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Les arbitres choisis sont ou des personnes privées, mode autrefois d'une application très - fréquente, ou des souverains. 1 Celles-là ne peuvent pas régulièrement se faire représenter dans l'exercice de leurs fonctions, tandis que ces derniers déléguent ordinairement l'examen de l'affaire à des juges spéciaux ou à leurs conseils privés, en sorte qu'ils n'interviennent d'une manière directe que pour prononcer la sentence définitive.2

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Lorsque plusieurs arbitres ont été nommés, sans que leurs fonctions respectives aient été déterminées d'avance, ils ne peuvent, suivant l'intention présumée des parties, procéder séparément. En cas de désaccord entre eux, l'avis de la majorité doit prévaloir, conformément aux principes de la procédure ordinaire. Si les voix venaient à se partager ou à offrir une divergence absolue de vues, il appartiendrait aux parties, pour vider la difficulté, d'y pourvoir ultérieurement; sinon, le compromis serait sans effet. Le droit romain à la vérité autorisait les arbitres élus à nommer un tiers arbitre: mais cette disposition positive purement civile n'a été admise d'une manière générale ni dans les codes modernes ni dans la jurisprudence internationale.

Lorsque le mode de procéder n'a pas été déterminé d'avance, les arbitres ont la faculté de fixer un délai pendant lequel les parties seront tenues de produire leurs moyens et leurs défenses respectifs. Après que cette production a eu lieu, ils peuvent procéder à la prononciation de la sentence.5

L'arbitre ne dispose d'aucun moyen d'exécution. ~

Le compromis finit par de nouveaux engagements intervenus entre les parties en litige, par l'expiration du délai stipulé, par le décès ou l'empêchement de l'arbitre, enfin par la

1 Hellfeld dans Struv., Jurisprud. heroica. chap. I, § 21 suiv. 77. de Neumann, loc. cit. chap. 12 et 13.

2 de Neumann, loc. cit. t. VIII, § 18.

3 V. Loi 17 in fine. Loi 18 D. de receptis. La disposition contraire du droit canon, contenue au chap. 2 de arbitrio in VI, est inadmissible en matière internationale.

Loi 17. § 5. 6. D. de receptis.

art. 1012. 1017.

Contra Code de proc. français

5 Loi 27. prim. 1. 49. § 1. D. de receptis. Heffter, droit international. 3e éd.

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sentence même, qui a, entre les parties, l'autorité d'une transaction régulière. Sous ce rapport les dispositions du droit romain, relatives à la validité des sentences arbitrales, conçues dans un esprit trop étroit, ont fait place aux règles plus larges du droit moderne. C'est ce qu'il faut dire notamment de la disposition romaine qui, dans le cas où une clause pénale avait été stipulée, affranchissait la partie défaillante des effets de la sentence, lorsqu'elle payait la somme promise.1

La décision arbitrale est susceptible d'être attaquée dans les cas suivants:

1° Si elle a été rendue sans compromis valable ou hors des termes du compromis;

2o si elle l'a été par des arbitres absolument incapables; 3° si l'arbitre ou l'autre partie n'a pas agi de bonne foi; 4° si les parties ou l'une d'elles n'ont pas été entendues; 5° s'il a été prononcé sur choses non demandées; 6° si ses dispositions sont contraires d'une manière absolue aux règles de la justice, et ne peuvent par conséquent former l'objet d'une convention (§ 83).

De simples erreurs au contraire qui peuvent être reprochées au contenu de la sentence, lorsqu'elles ne sont pas le résultat d'un esprit partial, ne constituent point une cause de nullité.2 Néanmoins une erreur de calcul et, dans l'engagement décrit ci-dessus et connu sous le nom d',, arbitratio", la preuve d'une erreur de fait donneront lieu à la demande de rectification.3

L'arbitrage se présente sous des formes très-variées dans l'histoire. Chez les Grecs nous le rencontrons sous la forme d'un recours auprès d'une ville tierce ou alliée (óg ězzhytos).a Chez les Romains de la première époque il porte le nom de ,,reciperatio". Dans les confédérations et les unions d'États,

1 V. Grotius III, chap. 20. 46.

2 V. Grotius, loc. cit. Vattel II, chap. 18. § 329. Wildman I, p. 186. 3 C'est ce qui est appelé „reductio ad boni viri arbitrium" dans les

lois 76. 78. 79. D. pro socio et loi 9. D. qui satisd. coguntur.

