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taines choses, et notamment de certains territoires, à un ou à plusieurs États. Ces modes sont la cession, les accroissements naturels et l'occupation.

I. La cession ou succession conventionnelle de droits souverains peut être obtenue par des voies pacifiques ou par la guerre. Elle n'opère la transmission de la propriété à l'égard de tiers, que du moment où l'acquéreur réunit en lui la volonté et la faculté de disposer de la substance physique de la chose d'une manière directe. Jusque-là il ne jouit que d'un droit à la propriété, droit dont l'exercice, pourvu que le titre réunisse les conditions prescrites, ne rencontrera aucune entrave, mais qui n'exclura pas les effets intermédiaires d'une possession tierce. Il faut en conséquence, si l'acquéreur ne se trouve pas déjà saisi, qu'une mise en possession ou tradition s'opère à son profit. C'est cette faculté de disposer librement de la substance de la chose, qui est le signe incontesté de la propriété à l'égard des tiers: les fictions légales et l'exécution forcée sont des remèdes de droit civil, impraticables en matière internationale. Tout au plus la volonté clairement exprimée et rendue publique peut être regardée comme translative de la propriété. Les anciens auteurs, et en partie encore les modernes, sont peu d'accord sur cette question.1

II. Les accroissements et les transformations naturels des objets, la naissance de nouvelles îles dans les limites territoriales ou maritimes d'un État, les alluvions constituent un second mode d'acquisition. Les principes du droit romain, qui répondent si bien à la nature des choses et à l'équité, sont d'une application incontestable dans cette matière et ont été adoptés par toutes les nations. Il est encore incontesté que tout ce qui se trouve en dehors des terres d'alluvion, ne peut s'acquérir que par voie d'occupation. Il y aurait une prétention arbitraire à vouloir revendiquer, au profit d'un territoire, comme ses dépendances, de nouvelles îles qui se sont formées en dehors de ses limites; telle serait celle qui regarderait la Hollande comme une simple alluvion du Rhin. Tant qu'une alluvion peut être ramenée à son

1) V. Günther II, 86. Ortolan, loc. cit. no. 120. 55. (III, 38.)
2) de Cancrin, Wasserr. III, 2. Günther II, 57 — 62.

état primitif, elle ne constitue pas un objet d'acquisition.' Quant aux fruits, le droit international n'admet pas la règle du droit civil que le possesseur fait les fruits siens. Il peut en disposer de fait, il peut s'approprier des fruits industriels, mais il ne peut pas refuser au propriétaire la restitution des fruits naturels.2 III. L'occupation des biens sans maître dont nous allons parler au paragraphe suivant, forme un troisième mode d'acquisition.

Quant à la prescription et à la possession immémoriale, nous avons déjà vu qu'elles peuvent, jusqu'à un certain point, tenir lieu d'un titre d'acquisition valable. On rencontre surtout en Allemagne un grand nombre de droits souverains qui ne reposent sur aucun autre fondement que sur une longue possession (§ 11).

DROIT D'OCCUPATION.

§ 70. Pour occuper valablement, il faut que les biens soient sans maître, et qu'à l'intention d'en acquérir le domaine, vienne se joindre le fait de la prise de possession effective. Examinons chacune de ces trois conditions.

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I. L'occupation ne s'applique qu'aux biens qui, quoique susceptibles d'être possédés, n'ont pas de maître. Elle ne s'étend pas aux personnes qui ne peuvent être l'objet que d'une soumission soit volontaire soit forcée. L'occupation s'applique notamment aux contrées ou aux îles non habitées ou non occupées entièrement, mais aucune puissance sur la terre n'a le droit d'imposer ses lois à des peuples errants ou sauvages mêmes. Ses sujets peuvent chercher à nouer des relations commerciales avec ces derniers, séjourner chez eux en cas de nécessité, leur demander les objets et vivres indispensables, et même négocier avec eux la cession volontaire d'une portion de territoire destinée à être colonisée. La nature, il est vrai, ne défend pas aux nations d'étendre leur empire sur la terre. Mais elle ne donne

1) Wheaton, Intern. Law. I, p. 216. V. aussi § 72, II, a.

