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n'exprime qu'un fait secondaire; et qu'une doctrine qui en fait son principe ne saurait embrasser la généralité des faits. Nous seuls avons entrepris de remonter à la cause de la déviation de la médecine, et de ramener cette science à ses véritables principes, en substituant à l'irritabilité la force vitale, et à l'irritation la réaction organique.

Les propositions que nous avons émises sur la force vitale médicatrice, sur la maladie en général, sur la fièvre et l'inflammation en particulier, ont déjà montré aux lecteurs habituels de la Revue, comment tous les faits de la science se coordonnent dans notre doctrine. La maladie, acte vital, n'étant plus confondue avec les dégénérations organiques, qui n'en sont que les résultats éventuels et les conséquences, le diagnòstic anatotomique ne peut plus être substitué au diagnostic thérapeutique ou médical ; et dès lors, on voit d'un côté l'anatomie pathologique circonscrite dans son légitime domaine, et, de l'autre, on découvre un immense horizon, où toutes les maladies apparaissent avec les phénomènes vitaux qui les caractérisent: il n'est plus nécessaire d'attendre l'ouverture du corps pour caractériser une maladie, et pour en déduire les indications curatives.

S'agit-il, par exemple, d'établir le caractère d'une fièvre, ce n'est pas toujours, de bien s'en faut, sur les affections locales qui ont pu la précéder, l'accompagner ou la suivre que nous fondons ce caractère ; car souvent les affections locales n'ont qu'une très faible part dans la maladie : c'est, tantôt sur la nature de la réaction, suivant que tel organe ou tel appareil organique en est l'agent principal (fièvre inflammatoire, nerveuse, bilieuse, muqueuse, etc.); tantôt sur la

cause, ou sur quelque circonstance qui peut rappeler, mieux qu'aucune autre, l'idée de la maladie et de la médication qui lui convient (fièvre miasmatique, nosocomiale, putride, vermineuse, etc. ); quelquefois sur la marche et la tendance de la fièvre, en tant qu'elles se rapportent à une médication spéciale (fièvre maligne, ataxique, pernicieuse, etc.); d'autres fois sur la prédominance d'un ou plusieurs symptômes, qui rapprochent cette fièvre de quelque autre dont le caractère est bien déterminé, ou dont le type a été donné par certaines épidémies (fièvre algide, comateuse, ardente, cholérique, pétéchiale, miliaire, typhoïde même, malgré l'étrange abus qu'on a fait de ce dernier nom dans l'école anatomique ), etc., etc.

Quelles que soient au reste les circonstances qui nous servent à caractériser et à dénommer une fièvre, nous ne sommes pas moins attentifs, durant son cours, à surveiller tous les organes et toutes les cavités splanchniques, afin de reconnaître, et d'apprécier d'après les lumières de l'anatomie pathologique, toutes les affections locales, soit préexistantes, soit concomitantes, soit consécutives ; et c'est en cela surtout que nous avons un grand avantage sur les anciens.

Mais, dans la dénomination des affections locales, nous n'adoptons point l'hypothèse étiologique banale de l'anatomisme, Ainsi, l'inflammation est pour nous un acte vital, un certain degré de réaction locale, et non pas une altération physique ou cadavérique. Ainsi, des exhalations cu des sécrétions accidentelles, reliquats ou produits de l'inflammation, ne sont pas l'inflammation. Ainsi, toutes. ces maladies chroniques, dont les noms sont terminés en ites dans le langage de l'école anatomique, ne sont pas

pour cela des inflammations, bien que l'inflammation ait pu exister au début de ces maladies, et qu'elle puisse se montrer passagèrement dans leurs diverses périodes; car. l'inflammation peut avoir une certaine part dans toutes les maladies, quoiqu'elle n'en constitue essentiellement aucune.

lors

Lés altérations ou les dégénérations de texture, qu'il en existe, et qu'elles sont accessibles à nos moyens d'exploration, nous servent à caractériser et à dénommer les maladies chroniques. Ou bien, à défaut de ces altérations ou dégénérations de texture, nous caractérisons et dénommons ces maladies d'après les phénomènes vitaux les plus saillans qui se présentent à notre observation.