4 V. Heffter, Athen. Gerichtsverf. p. 340.

5 Gallus Aelius dans Festus: ,, Reciperatio est, cum inter populum et reges, nationesque ac civitates peregrinas lex convenit, quomodo per reciperatorem reddantur res reciperenturque, resque privatas inter se persequantur." V. Carl Sell, Die Recuperatio der Römer. Braunschw. 1837.

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l'institution de tribunaux fédéraux a reçu un certain caractère fixe et en quelque sorte politique, qu'avaient déjà, dans les confédérations grecques, notamment dans la ligue Achéenne, les réunions amphictyoniques, bien que leur importance ait été sans doute exagérée. Une institution moderne de cette nature était celle dite austrégalienne, chargée de la mission de statuer sur les contestations nées entre les Souverains de la Confédération germanique de 1815 et qui, suivant l'arrêté fédéral du 30 octobre 1834 (article 12), pouvait être remplacée par une cour arbitrale. Ella a cessé depuis 1866. Aujourd'hui les gouvernements réunis du nouvel Empire vident leurs différends particuliers au conseil fédéral.

Actes de fait et représailles.

§ 110. Le droit d'user de voies de fait commence au moment même où les tentatives faites pour arranger un conflit à l'amiable ont échoué, ou lorsque des circonstances urgentes ne permettent pas de recourir à cette mesure préliminaire. En ce cas, s'il s'agit de réclamations liquides, on s'empare de leurs objets partout où ils se trouvent, ou d'un équivalent à la créance, en saisissant des biens appartenant à la partie adverse et qui se trouvent déjà dans le pouvoir de l'État créancier. Dans les autres cas on aura recours à des actes de violence, soit en entrant en état d'hostilités ouvertes (dont nous nous occuperons au paragraphe suivant), soit en usant d'abord de représailles. Par représailles on entend aujourd'hui toutes les mesures de fait dont un gouvernement se sert vis-à-vis d'un autre État, des sujets de ce dernier ou de leurs biens, dans le but de contraindre la puissance étrangère de faire encore droit sur les questions en litige ou d'en obtenir une juste satisfaction, ou de se faire

p. 687.

1 Polybe II, 37. 10. Tittmann, Griechische Staatsverfassung

2 de Leonhardi, Das Austrägalverfahren des deutschen Bundes. Frkf. 1838. Jordan dans Weiske, Rechts- Lexicon I, p. 474. Zachariae, Deutsches Staatsrecht II, p. 719. Zöpfl, Allgemeines und deutsches Staatsrecht I, p. 359.

au besoin justice lui-même. Anciennement les représailles se faisaient surtout par des lettres de marque délivrées par un gouvernement à ses sujets ou même à des étrangers, par lesquelles il les autorisait à commettre toutes sortes d'exactions et de violences sur la nation ennemie. Il y avait des représailles spéciales, que l'on accordait aux offensés eux-mêmes, et des représailles générales, qui autorisaient tous les sujets à courir sus à l'ennemi. Celles-ci ne différaient pas à la vérité de la pleine guerre, tandis que celles-là n'étaient autre chose que la faide autorisée par l'État. Des traités ont successivement modifié cet usage, qu'aujourd'hui on rencontre à peine dans le code des nations sous la forme de la course, pratiquée exclusivement sur mer (§ 137). Les moyens usités encore à présent sont les suivants : 4

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Premièrement, la cessation dans l'accomplissement des engagements pris envers l'autre État ou envers ses sujets; secondement, la suspension de l'intercourse amicale entre les deux États, soit en entier, soit en partie;

troisièmement, la saisie et puis la séquestration de sujets et de biens ennemis.

