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souveraineté divise ou indivise d'un territoire étranger (condominium): à ce titre, par exemple, la Prusse et la principauté de Lippe possédaient en commun la ville de Lippstadt.' - Autrefois on admettait encore, surtout en Allemagne, une distinction entre les territoires clos et non clos (territ. clausa, non clausa), selon que la souveraineté était exercée par un pouvoir central et unique, ou qu'elle rencontrait des interruptions fréquentes dans les exemptions et les priviléges locaux. Les révolutions du commencement de notre siècle et l'acte de la Confédération rhénane (art. 34) ont mis fin à cet état de choses, qui d'ailleurs existait plutôt en théorie que dans la pratique."

Les limites territoriales de tous les États actuels reposent sur une base essentiellement artificielle. Jusqu'à ce jour la science politique n'a pas encore réussi à découvrir les limites naturelles des nations. Quelquefois le séjour prolongé d'une race dans une autre contrée et sous un nouveau climat, suffit pour la dénationaliser. Des États intermédiaires se placent naturellement et forment des transitions entre les nations fortement caractérisées de l'Europe: c'est ainsi que la Belgique et la Suisse forment des barrières naturelles entre l'Allemagne et la France, les PaysBas entre l'Allemagne et l'Angleterre. Le génie de Montesquieu a le premier aperçu les rapports profonds qui rattachent les nations aux territoires par elles occupés.

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LIMITES DES TERRITOIRES.*

§ 66. Les limites d'un territoire ou d'un État sont physiques ou intellectuelles. Les limites physiques sont la mer, les hautes montagnes, les terrains incultes ou inoccupés. Les rivières, loin d'être des barrières naturelles, forment au contraire de vraies arM. H. Griebner, s. C. H. Drewer, De jure territorii subordinati. Diss. I et II. Lips. 1727. Merlin, Répert. univ. m. Bar.

1) J. A. Frommann, De condominio territorii. Tüb. 1682. G. J. Wagner, De condominio territorii dissertat. Mogunt. 1719.

2) V. Hildebrand, De territ. clauso et non clauso. Altorf. 1715. Klüber, Oeffentliches Recht des deutschen Bundes. § 277.

3) V. aussi Ideen über das politische Gleichgewicht. Leipz. 1814. chap. IV.

4) V. les ouvrages indiqués par de Kamptz. § 106. Günther II, p. 170.

tères de communication des différentes nations. Lorsque les bords d'un fleuve ont été fixés comme limites, il n'est pas permis de les étendre jusqu'à la moitié du lit, et lorsqu'un fleuve appartient entièrement à un pays, les deux rivages en font incontestablement partie. Cependant plusieurs auteurs ont soutenu la thèse contraire.'

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Les limites artificielles consistent dans des lignes purement conventionnelles, ordinairement faciles à reconnaître par des signes extérieurs placés à certaines distances, tels que palissades, fossés, tonnes, digues. Elles reposent tantôt sur des traités formels, tantôt sur une possession immémoriale et non contestée. Des frontières contestées sont réglées par des commissions spéciales ou par des traités: s'il devient impossible de retrouver les véritables limites, le terrain contesté est partagé ou déclaré neutre, et occupé en commun jusqu'au règlement définitif. C'est le mode adopté, par exemple, à l'égard du district des mines de Moresnet, situé entre la Prusse rhénane et la Belgique. Si un fleuve sépare deux États, l'empire de l'un et de l'autre s'étend jusqu'au milieu du fleuve. Quelquefois le lit dit,, Thalweg" sert de limite, comme le lit du Rhin; ce mode a encore été adopté dans le traité conclu en 1809 entre la Russie et la Suède.* Si un fleuve se détourne entièrement de son cours et se jette dans un territoire voisin, le lit qu'il abandonne reste alors pour limite. Les droits de navigation de l'État exclu du nouveau lit deviennent en ce cas l'objet d'un nouveau règlement. Il en sera de même quant aux lacs situés entre deux territoires: il faudra appliquer également les dispositions du droit civil. Nous traiterons plus loin des limites maritimes d'un territoire (§ 75).

