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faut pas en étendre la généralité aux Vies des Saints, qui ne préfentent qu'un Recueil d'actions exemplaires & de vertus toutes céleftes.

Or, tandis qu'un grand nombre de plumes s'exercent fur les différentes parties de l'Histoiferoit-il pardonnable d'oublier celle qui mérite notre attention, préférablement à toutes les autres ? Pourroit-on laiffer en friche la plus précieufe portion d'un champ, que l'on s'empreffe de cultiver chaque jour ?

Les Saints dont nous parlerons, furent, & font encore, l'objet de la vénération du monde Chrétien. Nous lifons les noms de la plûpart d'entr'eux dans les Infcriptions de nos Eglifes, dans nos Villes & fur nos Edifices, dans les Écrits & dans prefque tous les Monuments de nos peres. Et fi M. Tanner (c), en publiant fa Notitia Monaftica, a mérité la reconnoiffance de tous les Amateurs de l'antiquité, que n'avons-nous pas droit d'augurer de l'accueil qu'ils feront à l'Hiftoire de ces Grands Hommes dont la mémoire doit nous être fi chere, & dont les Noms nous font fi fouvent rappellés?

Nous avons inféré après la Vie du principal Saint de chaque jour, un abrégé de celle des autres Saints qui font les plus connus dans l'Hiftoire, ou qui ont eu des rapports avec nos ancêtres. Les Eglifes d'Angleterre & d'Écoffe, par une fuite du commerce que l'on entretient avec les Nations voisines, avoient une dévotion par ticuliere envers plufieurs Saints françois, comme on le voit, & par leurs anciens Bréviaires, par le beau Calendrier MS. anglois, qui fut

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(c) Savant Evêque Proteftant d'Angleterre.

écrit fous Édouard IV (d). Les Rois, & les Évêques Normands, pour honorer plufieurs Saints d'Aquitaine & de Normandie, firent de pieufes fondations qui portent encore leurs noms, malgré les fureurs de la prétendue Réforme. Les Reliques enfin de quelques Saints françois, que l'on gardoit autrefois en Angleterre, les y ont rendus célebres. On trouvera donc ici les Vies de tous ces Saints, quoique cependant on ne puiffe les regarder que comme Sécondaires. Mais nous éviterons les longs détails, pour ne pas franchir les bornes que nous nous fommes prefcrites. Nous aurons néanmoins l'attention de recueillir les principaux traits qui caractérisent chaque Saint en particulier, afin de ne point fatiguer le lecteur par une ennuyeufe nomenclature. Nous tâcherons auffi de diverfifier la narration, de la foûtenir, de l'animer, de la rendre enfin intéreffante, par la variété des ornements. Oter'ce double mérite à notre Ouvrage, & lui laiffer le titre d'Hiftoire, ce feroit comme fi l'on donnoit le nom de jardin à un morceau de terre, où l'on ne verroit, ni parterres, ni gazons, ni bofquets, ni promenades.

Le plan & le titre de cet Ouvrage exigent que nous faffions connoître les Peres qui font célebres dans l'Hiftoire Eccléfiaftique, & dans les Ecoles, quoique leurs noms n'aient point été inférés dans le Catalogue des Saints. Nous donnerons donc un abrégé de leur Vie, mais feulement en forme de Notes, que nous pla

(d) Ce Calendrier MS, eft actuellement en la poffeffion de l'Auteur,

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cerons dans les endroits qui les ameneront naturellement. Notre intention d'ailleurs n'a point été de ranger parmi les Saints ceux qui n'ont pas encore été propofés à la vénération publique par l'autorité du Saint Siege, ou du moins par celle de quelque Eglife particulie ré, avant que ce droit eut été réfervé au Souverain Pontife pour de très-juftes raifons. Ainfi nous déclarons qu'en employant les épithetes de Saint, & de Bienheureux, nous n'avons point prétendu contrevenir au Decret d'Urbain VIII. fur cette matiere. Si quelquefois nous les appliquons à des perfonnes en faveur defquelles il n'eft point intervenu de proclamation juridique de la part des premiers Pasteurs de l'Eglife, on en doit feulement inférer que ces perfonnes font réputées faintes, & dignes de vénération, à caufe des rares vertus qui brillerent en elles. Cette obfervation s'étend auffi au récit de leurs miracles qui n'ont été ni examinés, ni approuvés juridiquement. C'est la fonction de l'Hiftorien de rapporter les faits; il n'appartient qu'aux Juges légitimes d'y imprimer le fceau de l'authenticité.

