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I. Les représentants ou détenteurs actuels du pouvoir souverain, même usurpé (§ 49), possèdent seuls la capacité nécessaire pour conclure des traités proprement dits (§ 82, I), pourvu que, dans leurs relations extérieures, des liens de dépendance1 ni les termes incontestés de la constitution de l'État n'y apportent d'entraves. Le prince légitime au contraire, dépouillé du pouvoir souverain, ne peut valablement contracter pour l'État qu'après avoir recouvré le pouvoir. Le souverain peut disposer aussi des droits de ses sujets, à moins que leur inviolabilité ne soit sauvegardée par la constitution particulière de l'État ou par les principes de la morale, tels que ceux qui ont pour objet la garantie de la liberté de conscience. Le droit public interne trace les limites des sacrifices personnels et réels que l'État peut imposer à ses sujets moyennant ou sans indemnité.

II. Les souverains ont la faculté exclusive de traiter de leurs droits propres et individuels, sans que toutefois ils puissent disposer des droits particuliers de leurs familles, à moins d'y être autorisés par les statuts de famille. Les actes du souverain ne doivent donc pas préjudicier aux droits des membres de sa maison, hors les cas d'une nécessité urgente, où ils doivent, dans les conventions publiques, être sacrifiés à la raison d'État, comme ceux des autres sujets. Telle est du moins la règle incontestée de la constitution de famille des maisons souveraines d'Allemagne.5

En ce qui concerne les particuliers intéressés dans un traité public, on doit leur appliquer les dispositions des lois du domicile d'origine.

1) V. § 19 ci-dessus. Wheaton, Intern. Law. III, 2. 1.

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2) Incontestés." Dans les relations internationales en effet, la possession seule peut être prise en considération. V. § 12. 23 et 49 ci-dessus. Sur les restrictions de la constitution anglaise et de celle des États-Unis, v. Wheaton, loc. cit. § 5. 6. D'autres constitutions modernes contiennent aussi des restrictions analogues, mais la présomption milite en faveur du Chef de l'État; cependant il ne peut pas seul sacrifier la constitution même. 3) Grotius III, 20. 7. de Neumann § 86. 159. 467.

4) V. Vattel § 161.

5) Moser, Familienstaatsr. 910. 1065. Henr. Hersemeyer, De pact. gentilit. Mog. 1781. p. 109.

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Des mandataires munis de pouvoirs suffisants, peuvent seuls traiter au nom des personnes ci-dessus dénommées. Tout ce qu'un mandataire qui a dépassé ses pouvoirs, ou un „negotiorum gestor" aura fait, ne deviendra valable que par une ratification subséquente. Cela s'applique notamment à ce qu'on appelait autrefois, sponsio" ou accord conclu par le sujet d'un État avec un gouvernement étranger, sans autorisation du sien.' Aucune obligation n'en résulte ni pour le gouvernement non dûment représenté, ni pour celui qui a traité ainsi, à moins qu'il n'ait promis de le faire ratifier ou exécuter: en ce cas il est tenu à des dommages-intérêts. Le gouvernement représenté ainsi d'une manière irrégulière, doit en outre, en temps de paix, restituer des avantages qu'il a retirés de la convention. En temps de guerre il se dirigera d'après les lois de l'honneur et de la politique. Un mandat tacite ne peut être que le résultat de certaines fonctions conférées par l'État et ayant pour objet une mission à accomplir auprès d'une puissance étrangère, avec une certaine latitude d'appréciation. Tout ce qui dépasse les instructions données, a besoin d'une ratification ultérieure, à défaut de laquelle il deviendrait caduc. C'est notamment lors de l'examen du droit de guerre, que nous rencontrerons quelques applications de ce principe.

3. Consentement libre.

§ 85. La liberté du consentement, ainsi que l'absence des circonstances qui l'empêchent, sont une troisième condition essentielle de la validité des traités publics. L'erreur, la fraude et la violence produisent à leur égard les mêmes effets que dans les contrats privés. On ne doit cependant pas regarder comme véritable empêchement toute espèce de pression qui influe sur la liberté de la résolution. Il faut au contraire que la violence soit de nature à ébranler un caractère fort et énergique,

1) Les nombreux ouvrages qui ont traité cette matière ont été indiqués par Ompteda II, p. 585 et de Kamptz, N. Lit. § 244. Vattel, L. II, § 209 suiv., s'est le plus rapproché de la vérité sur ce point.