1) V. Günther II, 20. 21.

2) Günther II, 176. 184 suiv. Bielefeld, Institut. polit. II, 6. § 22. 23. 3) Moser, Vers. V, 25. 354. Günther II, 17. 181.

4) Grotius II, 3. 18. II, 20. Schmelzing § 220. 5) Grotius II, 3. 17.

II, 25. 198.

Vattel I, 22. 266. de Martens § 121. Günther
Klüber § 133.

Pufendorf IV, 7. 11. Vattel § 270. Günther

6) Günther II, 55. 203. Des dispositions spéciales règlent le lac de Constance. V. déjà Buder, De dominio maris Suevici. Jen. 1742. Moser, Nachbarl. Staatsr. 440.

ÉTENDUE DU TERRITOIRE.

§ 67. Le territoire, avec tout ce qu'il renferme ou ce qui s'y passe, est soumis à la juridiction de l'État. „Quidquid est in territorio, est etiam de territorio." La vérité de cet axiome ne pouvait être contestée qu'à une époque où la souveraineté territoriale n'était pas encore complètement développée.1 La souveraineté s'arrête aux limites du territoire qu'il ne lui est pas permis de franchir. Elle ne peut donc pas disposer des objets qui se trouvent en dehors de ses limites, lors même qu'ils ne seraient pas occupés. Ainsi l'exploitation d'une mine concédée ne peut jamais s'étendre sur le territoire étranger sans une autorisation spéciale." Tout ce qui se trouve sur les frontières de pays limitrophes leur appartient en commun. L'exterritorialité, les servitudes publiques constituent des exceptions au principe exclusif de la souveraineté territoriale (§ 42, 43 cidessus). Il est certaines choses sans maître, mais qui sont susceptibles d'être possédées à titre particulier. Les bêtes sauvages, par exemple, tant qu'elles errent sur le territoire d'un pays, deviennent sa propriété passagère (dominium transiens) qui cesse dès qu'elles le quittent. Elles ne sont donc pas susceptibles d'une revendication. D'après Grotius, elles sont la propriété commune du genre humain et des États.*

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Ces diverses distinctions ont beaucoup préoccupé les anciens auteurs: aujourd'hui elles ne présentent qu'une importance secondaire. Les législations civiles des différentes nations et les traités publics indiquent les choses qui sont susceptibles d'être possédées à titre particulier, ainsi que les droits de l'État à leur égard.

1) C'est ainsi que Thomase écrivait la thèse ainsi intitulée: De inutilitate brocardici: Quidquid est in territorio est etiam de territorio. 2) Comp. aussi Vattel II, 7. 86 suiv.

3) Ainsi suivant Ch. A. Menius, Dissert. de finib. territ. Lips. 1740. § 20 les arbres plantés sur la frontière appartiennent au territoire du côté duquel se trouvent les bornes indicatives de la frontière.

4) Grotius, De J. B. ac P. II, 3 in fine; II, 4. 14. Pufendorf IV, 6. 4 suiv.