Quoique les flammes, & les ravages du temps ayent fait périr les Mémoires où etoient confignées les actions de plufieurs Saints illuftres, nous n'avons pas laiffé de rapporter leurs Noms. Nous avons auffi rapporté ceux des Apôtres & des premiers Héros du Christianisme, fur la Vie defquels nous n'avons aucuns détails. Il eft vrai qu'il n'y aura pas là de quoi fatisfaire une vaine curiofité; mais les coeurs qui cherchent Dieu, y trouveront un fujet d'inftruction. Nous ofons même affurer que cette circonftance intéreffera les ames humbles aiment à

qui

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être inconnues & ignorées; c'est-à-dire, à fuivre le premier des exemples que Jefus-Chrift nous a donnés, celui de fa Vie cachée (e).

Certains Critiques ( c'est du moins le nom

Addiffon & Middleton ont voulu jetter un ridicule fur les Catholiques, en les accufant d'avoir métamorphofé le mont Sorace en un Saint qu'ils ont nommé Orefte. Lis devoient au public les preuves de ce qu'ils

· (6) Certains modernes ont | honore cómme Martyr, le 15 prétendu que quelques-uns Mars. De favoir fi ce Longin des Saints, honorés par l'Égli- fut ou ne fut pas la perfonne fe, n'avoient jamais exifté. Ils qui ouvrit avec une lance le ont nié, par exemple, l'exif- côté du Sauveur, c'est une tence de S. Bacchus, de S. chose très-peu importante & Quirinus, de S. Nilammon qui ne mérite pas d'être difcu de S. Hyppolite, &c. & cela, tée. fondés fur ce que leurs noms ont une origine paienne. Cette raifon eft pitoyable. Les premiers Chrétiens portoient fouvent de femblables noms. Eufebe, Théodoret, & les plus anciens Martyrologiftes parlent fréquemment de Chré-ont avancé, & ils n'en ont ap◄ tiens, appellés Apollonius, porté aucune. D'ailleurs lo Apollinaris, Apollo, &c. S. Paul Martyrologe Romain & les fait mention de deux difciples, Ménées font, mention fous le dont l'un fe nommoit Hermès, 9 de Novembre & le 13 de ou Mercure; & l'autre, Dio- Décembre, de deux Saints ayfius ou Bacchus. nommés Orefte, qui furent martyrifés durant la perfécution de Dioclétien; l'un, en Arménie; & l'autre, en Cappadoce. Saint Grégoire de Na◄ zianze parle du fecond dans fon difcours fur Saint Bafile. Mais fuppofons qu'il fe foit gliffé des fautes ou des changements accidentels dans quel

Le Miniftre Geddes foûtenu qu'il n'y avoit jamais eu de S. Almaque, de S. George, de S. Wénéfred, &c. Nous montrerons en fon lieu qu'il s'eft trompé, & que l'honneur que l'on rend à ces Saints, eft appuyé fur les autorités les plus inconteftables. D'autres ont attaqué l'existence de S. Lon-ques noms, par l'ignorance ou gin, prétendant qu'on avoit l'inattention des copistes, fait un Saint de Longinus, mot que quelques particuliers aient qui, felon eux, ne fignifie au- autrefois été dans l'erreur par tre chofe que picque. Mais il rapport à un petit nombre de eft certain, quoiqu'ils en puif- Saints; cela doit-il infirmer fent dire, que Longinus eft un l'autorité des Martyrologes, nom d'homme, & celui d'un qui ont été univerfellement Soldat Romain, que l'Eglife reconnus pour authentiques?

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qu'ils prennent) font une guerre ouverte à tout ce qui s'appelle miracle. Ils ne veulent pas voir que les miracles font les oeuvres de Dieu par excellence; qu'ils font deftinés, dans l'ordre de fes deffeins, à élever nos efprits vers fon adorable providence, & à nous faire louer fa puiffance & fa bonté ; que fouvent enfin ils ont été opérés pour forcer les hommes à rendre hommage à la vérité. Les omettre entie- · rement, ce feroit dérober, en quelque forte, la connoiffance des grands motifs qui déterminerent le Ciel à les opérer. Nous ne fommes pourtant pas entrés dans le détail des miracles, quelqu'inconteftables qu'ils foient, de peur de nous écarter de notre plan. Il nous a paru fuffifant de renvoyer le lecteur aux four

ces.

Nous avons femé quelques réflexions dans cet Ouvrage ; mais nous nous fommes renfermés dans les bornes d'une fage oeconomie, pour ne pas ôter aux lecteurs le plaifir de réfléchir eux-mêmes. Cependant comme tous ne poffédent pas ce talent dans un égal dégré, nous y fuppléerons, en terminant chaque Vie principale par une courte inftruction, qui ne fera qu'un recueil de maximes, tirées des Ouvrages ou de l'exemple du Saint. Nous donnerons en forme de notes, une idée générale des Ecrits des Peres, qui ne fera pas inutile aux jeunes Théologiens. Nous ferons auffi connoître leurs Livres afcétiques, afin d'inspirer le défir de les lire. Il y auroit beaucoup à gagner dans cette lecture. On y puiferoit du goût pour la vertu, & une connoiffance de l'efprit des Saints bien plus parfaite, que dans toutes les Histoires de leurs Vies.

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