2) Grotius II, 15, 3 et 16 trompé par l'usage connu sous le nom de ,deditio,“ soutient que celui qui avait traité était personnellement tenu.

ce qui aura lieu chaque fois que l'existence physique ou morale sera menacée, au point que la nécessité de la conservation commande la soumission, alors surtout qu'un devoir supérieur ne fait pas taire ce sentiment. Un danger semblable se produit pour un État, lorsque son existence ou son indépendance est mise en question: pour un Souverain ou ses représentants of ficiels, lorsque leur vie, leur santé, leur honneur ou leur liberté sont sérieusement menacés, alors surtout que l'agresseur a assez de puissance pour mettre ses menaces à exécution. Le traité néanmoins qui a pour but de faire cesser un état de contrainte ou de violence légale, n'est entaché d'aucun vice, celui par exemple qui est destiné à faire cesser une captivité ou l'évacuation d'un pays conquis.'

SOURCES DES TRAITÉS.

§ 86. Toutes les conventions, et les internationales aussi, supposent en premier lieu l'accord des volontés à la suite d'une promesse et d'une acceptation, après qu'il a été clairement expliqué ce que chacune des parties est tenue d'exécuter ou est en droit d'exiger. De simples pollicitations, non suivies d'acceptation, ne confèrent aucun droit, lors même qu'il y a eu un commencement d'exécution, à moins qu'il n'implique une acceptation: la sanction d'une promesse religieuse (votum) ou le serment ne pourra pas non plus suppléer au défaut d'acceptation." Un traité n'a pas d'existence légale tant que continuent les négociations ou les arrangements préliminaires, alors même qu'on serait tombé d'accord sur certains points destinés à figurer dans la convention définitive, à moins qu'il n'ait été convenu qu'on se regarderait mutuellement engagé par les points déjà arrêtés. Cela s'applique notamment à ce qu'on appelle ", pacta de contrahendo" qui contiennent tout ce qui concerne l'affaire, sauf seulement la rédaction complète et formelle.3

1) Ces questions sont traitées dans les ouvrages cités par de Kamptz § 249; voir aussi Pufendorf III, 6. de Neumann § 192 suiv. Schmelzing § 382. 2) Cocceji, Comment. sur Grotius II, 11. 3.

3) Il serait difficile de formuler cette règle d'une manière plus précise. V. aussi Cocceji ibid. II, 11, § 1, p. 600 suiv.

En aucun cas, le simple acquiescement d'une partie à des actes faits par une autre, n'équivaut à un consentement contractuel. Tout au plus constate-t-il la disposition, mais nullement l'intention bien arrêtée d'une renonciation à des droits au profit d'autrui. Les conventions dites présumées ne constatent pas non plus d'une manière régulière et sûre l'unité des volontés (§ 11 ci-dessus): souvent, il est vrai, dans les rapports internationaux, une partie procède d'après certaines règles de conduite dans la prévision unique de les faire agréer par l'autre. Si celui-ci les adopte, il se forme une convention présumée, fondée fréquemment sur les usages du cérémonial public des États, sans qu'il en résulte aucun engagement permanent pour les parties. De ces conventions diffèrent les conventions tacites ou les clauses. qui découlent implicitement, comme conditions ou comme conséquences nécessaires d'un traité; il faut en dire autant des circonstances sur lesquelles on a gardé le silence lorsqu'il fallait s'expliquer là-dessus. Nous en reparlerons plus loin.2

FORME SUBSTANTIELLE.

§ 87. Aucune forme précise n'est prescrite pour la constatation de la volonté dans les traités internationaux. Ils existent dès le moment que l'une des parties s'est engagée à faire quelque chose avec l'intention de se regarder comme liée par l'acceptation de l'autre, et que cette acceptation est suffisamment constatée."