C'est ainsi que nous travaillons à agrandir le champ de la science, en élevant le point de vue d'observation; c'est par ce large système de dénomination des maladies, que nous renouons la chaîne des traditions, et que nous rouvrons à la jeunesse les livres anciens qui lui étaient complètement fermés par les dernières théories: ne négligeant point cependant, ainsi que nous l'avons dit bien des fois, de mettre à profit tous les travaux de nos contemporains, toutes les découvertes, tous les faits anatomiques, physiques et chimiques, mais subordonnant toujours ces derniers faits à l'observation des lois de la vie, seul fondement réel de la science de l'homme et de l'art médical.

Telle est, suivant nous', la voie du progrès de la médecine pratique. C'est dans cette voie que la Revue médicale a marché, et qu'elle veut marcher encore, forte de l'assentiment et des suffrages de tous les hommes de sens et d'expérience qui ont suivi les progrès de la science sans prendre d'engagement avec les

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systèmes; et c'est pour marquer invariablement sa ligne, qu'elle ajoute à son ancien titre celui de Journal des Progrès de la médecine Hippocratique. Est-ce à dire, comme on n'a pas eu honte de l'insinuer quelque part, que nous veuillions faire rétrograder la science jusqu'au temps d'Hippocrate? Non sans doute, et aucun lecteur de bonne foi ne saurait s'y méprendre; mais en nous plaçant au point de vue philosophique de ce grand homme, nous nous faisons honneur d'inscrire son nom sur notre bannière, et voilà tout: nous disons, en médecine, doctrine hippocratique, de même qu'on dit, en physique, méthode newtonienne, sans prétendre pour cela que les progrès de la science doivent s'arrêter à Newton. A vous, maintenant, disciples émancipés du défunt physiologisme, qui ne savez encore où vous poser, et qui pourtant faites sonner bien plus haut que nous ce grand mot de progrès, puisque, suivant votre Prospectus, vous en faites tout ensemble un symbole, un drapeau et un mot d'ordre! Dites-nous donc à votre tour comment vous comprenez le progrès de la médecine: montrez-nous la ligne que vous avez suivie, et le chemin que vous avez fait depuis votre entrée dans la carrière. Mais, de grâce, expliquez-vous nettement cette fois. Ne cherchez plus à amuser le tapis en nous jetant au hasard les mots de solidisme, d'humorisme, voire même de superstition et de fanatisme; car vous savez bien, en conscience, qu'il n'est nullement question de tout cela. Dispensez-vous de nous apprendre que la source du progrès est la grande méthode expérimentale HARDIMENT ET LARGEMENT appliquée à la médecine; car tout le monde est d'accord sur la nécessité d'appliquer la méthode expérimentale on ne dispute

que sur le comment de cette application; et ce n'est pas avec deux grands adverbes prétentieux que vous pouvez éclairer beaucoup la controverse. N'espérez pas non plus vous tirer d'affaire en disant que, pour distinguer les bons des mauvais systèmes, les fausses doctrines des vraies..... il faut étre compétent et connaisseur; car on ne manquera pas de demander si vous êtes vous-mêmes compétens et connaisseurs, surtout lorsqu'on vous verra comparer sérieusement les doctrines, en général, aux productions des arts et de l'industrie. Si vous ajoutez que la distinction entre les bonis et les mauvais systèmes est une affaire de simple bon sens, quand on veut commencer par se donner la peine de vérifier les faits, et d'examiner les procédés intellectuels employés à les systématiser ou à les mettre en œuvre, nous ne voyons encore dans tout cela que des lieux communs, qui déguisent mal le vide de la pensée, et qui ressemblent par trop à des mystifications.

«

Nous sommes donc obligés de vous dire et de vous répéter sans cesse à la question, ou plutôt à l'œuvre! Puisque vous reconnaissez aujourd'hui, de concert avec votre ci-devant maître, « que toutes les maladies n'é«tant pas comprises, et, en quelque sorte, inscrites « dans le cercle de l'irritation, un système général de pathologie ne saurait avoir pour base exclusive le « mode morbide que représente cette expression > >> (ce qui signifie, en bon français, que l'irritabilité n'est pas, comme on vous l'avait enseigné, l'expression la plus générale de la vie ), dites-nous donc, sans détour, quelle est l'expression que vous mettez à sa place; car il vous en faut une, et jusqu'à ce que vous l'ayez trouvée, vous êtes condamnés à n'avoir point de doctrine médicale. Si la crainte de paraître rétrograder, si quel

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