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insérer le 14 dans la Gazette de Rome un article qui devait en quelque sorte servir de péroraison à ses luttes politiques.

Après avoir dit que les assemblées législatives avaient fait peu de bien dans leur session précédente le courageux publiciste terminait par ces

mots :

<<< Tout le monde sait qu'il y a des louanges qui offensent, et des blâmes qui honorent. »

Ce document, qui appartient désormais à l'histoire, était à peine connu du public qu'un certain nombre de personnages au cœur ulcéré, à la figure sombre, se réunissaient secrétement dans la petite salle de spectacle de Capranica. Les conjurés avaient emprunté à l'amphithéâtre de l'hôpital Saint-Jacques l'acteur qui devait jouer le principal rôle dans le drame qu'ils allaient répéter pour la représentation du lendemain. Cet acteur immobile et glacé, le front livide, les lèvres crispées était déjà en scène, c'était... un cadavre. L'heure, minuit sonnait à l'horloge de monte Citorio, le lieu, ce corps inanimé, debout, appuyé contre une coulisse du théâtre, donnaient à cette assemblée sinistre un caractère qui glaçait d'horreur, et provoquait le frisson de l'effroi : n'importe surmontant un premier mouvemement de terreur, ces hommes liés par un serment terrible se partagèrent les rôles; alors l'un d'eux, à la taille élevée,

au bras nerveux, à la main sûre, le menton encadré par une barbe rouge, saisissant un poignard, s'approcha de la coulisse, et de sa main gauche découvrant dans le col du cadavre la veine qui rend la blessure mortelle, il frappa sans trembler. Le coup avait porté juste, un éclair de joie féroce passa dans les yeux des conjurés. Le succès du drame qu'ils venaient de répéter était infaillible; ils partirent en se donnant rendez-vous pour le lendemain au palais de la Chancellerie.

CHAPITRE IX.

Préparatifs pour l'ouverture des Chambres.

Nombreux avertisse

ments. Imprudence et courage du ministre Rossi.-Énergique résolution. La cause du pape est la cause de Dieu.

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- Assassinat de Rossi.Scènes atroces.- Détails. Discours que le ministre devait prononcer. -Portrait de Rossi.

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Pendant que cette horrible scène se passait au théâtre Capranica et qu'un fer homicide frappait son effigie, Rossi, présidant le conseil des ministres, rendait compte à ses collègues des mesures qu'il avait prises pour la tranquillité du lendemain, jour de l'ouverture des Chambres. En contradiction avec la majorité du cabinet il désirait confier la garde du palais de la Chancellerie aux carabiniers plus sûrs, disait-il, que la garde civique composée d'éléments en partie hostiles. Persistant dans cette opinion il envoya chercher à minuit par son cocher, Joseph Decque, le colonel de ce corps. qui répondant aussitôt à son appel se rangea de son avis. Cependant l'opinion contraire de ses

collègues prévalut et l'on décida que la garde civique ferait le service du palais. Tout ce que Rossi put obtenir fut qu'un piquet d'élite occuperait la cour de la Chancellerie et formerait la haie sur son passage. « Ces précautions ne me sont point personnelles, dit-il en déchirant et foulant au pied avec mépris une lettre qu'il avait reçue dans la soirée et qui contenait des menaces de mort; Dieu sait que je mourrais avec joie pour la cause que nous défendons, mais il importe dans l'intérêt de cette cause que l'ouverture de la Chambre s'opère avec calme et dignité. » Il était près d'une heure; alors levant la séance il se retira dans son appartement pour mettre la dernière main à son discours qui devait, disait-il, s'il était prononcé, rallier à la cause du pape les opinions les plus contraires. A six heures son valet de chambre le réveilla, il se fit apporter une tasse de café qu'il but dans son lit, ensuite il se leva et se remit au travail.

A sept heures ses deux fils entrèrent dans sa chambre et lui demandèrent des billets pour assister à la séance. « Je n'en ai point, répondit leur père. -« Comment se peut-il qu'un premier ministre n'ait point de billets? répliqua son fils aîné, nous nous en passerons et nous trouverons bien le moyen de pénétrer dans la Chambre.

-

« Je vous le défends,» s'écria Rossi avec humeur.

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terez auprès de votre mère. »

Un instant après il reçut un billet cacheté aux armes de la duchesse de Rignano; il renfermait un nouvel avertissement. « Mon cher comte, lui mandait la duchesse, le plus grand danger que vous ayez jamais couru vous menace, ne sortez pas, car vous serez assassiné. Si vous ne pouvez vous dispenser de paraître à la séance d'ouverture, prenez les plus grandes précautions, il y va de votre existence. »> Le ministre prenant la plume répondit aussitôt à la duchesse: << Ma chère duchesse, je vous suis très-reconnaissant de l'intérêt que vous me témoignez, vos craintes me semblent exagérées; dans tous les cas, j'ai pris mes précautions, rassurezvous donc sur mon compte, et surtout sur celui de votre mari.

« Tout à vous,

« COMTE ROSSI. >> A neuf heures, on lui annonça la visite du banquier Righetti, que le Saint Père, sur sa demande, avait nommé sous-secrétaire d'État au ministère des finances. Le calme régnait sur le front du ministre, la joie brillait dans ses yeux; comme toutes les natures fortes il jouissait à l'idée de la lutte; aussi ce fut avec un air de triomphe qu'il montra

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