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à recou

épuifees. Pourquoi, à fon exemple, l'homme du monde ne chercheroit-il pas vrer cette vigueur de l'ame, qui s'affoiblit & fe perd infenfiblement parmi les agitations du fiecle? Mais de tous les moyens propres à nous faciliter ce recouvrement il n'y en a point de plus efficace que la lecture des Vies des Saints. La raifon, l'autorité & l'expérience font ici d'accord.

En effet, à ne confulter que les lumieres de la raifon, n'eft-il pas certain que l'exemple a une vertu toute particuliere pour nous porter au bien ? C'eft de toutes les métho des qu'on peut employer pour inftruire, la plus courte, la plus facile, la plus appropriée aux circonftances des états, des temps, des lieux. L'orgueil fe révolte contre l'auf térité des préceptes: l'exemple la tempere,. cette austérité; & parce qu'il agit fans bruit & fans éclat, nous l'aidons, pour ainfi dire, nous-mêmes à tromper notre amour propre. Les paffions ne voyant pas de maître, n'oppofent que peu de réfiftance; le plaifir fe met de la partie pour achever de produire l'effet. La vertu d'ailleurs ne paroît point dans les exemples fombre & décharnée, comme dans les difcours; elle y eft au contraire vivante & animée; & fon pouvoir a d'autant plus dempire, qu'elle a déjà fu intéreffer le cœur parfes charmes. Enfin l'exemple va au de

vant des prétextes, il diffipe les difficultés, & fait taire les cris de notre délicateffe.

Les Ecrivains Sacrés fentoient tellement la force merveilleuse de l'exemple, qu'ils nous ont confervé le détail des actions des Perfonnages illuftres par leur piété. L'Apôtre en faifoit dépendre la fidélité à remplir les devoirs du Chriftianifme. Souvenezvous, difoit-il aux Hébreux, de ceux qui vous ont prêché la parole de Dieu, afin que confidérant quelle a été la fin de leur vie, vous imitiez leur Foi (2). L'Eglife, toujours conduite par l'efprit qui dirigea la plume des Écrivains Sacrésofa à fes enfants le même moyen de falut, de falut, en inferant dans l'Office de chaque jour un abrégé de l'Hiftoire des Martyrs & des autres Saints (a). Ce fut auffi le zele de la fanctification des ames, qui porta plufieurs Peres

(2) Hebr. XIII. 7. a) Dès les premiers fiecles du Chriftianifme, on lifoit dans l'Églife les Actes de S. Polycarpe, comme nous l'apprenons de l'Auteur de la Vie de S. Pione. S. Auguftin, Serm. 280. T. 5. p. 1134, dit la même chofe de ceux de Sainte Perpétue & de Sainte Félicité. Il eft parlé dans le Canon 47, d'un Concile d'A

frique, tenu en 397, d'Ac. tes de Martyrs qu'on lifoit à l'Églife, le jour de leur Anniverfaire (Conc. T. 5. p. 1072). Il paroît par S. Céfaire (Serm. 95. vel ap. Aug. T. 5. app. Serm. 300), que les Fideles étoient de bout pendant cette lecture, & qu'il n'y avoit que les infirmes & les convalefcents qui l'écoutaffent aflis.

des vertus

à écrire la Vie des perfonnes que éminentes avoient rendues recommandables. L'exemple des Saints ayant une telle influence fur notre conduite, on ne peut donc trop recommander la lecture de leur Hiftoire, qui rapproche de nous toutes leurs actions & nous les rend comme préfentes. Et voilà pourquoi les plus grands Docteurs de l'Églife ont fi fouvent infifté fur cet article, Qu'on life fur-tout Saint Chryfoftome & Saint Nil (b); ils traitent le fujet en queftion avec une force & une énergie admirables. Tous les Maîtres de la vie fpirituelle qui ont écrit depuis, & qui font connus de tout le monde, ont conftamment tenu le même langage.