Simple mesure de précaution, une telle séquestration a exclusivement pour but d'offrir un gage, sans conférer aucun droit quelconque sur la vie des personnes ni sur les biens séquestrés. Ces derniers toutefois, si la satisfaction exigée continuait à être refusée, pourront incontestablement servir à la réparation des intérêts lésés. De même la partie offensée pourra retenir les sujets ennemis comme otages. Car les anciens auteurs

1 Les nombreuses monographies sont indiquées par d'Ompteda § 288. de Kamptz § 270. Le mot représailles dérive de reprendre, en anglosaxon withernam.

2 V. sur les anciennes formes Hüllmann, Städtewesen. t. I, p. 197. Martens, Caperei I, § 4. Pütter, Beiträge zur Völkerrechtsgeschichte I, p. 49. P. Frider., De process. I, cap. 46 suiv. Valin III, 10. p. 414. 3 Oke Manning p. 108. Sur l'abolition ultérieure de cette sorte de représailles v. Ortolan I, p. 396. Wildman I, p. 192.

Sur l'usage international moderne voir Grotius III, 2. de Neumann, Jus principum priv. t. VIII, § 35. de Steck, Essais. p. 42. Vattel II, § 342 suiv. Wheaton IV, 1. § 2 et 3. Wurm, Staats- Lexicon XII, p. 124. Halleck, Int. Law, chap. 12, § 11.

et encore Cocceji (sur Grotius) se trompent évidemment lors qu'ils soutiennent qu'il est permis d'attenter à la vie de ces malheureux.1

Tout refus et tout retard qu'une partie oppose arbitrairement aux justes réclamations de l'autre, donnent à celle-ci le droit incontesté de recourir à des représailles, peu importe d'ailleurs sous quelles formes ce refus et ce retard se manifestent, fût-ce sous celle d'un acte législatif, ou sous celle d'une décision judiciaire ou d'un arrêté administratif. Mais il appartient aux gouvernements seuls d'ordonner l'application de mesures semblables.

Certainement des puissances tierces ne sont tenues en aucune manière de donner suite aux réclamations qui leur sont adressées à ce sujet par la partie lésée ou même par l'État intéressé. Elles ne peuvent faire usage d'actes de représailles dans l'intérêt d'une autre puissance, qu'autant que les traités leur imposent un devoir d'intervention. Ce devoir se manifeste surtout avec une certaine force dans le sein des États fédératifs, et l'article 37 de l'Acte final de Vienne l'a consacré en 1828 expressément au profit de la Diète germanique. Aussi en Suisse il avait été reconnu également qu'un Canton pourrait exercer des représailles dans l'intérêt d'un autre Canton. Du reste une tierce puissance pourrait participer aux représailles d'une autre, lorsque sa coopération aurait pour but de mettre un terme aux violations du droit international ou à des procédés contraires à l'humanité et à la justice. En ce cas les États ne font que remplir une mission commune qui leur est tracée naturellement. Organes suprêmes et multiples de l'huma

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1 Schilter, De jure obsidum, considérait déjà des sujets arrêtés par mesure de représailles comme des otages. V. aussi Vattel II, § 351.

2 Des exemples sont cités par Ch. de Martens, Causes célèbres II, p. 1. 151 suiv. Pour le principe v. Grotius III, 2. § 4. 5. Bynkershoek, Quaest. jur. I, 24. Oke Manning, Law of nations p. 107. Wurm à l'endroit cité p. 125. Wildman p. 195.

3 de Martens, Völkerr. § 256 (261). Bynkershoek (de foro legator. chap. 22) admet la faculté d'un gouvernement d'exercer des actes de représailles dans l'intérêt d'un autre; contra Oke Manning p. 111 et Wildman t. I, p. 193. Halleck XII, § 28.

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