins dont ils font dérivés pour ne pas écrire avec une s ceux qui doivent l'être avec un t. Ainfi pour bien écrire extenfion & feniblables, il efl néceffaire de favoir que ce mot vient du fupin extenfum ; & qu'au contraire intention doit êre ecrit avec un t, parce que ce mot vient d'intentum. Il en eft de même des mots termines en ction & en xion, dans l'Orthographe defquels on pouroit fe tromper, fi on n'avoit pas recours aux Latins dont ils tirent leur origine. C'est pourquoi il faut favoir que diction vient de dictum, & réflexion de reflexum, pour ne pas confondre le d avec l'x.

ARTICLE IV. De la formation du Féminin des Adjectifs.

C. Les noms terminés au mafculin par un c, forment leur féminin en ajoutant he après cette finale. Exemples, franc, blanc font franche blanche. Il ne faut excepter de cette regle que public, Ture, caduc, qui veulent au féminin publique, Turque, caduque: d'où il fuit aflez naturélement que Grec doit avoir au féminin Greque: cependant on trouve communément Grecque c'eft une irrégularité manifelle; & il est très facile aux Imprimeurs de la réformer, en fupprimant ce doublement qui n'eft fondé ni fur l'étymologie, ni fur la prononciation.

D. Les noms terminés en d prenent un e après cette finale. Exemples, grand, froid, laid, fécond, profond, lourd, fourd. gaillard, &c. au féminin font grande, froide, laide, feconde, profonde, lourde, fourde, gaillarde, & ain des autres. On ne doit excepter que ces deux mois nud & crud, qui an féminin font nue & crue.

E. Ceux qui font terminés en é aigu, prenent au féminin un e fimple après la finale du mafculin. Exemples: courbé, éfacé, gardé, crée, étoufe, change, bouché, roulé, aimé, né, frapé, ciré, alfé, vanté, trouvé, annexe; & généralement tous les participes patifs des verbes de la premiere conjugaifon ajoutent un e muet après la finale du mafculin pour en former le féminin. Exempl. courbé fait courbée; éfacé, éfacie, &c.

Les noms terminés par un e fimple, ne reçoivent aucun changement; car on écrit aimable, ferme, maigre, rouge, & femblables, au mafculin comme au féminin.

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i F. Ceux en f, changent cette lettre en ve au feminin. Exempl. neuf, vaf, vif, juif, pofitif, actif, oifif, captif, & femblables, font au femiLin, neuve, veuve, vive, juive, pofitive, aclive, oifive, captive, &c.

Il eft vrai qu'autrefois on lailloit la lettre ƒ au féminin, & qu'on écrivoit neufve, veufve, & femblables; mais ce n'eft plus l'ufage, on la retranche à préfent de tous ces féminins.

G. Ceux en g, veulent gue au féminin. Exempl. long, longue.

I. Ceux en i, forment leur féminin en ajoutant un e après la finale du mafculin. Exemp. ami, boufi, cueilli, fleuri, guéri, hardi, & femblables, au féminin font amie, boufie, cueillie, fleurie, guérie, hardie, &c. L. Il faut obferver que les mots terminés en al & en il, prenent fmplement un e après cette finale pour former leurs féminins. Ainfi gal fait égale; fubril, fubtile, & de même de leurs femblables. Mais on afuppofe que ceux qui font terminés en el, devoient doubler la finale da mafculin, avant d'y ajouter un e pour en faire le féminin. Exempl. naturel, naturelle, & ainfi des autres. Mais il eft cependant vrai que les noms en er paffent du mafculin au féminin fans doubler leur r: de premier, premiere de leger, légere, & ainfi de tous les autres généralement. Rien n'oblige donc de doubler en pareil cas la lettre s, & puifque d'égal on fait egale; de fubtil, fubtile; donc on peut auffi de natarel former naturele. L'ufage, dit-on, s'y oppofe. Les Imprimeurs peuvent le changer; & nous le faifons dans cette Edition.

Les Noms en eil doublent néceffairement la confone pour lui conferver l'articulation mouillée. Ainfi de pareil on fait pareille. C'eft un tas évidemment différent du précédent.