DÉPENDANCES DE L'ÉTAT ET COLONIES.1

§ 68. Sont considérés comme dépendances d'un État les droits réels qu'il possède dans un territoire étranger, tels que des servitudes actives, des immeubles, des droits de suzeraineté et d'usufruit (§ 43 et 64 ci-dessus) qui, par le seul fait de leur acquisition, obtiennent un caractère réel. Sont encore considérés comme dépendances les terres, les districts, les pays expressément annexés, qui, bien que situés hors du territoire principal, étant dépouillés cependant de leur autonomie, sont régis par la même constitution, et qu'une administration commune fait comprendre sous une dénomination générique (§ 20. I). Régulièrement la qualité de dépendance d'un territoire peut être l'effet seulement d'un titre formel. Elle ne résulte pas notamment de cette circonstance qu'à une certaine époque un gouvernement y jouissait de certains droits qui ont cessé par la suite. C'est ainsi que la politique de réunion de Louis XIV, en s'appuyant sur quelques dispositions du traité de Münster de 1648 (XI, 70) prétendait au XVIIe siècle faire revivre des droits depuis longtemps éteints. Le chef d'un État ne transmet aux successeurs du pouvoir que ce qu'il possède en sa qualité de souverain, non pas à titre privé ou patrimonial; lorsque la transmission s'opère en vertu d'un acte de cession, les stipulations de l'acte déterminent les limites des droits souverains transférés. En cas de doutes il faut interpréter ces droits comme étant restés communs entre le cédant et le cessionnaire. Ces doutes se présentent souvent dans l'interprétation des traités de cession, et il est prudent d'éviter à ce sujet des termes trop génériques.

Les colonies fondées par un État dans un territoire étranger ne peuvent pas toujours être considérées comme dépendances de cet État ou comme domaines de son souverain. Quelquefois

1) S. Stryck, De probatione pertinentiarum. Fref. Viadr. 1668. H. Engelbrecht, De reunione pertinentiarum. Helmst. 1715. Günther II, p. 178.

2) Pour l'histoire des colonies chez les anciens voir Hegewisch, Nachrichten die Colonien der Griechen betreffend. Altona 1808. Raoul-Rochette, Histoire critique des colonies etc. Paris 1815. Heeren, Ideen zur Geschichte der Menschheit. L'histoire des colonies modernes est disséminée

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les citoyens d'un pays, en renonçant à leur mère-patrie, sont allés s'établir sur un sol vierge, libre encore de toute autorité souveraine, et y ont fondé, avec leurs propres ressources et avec leurs seuls moyens, de nouveaux États. Telle fut en général la politique coloniale de la Grèce, politique qui permettait aux colonies de se développer avec une entière liberté et d'atteindre la haute prospérité dont jouissaient plusieurs d'entre elles. De nos jours on peut citer à ce sujet l'exemple du Paraguay. Mais le plus souvent la politique moderne n'a vu dans les colonies que des voies commodes pour remplir les caisses du trésor de la métropole, en les soumettant à un régime d'exploitation par des compagnies privilégiées et à une administration conçue dans l'esprit de monopole.'

Les colonies placées sous le gouvernement direct de la métropole en forment une dépendance naturelle. Quelquefois une colonie relève de l'autorité suzeraine du territoire où elle a été fondée, en même temps que les colons conservent les droits de cité dans leur mère-patrie et jouissent de sa protection.2 Dans des contrées dépourvues de toute autorité souveraine, les rapports légaux des colonies peuvent présenter des difficultés sérieuses entre les diverses puissances, comme, par exemple, dans les colonies européennes établies sur les côtes occidentales de l'Afrique. Le maintien seul du status quo permettra, dans ces cas, de prévenir des conflits fréquents.

MODES D'ACQUISITION DU DOMAINE INTERNATIONAL.3

§ 69. Le droit international admet comme modes d'acquisition réguliers les actes et les événements seulement qui, sans violation de droits préexistants, ont pour objet de garantir d'une manière permanente la disposition directe et exclusive de cer

encore dans quelques ouvrages spéciaux. Quelques notices se trouvent chez Moser, Beitr. zum neuesten europäischen Völkerr. V, 398 suiv., et dans l'art. de Roscher, Ueber Colonialwesen, inséré dans Rau, Zeitschrift der politischen Oeconomie. Neue Folge VI, 1.

1) V. Günther II, 132.

2) V. Grotius II, 9, 10 et le comment. de Cocceji; Vattel I, 18, § 210. 3) Ortolan, dans la Revue de législation. Paris 1849. III. p. 5 suiv.

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