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Et paroissons ensemble aux yeux des spectateurs, Pour ce nouveau théâtre, autant de vrais acteurs.

(Plusieurs Driades, accompagnées de Faunes et de Satyres, sortent des arbres et des thermes.)

Vous, soin de ses sujets, sa plus charmante étude,
Héroïque souci, royale inquiétude,

Laissez-le respirer, et souffrez qu'un moment
Son grand cœur s'abandonne au divertissement:
Vous le verrez demain, d'une force nouvelle,
Sous le fardeau pénible où votre voix l'appelle,
Faire obéir les lois, partager les bienfaits,
Par ses propres conseils prévenir nos souhaits,
Maintenir l'univers dans une paix profonde,
Et s'ôter le repos pour le donner au monde.
Qu'aujourd'hui tout lui plaise, et semble consentir
A l'unique dessein de le bien divertir.
Fâcheux, retirez-vous; ou s'il faut qu'il vous voie,
Que ce soit seulement pour exciter sa

joie.

La Naïade emmène avec elle, pour la comédie, une partie des gens qu'elle a fait paroître, pendant que le reste se met à danser au son des hautbois qui se joignent aux violons.

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LA MONTAGNE, valet d'Éraste.

L'ÉPINE, valet de Damis.

LA RIVIÈRE, et deux autres valets d'Éraste.

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LES FACHEUX,

COMÉDIE-BALLET.

ACTE PREMIER.

SCÈNE I.

ÉRASTE, LA MONTAGNE.

ÉRASTE.'

SOUS quel astre, bon Dieu, faut-il que je sois né,`
Pour être de fâcheux toujours assassiné !

Il semble que partout le sort me les adresse,

Et j'en vois chaque jour quelque nouvelle espèce,
Mais il n'est rien d'égal au fâcheux d'aujourd'hui;
J'ai cru n'être jamais débarrassé de lui,

Et cent fois j'ai maudit cette innocente envie
Qui m'a pris à dîné de voir la comédie,
Où, pensant m'égayer, j'ai misérablement
Trouvé de mes péchés le rude châtiment.
Il faut que je te fasse un récit de l'affaire,
Car je m'en sens encor tout ému de colère.
J'étois sur le théâtre en humeur d'écouter
La pièce, qu'à plusieurs j'avois ouï vanter;
Les acteurs commençoient, chacun prêtoit silence,
Lorsque d'un air bruyant et plein d'extravagance,

Un homme à grands canons est entré brusquement
En criant, holà ho! un siége promptement,
Et, de son grand fracas surprenant l'assemblée,
Dans le plus bel endroit a la pièce troublée.
Eh, mon Dieu! nos François, si souvent redressés,
Ne prendront-ils jamais un air de gens sensés,
Ai-je dit, et faut-il, sur nos défauts extrêmes,
Qu'en théâtre public nous nous jouïons nous-mêmes,
Et confirmions ainsi, par des éclats de fous,
Ce que chez nos voisins on dit partout de nous?
Tandis que là-dessus je haussois les épaules,
Les acteurs ont voulu continuer leurs rôles;
Mais l'homme pour s'asseoir a fait nouveau fracas,
Et traversant encor le théâtre à grands pas,
Bien que dans les côtés il pût être à son aise,
Au milieu du devant il a planté sa chaise;
Et, de son large dos morguant les spectateurs,
Aux trois quarts du parterre a caché les acteurs.
Un bruit s'est élevé, dont un autre eût eu honte;
Mais lui, ferme et constant, n'en a fait aucun compte,
Et se seroit tenu comme il s'étoit posé,
Si, pour mon infortune, il ne m'eût avisé.

Ah, marquis! m'a-t-il dit, prenant près de moi place,
Comment te portes-tu? Souffre que je t'embrasse.
Au visage sur l'heure un rouge m'est monté,
Que l'on me vît connu d'un pareil éventé.

Je l'étois peu pourtant; mais on en voit paroître
De ces gens qui de rien veulent fort vous connoître,
Dont il faut au salut les baisers essuyer,

Et qui sont familiers jusqu'à vous tutoyer.

Il m'a fait à l'abord cent questions frivoles,
Plus haut que les acteurs élevant ses paroles.
Chacun le maudissoit, et moi, pour l'arrêter,
Je serois, ai-je dit, bien aise d'écouter.

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Tu n'as point vu ceci, marquis? ah! Dieu me damne,
Je le trouve assez drôle, et je n'y suis pas âne;
Je sais par quelles lois un ouvrage est parfait,
Et Corneille me vient lire tout ce qu'il fait.
Là-dessus de la pièce il m'a fait un sommaire,
Scène à scène averti de ce qui s'alloit faire,
Et jusques à des vers qu'il en savoit par cœur,
Il me les récitoit tout haut avant l'acteur.
J'avois beau m'en défendre, il a poussé sa chance,
Et s'est devers la fin levé long-temps d'avance;
Car les gens de bel air, pour agir galamment,
Se gardent bien surtout d'ouïr le dénouement.
Je rendois grâces au ciel, et croyois, de justice,
Qu'avec la comédie eût fini mon supplice :
Mais, comme si c'en eût été trop bon marché,
Sur nouveaux frais mon homme à moi s'est attaché,
M'a conté ses exploits, ses vertus non communes,
Parlé de ses chevaux, de ses bonnes fortunes,
Et de ce qu'à la cour il avoit de faveur,
Disant qu'à m'y servir il s'offroit de grand cœur.
Je le remerciois doucement de la tête,
Minutant à tous coups quelque retraite honnête;
Mais lui, pour le quitter me voyant ébranlé;
Sortons, ce m'a-t-il dit, le monde est écoulé :
Et, sortis de ce lieu, me la donnant plus sèche,
Marquis, allons au cours faire voir ma calèche,

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