A l'égard des mots en ol, comme fol & mol, qui font aujourd'hui d'un rare ufage, les Anciens ont doublé la finale du mafculin, avant que d'y ajouter une pour en faire le féminin. Ainfi de mol & fol ils ont fait molle, folle, pour rendre bref l'o qui précede: d'ailleurs, le mot mol & molle vient du Latin mollis, où font les deux 1. Il en eft de même du mot nul & nulle, dérivé du Latin nullus; c'eft une raison d'y conferver les deux : mais pour le mot fol qui ne vient pas du Latin, rien n'oblige d'y doubler la lettre 1; car fi l'o devoit être long, on y mettroit aujourd'hui un circonexe; ainfi le féminin fole, avec une feule & fans accent, doit fe prononcer bref.

N. Les mots terminés en ain, ein, in & un, comme certain, plein, enclin & brun, au féminin ajoutent un e après la finale du mafculin; ainti on doit écrire certaine, pleine, encline, brune au féminin. Il faut cependant remarquer qu'il y a des mafculin en in, qui au feminin font ige, comme malin & benin, qui font maligne, benigne.

Mais on a fippofé que ceux en ien & en on, devoient doubler la finale du mafculin; ainfi d'ancien on a fait ancienne; de mien, mienne; de bon, bonne, & ainfi des autres. Il eft affez évident que c'est une exception à la regle des autres terminaifons; & qu'aujourd'hui cette exception devient entiérement inutile: car ce doublement n'a été introduit que pour rendre les voyeles broves, dans un temps où on

n'avoit pas un circonflexe pour les rendre longues aujourd'hui que nous favons les rendre longues par le circonflexe, il fuffii de les écrire fans accent pour les rendre breves ainfi comme de premier on a fait premiere, fans doubler la lettre r, de méme d'ancien on peut faire trèsréguliérement anciene, fans aucune équivoque de prononciation, puifqu'en Latin on dit bonus, bona, bonum, avec une feule n, on peut donc écrire en François bon & bone; l'étymologie le demande, & la prononciation ne s'y oppofe pas.

A l'égard des noms terminés en an, ils font dans leurs dérivés écrits avec beaucoup de variation. Les uns doublent la finale dans le féminin, comme paysanne, qu'on trouve communément avec deux n: au contraire courtisane n'en a fouvent qu'une. La regle générale étoit d'écrire tous ces mots avec deux n, à caufe que la pénultiemme eft breve; car une des regles les plus communes des Anciens, qui n'avoient pas le fecours de nos accens, étoit de doubler les confones pour rendre les voyeles breves: delà vient que fans égard à leur étymologie, ils écrivoient couronne & perfonne, tandis qu'en Latin on écrit Corona & perfona: mais aujourd'hui que nous avons le circonflexe pour rendre les voyeles longues, nous pouvons écrire fans équivoque courone & perfone; & par la même raifon, courtisane & payfane.

R Les mafculius en forment leur féminin en ajoutant un e après la finale du mafculiu. Exemples: groffier, groffiere; dur, dure; léger, legere, & femblables. Ceux en eur varient; car trompeur fait trompeue; acteur, actrice; vengeur, vengeresse; & ainfi de quelques-autres qu'on trouvera dans leur ordre alphabétique.

S. Les noms terminés en s fuivent la même regle. Exempl. ras fait rafe; gris, grife; mauvais, mauvaife; acquis, acquife; clos, clofe; inclus, inclufe, & feinblables.

De cette regle on ne doit excepter que les mots fuivans: gras, bas, las, épais, gros, qui font au féminin, graffe, basse, laffe, épaiffe, grosse, pour donner da lettre s l'articulation forte qu'on lui donne en prononçant ces mots, & qu'elle perdroit fi on ne la doubloit pas. Il faut auffi obferver que frais veut fraîche; & abfous, abfoûre.

T Ceux qui font terminés en r au mafculin, forment le féminin en y ajoutant un e après la finale du mafculin. Exemples: délicat fait délicate; plat, plate; savant, favante; faint, fainte; teint, teinte; innocent, innocente fubit, fubite; maudit, maudite; dévot, dévote; fufpect, fufpecte, & autres femblables.

On a cru devoir encore excepter de cette regle les mots terminés en er, dont le plus grand nombre fe trouve écrit au féminin avec deux muet, muette; fujet, fujette, & ainfi des autres. Mais il en eft de ce doublement de la lettre t, comme de ceux des lettres 1 & n en pareille pofition, c'eft à dire, après la lettre e pour la rendre breve; cela étoit tres bien quand on n'avoit pas de circonflexe pour la rendre longue; mais aujourd'hui que nous favons la rendre longue par le circonflexe,

ces

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