2) V. Grotius II, 8, 23 et 10, 4. Pufendorf IV, 7. 23. Comp. cependant § 73 in fine.

3) Grotius II, 9. 1. Ortolan, Du dom. internat. 75 suiv.

pas le droit à une seule d'entre elles d'établir sa domination partout où cela lui convient. La propagande de la civilisation, le développement des intérêts commerciaux et industriels, la mise en activité de valeurs improductives, ne le justifient pas non plus. Tout ce qu'on peut accorder à ce sujet, c'est que, dans un intérêt de conservation du genre humain, il sera permis aux nations de se réunir, pour se faire ouvrir d'un commun accord les ports d'un pays fermé hermétiquement à leur commerce.'

II. Toute occupation suppose une volonté bien arrêtée de s'approprier d'une manière permanente des biens sans maître. Personne ne peut acquérir à son insu et involontairement.

III. La volonté d'appropriation doit être suivie d'une prise de possession effective, et être constatée par des mesures propres à établir une domination permanente. Le domaine ainsi acquis ne se perd pas par une interruption momentanée et transitoire. De simples déclarations verbales au contraire, des signes incertains d'une appropriation projetée, lorsqu'ils sont contredits par les faits et qu'ils rendent l'intention douteuse, ne pourront pas être regardés comme un titre valable, bien que la pratique des nations ait quelquefois autorisé des mesures semblables.2

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On peut d'ailleurs prendre possession au nom d'un tiers, en vertu d'un pouvoir général ou spécial, et le domaine lui sera acquis dès le moment de la prise de possession. On peut également, par une ratification subséquente, valider l'occupation effectuée par un „, negotiorum gestor" et acquérir ainsi la possession ou le domaine dès l'instant de la ratification et après en avoir pris connaissance, en vertu de cet axiome „ignoranti non acquiritur possessio." La prise de possession qui a lieu au nom de plusieurs États les rend copropriétaires par indivis,

1) V. Vattel I, 18, § 205 suiv. Günther II, 9. Wildman, I, 70. Z. 2) Grotius. Vattel I, 18. 207. 208. Günther II, 11. Ortolan no. 68 suiv. Wildman I, 69. Sur la controverse engagée à l'occasion de l'ouvrage de Bynkershoek intitulé: De dominio maris. cap. 1. V. Klüber, Droit des gens. § 126.

3) V. les exemples dans Wheaton, Intern. Law. I, p. 209. Un pouvoir tacite, qui serait donné à tous les sujets d'un État, est inadmissible. II n'y a que l'esclave qui puisse acquérir de plein droit pour son maître. 4) V. de Savigny, Besitz. p. 365.

à moins qu'il n'ait été procédé à une délimitation de leurs portions respectives. Autrefois ce fut le pape qui statuait sur les contestations nées à l'occasion de découvertes de nouvelles terres. Le partage des Indes, opéré par lui entre l'Espagne et le Portugal, en est un exemple célèbre.'

ALIENATION DU DOMAINE INTERNATIONAL.

§ 71. Les modes d'aliénation du domaine public sont en général ceux du droit civil. En dehors de la vente et de l'échange (§ 72), nous distinguons surtout ceux de constitution de rente, de fief et d'hypothèque.