1) V. de Leonhardi, Austrägalrecht. II, 449.

2) V. sur ces distinctions Ad. Fr. Reinhard, Sammlung jurist. philos. und crit. Aufsätze. 1775. I, 5, n. 1, p. 307. Klüber, Droit des gens. § 3. de Neumann § 52.

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3) Il faut remarquer à ce sujet ce que le jurisconsulte romain Gaius déjà enseignait dans ses Commentaires III, § 94: „Dicitur uno casu hoc verbo (Spondesne? Spondeo) peregrinum quoque obligari posse, velut si Imperator noster Principem alicujus peregrini populi de pace ita interroget: Pacem futuram spondes? vel ipse eodem modo interrogetur: quod nimium subtiliter dictum est"; quia si quid adversus pactionem fiat, non ex stipulatu agitur, sed jure belli vindicatur." Ainsi liberté complète de la forme. Cependant trois formes étaient usitées dans le droit public des Romains, savoir de simples pactiones, sponsiones et foedera solennels. Tite-Live 34, 57. Cic. pro Balbo 12, pro Rabir. 16. Sigonius de antiquit. juris. Hal. p. 465 suiv.

La prudence, il est vrai, et l'usage conseillent la rédaction par écrit, laquelle notamment est une conséquence naturelle des traités conclus par procuration. Mais de ce que les parties auront adopté une autre forme de rédaction, il ne résultera aucune nullité du traité.'

Lorsqu'un traité a été conclu par mandataires, il est d'usage aujourd'hui entre les États souverains d'en regarder la ratification et l'échange comme un complément nécessaire pour sa validité, lors même que la ratification n'a pas été expressément réservée. Elle constate que le mandataire n'a pas dépassé les limites de son mandat, constatation à laquelle aucun juge ne peut suppléer. Elle suspend l'exécution du traité conclu, et elle lui donne, dès qu'elle est intervenue, une force rétroactive, sauf une stipulation contraire. Elle ne peut à la vérité être refusée moralement, si le traité conclu est conforme aux termes des pouvoirs présentés à la partie co-contractante. Mais lors même qu'il a été ratifié, l'usage n'autorise pas l'emploi de la force pour contraindre la partie qui refuse l'exécution du traité. Le

3

1) Neyron, De vi foederum inter gentes. Goett. 1788. § 23, et Schmalz, Europ. Völkerr. p. 52 suiv., soutiennent que les traités, pour être obligatoires, doivent être rédigés par écrit. Mais pourquoi l'engagement sérieux, après avoir été accepté, et lorsqu'il peut être prouvé, serait-il moins obligatoire, quand même il n'eût pas été rédigé par écrit? C'est ce qu'admettent Martens, Europ. Völkerr. § 45. Schmelzing § 377. Klüber § 141: 143, ainsi que de Neumann § 226. 238. Peu importe d'ailleurs que le traité soit compris dans un instrument ou dans des explications réciproques: c'est ainsi qu'ont été conclus les concordats entre le Saint-Siége et les puissances non catholiques; il suffit que l'intention de s'obliger mutuellement soit établie. L'une des parties peut s'engager par écrit et l'autre l'accepter par des actes ou par des signes incontestables. V. Martens, à l'endroit cité, et Vattel § 234. Wheaton III, 2. 3.

2) Cet usage est très-ancien. On trouve l'exemple de la ratification d'un traité intervenu entre Justinien et Chosroës dans Barbeyrac, Suppl. au Corps univ. de Du Mont. II, p. 197. Les anciens auteurs sur cette matière sont cités par de Kamptz § 249; Klüber, Droit des gens. § 142. La dissertation la plus récente est celle de Wurm, Vierteljahrsschrift. 1845. I, p.168. Sur une ratification conditionnelle, v. Martens, N. Rec. gen. XII, p. 391. 3) de Neumann § 213. Klüber, loc. cit. note e. Martens § 42. 4) C'est ce qui est confirmé par d'anciens et de nouveaux exemples. Tel est aussi l'avis des auteurs les plus distingués. Vattel II, 12. 156.

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