Nous ne finirions pas, fi nous voulions rapporter ici tous les paffages qui prouvent combien il eft avantageux de lire l'Hiftoire des Saints. Mais écoutons ce que dit fur cette matiere un célebre Calviniste. C'eft Jofeph Scaliger, qui parle ainfi des Ades de quelques Martyrs de la primitive Eglife. La lecture (de ces Ades) fait une telle impreffion » fur les ames pieuses, qu'elles ne quittent jamais le livre qu'à regret. Chacun peut

"

(b) Voyez Saint Nil, c. 34. & 43; & Perister. Ep. 1. 4. Ep. 1. p. 458. Sect. 4. p. 99. Tract, de Monaft. Exercit.

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s'en convaincre par sa propre expérience. Pour moi, j'en fais ici l'aveu: il n'y a rien dans toute l'Hiftoire Ecclefiaftique, » dont je fois auffi touché. Quand je lis ces Ades, je ne me poffede plus (c). »

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Au refte, les Peres de l'Eglife, & les Auteurs Afcétiques, font d'autant plus croyables dans ce qu'ils ont dit de la lecture des Vies des Saints, qu'ils ne parloient que d'après ce qu'ils avoient eux-mêmes éprouvé. "C'étoit-là qu'ils puifoient les plus efficaces motifs de vertu. C'étoit-là qu'ils trouvoient de quoi nourrir leur ferveur, & ce zele ardent dont ils brûloient pour la perfection évangélique (d). On en a vu qui après la lecture des Ades des Martyrs, fe fentoient eux-mêmes embrafés du défir de verfer leur fang pour Jefus-Chrift (e).

Mais

que feroit-ce, fi nous rapportions

(c) Voyez Scaliger, Animadv. in Chron. Eufeb. ad an. 2187.

(d) On peut citer éntr'autres S. François d'Affife, S. Étienne de Grandmont, S. Antonin, Saint Thomas, Sainte Thérefe, &c. Saint Sigiran, Apôtre d'Allemagne, & plufieurs autres grands perfonnages, avoient coûtume de porter toujours avec eux les Actes

des Martyrs, afin de pouvoir les lire, même en voyage.

(e) Tels furent entr'autres S. Boniface de Mayence, & le faint Martyr Anastafe. Le premier avoit une telle eftime pour les Vies des Saints, qu'il en envoya chercher en Angleterre. Voyez la 35. de fes lettres dans la Bibliotheque des Peres.

en détail les avantages qu'un grand nombre de pécheurs ont tirés de la lecture des Vies des Saints? Combien ne pourrions-nous pas citer de converfions qu'elle a opérées, méme parmi les Hérétiques (f)? En voici une des plus frappantes. Un fameux Miniftre Luthérien de Brême s'étoit mis à lire la Vie de Sainte Thérefe, écrite par elle-même, pour n faire la critique Mais à peine eut-il achevé cette lecture, que fes yeux s'ouvrirent à la lumiere. Il quitta fes préjugés, rentra dans le fein de l'Eglife, & y mena toujours depuis une vie très-édifiante (g).

en

S'il nous reftoit encore des doutes fur ce fujet, nous n'aurions qu'à confulter notre propre expérience. Pouvons-nous, en confidérant la ferveur & le courage des Saints, ne pas nous confondre à la vue de notre engourdiffement & de notre lâcheté? Nos pré

(f) Saint Auguftin par-1 97. n. 2. ). L'Hiftoire de le dans fes Confeffions, 1. tous les fiecles fournit plu8. c. 6, de deux Officiers fieurs exemples de ce genque la lecture de la Vie de re. Saint Antoine fit renoncer au monde, & changea en Moines fervents. Un Seigneur, nommé Jean Coambin, qui avoit de grands vices, fe convertit pour voir lu par hazard la Vie de Sainte Marie d'Égypte (Voyez Fleury, T. 20. 1.

(g) Ce trait eft rapporté dans la Préface que M. Palafox, Évêque d'Ofma, a mife à la tête du 4. Tome des Lettres de Sainte Thérefe. On peut ajoûter à la converfion du Miniftre Luthérien, celle du célebre Woodhead.

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