I. La constitution d'une rente perpétuelle au profit d'un État ou d'une personne étrangère, était un mode très-usité autrefois. Le recès de l'Empire germanique de 1803, dont les dispositions à ce sujet ont été reproduites par l'Acte de la Confédération rhénane et par celui de la Confédération germanique, stipule de nombreuses rentes au profit des princes médiatisés et non médiatisés. A défaut de stipulations contraires, elles grèvent la totalité des biens susceptibles de porter des fruits et affectés à leur payement, et elles ne s'éteignent que par la destruction complète de ces biens ou par l'impossibilité d'en tirer des fruits. Si leur perte n'était que partielle, le montant de la rente serait réduit proportionnellement jusqu'à leur rétablissement intégral. C'est ce qu'a déjà décidé une bulle rendue par le pape Pie V en 1569: „Census omnes in futurum creandos re in totum vel pro parte perempta, aut infructuosa in totum vel pro parte effecta, volumus ad ratam perire."

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1) V. les bulles de 1454, 1481 et 1493 dans Du Mont, Corps univ. III, 1, 200. III, 2, 302. Schmauss, Corp. jur. gent. I, 112. 130. Günther II, 7. Walter, Kirchenr. § 342.

2) Une rente ne peut être constituée que sur les fruits d'une chose. V. Multz, De censibus. Altorf 1659. th. 11 et 13. Martini, De jure censuum. Colon. 1660. IV. no. 1. Grusemann, De censu reserv. Rinteln 1705. § 12.

3) Magn. Bullar. Rom. t. II, p. 295. G. Frantzke, Var. resolut. IV, no. 9. Multz I, c. th. 69. Cette règle néanmoins n'est pas admise généralement. V. Censius, S. Rotae Rom. decis. ad tract. de censib. Lugd. 1658. dec. 1. Martini, loc. cit. chap. VIII. no. 224 suiv. Zoll, De censu reserv. Rinteln 1705. § 21.

II. La constitution d'un fief au profit d'étrangers est un second mode de transmission.' La validité de cet engagement et ses effets légaux sont jugés d'après les lois particulières de chaque État, excepté les fiefs situés dans un territoire étranger (feuda extra curtem) lesquels sont régis par les lois et les usages de ce dernier.2

III. Enfin le territoire d'un État peut, en entier ou en partie, être engagé, hypothéqué, ou donné en nantissement à un créancier, avec le droit de juridiction souveraine. Des engagements semblables très-usités autrefois, sont devenus très-rares aujourd'hui. La Corse engagée, du moins en apparence, en 1768 à la France par la république de Gênes, la ville de Wismar hypothéquée en 1803 encore par la Suède au duché de Mecklembourg, en sont des exemples récents. Mais en général les usages internationaux ont remplacé ces sortes d'engagements par l'affectation spéciale de certains biens ou revenus au payement des emprunts contractés par l'État, affectation qui, pour être efficace, doit être faite conformément aux lois de cet État. Le langage diplomatique comprend même sous la dénomination de dettes hypothéquées" celles contractées au profit d'un pays ou de certains districts, et il n'entend par là que l'engagement permanent qui les grève, sans y attacher aucunement la signification d'une hypothèque civile."

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La question de savoir si un souverain peut, pour la garantie des emprunts par lui contractés, engager valablement les

1) Günther II, 152. 159.

2) Griebner, De domino directo in territorio alieno. (Jenichen, Thes. juris feud. II, 206.) de Cramer, Observ. juris univ. 741, § 14. Du Moulin, sur la coutume de Paris. § 12. no. 4 et sur Chassaneul, De feudis. III, § 7. Cujac. lib. I. feud. cap. 2.

3) J. P. O. V, 26. 27. de Senkenberg, De reluitione territ. oppignor. Halae 1740. N. H. Gundling, De jure oppignorati territorii. Halae 1706. rec. 1741. de Neumann in Wolffsfeld, Jus reale principum. (t. IV.) III, 3, 400 seq.

4) de Martens, Recueil. VIII, 1. 229; VIII, 54.

5) D. Haas, Ueber das Repartitions-Princip der Staatsschulden. Bonn 1831. § 24 suiv. Pour ce qui est du § 80 du recès de l'Empire germanique de 1803, voy. Leonhardi, Austrägalverfahren. II, 161. 314. 405; I, p. 640. Emminghaus, Corp. jur. germ. acad. p. 930.

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