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LIVRE DEUXIÈME.

DROIT INTERNATIONAL PENDANT LA GUERRE.

Chapitre Ier.

DES CONTESTATIONS INTERNATIONALES ET DES MOYENS DE LES VIDER.

LEURS CAUSES.

§ 105. Les contestations naissent en général entre les nations des prétentions hostiles dont la solution n'est pas de la compétence des tribunaux ordinaires ou éprouve des difficultés suscitées arbitrairement par les parties en litige. Elles ont tantôt pour objet des réclamations réciproques de souverains, tantôt des prétentions formées par des particuliers contre un gouvernement ou contre des sujets étrangers. A cet effet l'État, défenseur des intérêts violés de ses sujets qu'il représente naturellement, doit en poursuivre la réparation auprès du gouvernement intéressé. Mais s'il peut intervenir ainsi en faveur de ses regnicoles, il ne jouit pas d'une faculté semblable à l'égard des sujets étrangers. Il ne pourra intervenir régulièrement en leur faveur que dans les cas indiqués aux §§ 45 et suiv.

DIFFÉRENTS MODES DONT PEUVENT ÊTRE TERMINÉES
LES CONTESTATIONS.

§ 106. Les contestations internationales sont privées en général de toute autre garantie que celle que donnent la force de la vérité et la puissance matérielle des parties en litige. Elles n'ont d'autre „forum" que la bonne foi et l'opinion publique. C'est donc aux parties elles-mêmes à s'entendre sur le mode le plus convenable pour le règlement de leurs différends,

et si elles n'y réussissent pas, à aviser aux moyens les plus propres pour soutenir ou pour faire triompher leurs prétentions respectives. Le dernier ou le moyen extrême, propre à sauvegarder des droits méconnus ou violés, c'est la force et la légitime défense. Tantôt d'un caractère purement passif, elle cherchera à repousser l'agression; tantôt, agressive à son tour, elle s'efforcera d'obtenir la réparation refusée. Dans le premier cas elle se contentera de repousser l'attaque et d'en empêcher le retour, dans le second elle ne déposera les armes qu'après avoir obtenu une pleine satisfaction. Pour atteindre ses fins plus sûrement, il lui est permis de détruire l'ennemi; mais c'est une extrémité qu'il ne faut jamais regarder comme le but direct de la guerre. Elle doit s'appuyer en même temps sur des causes légitimes, et, sous aucun prétexte, elle ne pourra dépasser son but. Autrement la défense cesse d'être juste et légitime, lorsque surtout, au lieu de formuler ses griefs et de les justifier, elle recourt immédiatement à l'emploi de la force, sans qu'il existe aucun péril imminent. Car c'est la nécessité seule qui est

son excuse.

TENTATIVES AMIABLES.

§ 107. Comme des moyens propres à convaincre la partie adverse de ses torts et à l'amener à la conciliation, auxquels il faut recourir dès qu'il n'existe aucun danger imminent, on regarde les modes suivants:

premièrement, des négociations diplomatiques entamées avec la partie adverse ou avec une puissance tierce qui peut réussir à faire entendre sa voix médiatrice dans le litige. A cet effet les pièces et les titres de nature à éclaircir les débats, lui seront communiqués ; secondement, un appel directement fait à l'opinion publique, à laquelle sont livrés les documents et les pièces justificatives qui concernent le litige, après que les négociations n'ont abouti à aucun résultat satisfaisant et qu'elles ont été rompues;

1) V. l'article de Wurm dans le Staats-Lexicon, t. XII, p. 111 suiv.

troisièmement, l'acceptation des bons offices d'une tierce puissance intervenante.

Cette dernière espèce est plus étendue que les deux autres. Car l'intervention d'une puissance médiatrice fait de plein droit suspendre les hostilités, tant que ses fonctions ne sont pas terminées. De simples offices d'amitié au contraire n'ont qu'une importance purement morale.

Lorsque les droits d'une partie ne sont nullement menacés d'une manière sérieuse, une protestation ou de simples réserves suffiront pour garantir contre toute fausse interprétation ses actes ou le silence gardé par elle, pourvu qu'ils ne soient pas en opposition avec la situation réelle des choses ou avec les propres actes de la partie (protestatio facto contraria).

MOYENS D'ENTENTE PARTICULIERS SUR CERTAINS POINTS
LITIGIEUX.

§ 108. Lorsque certains rapports, quoique établis d'une manière générale, ont cependant besoin d'être fixés d'une manière définitive, comme par exemple, lorsqu'il s'agit de la délimitation des terres restées dans l'indivision, il faudra, dès que les parties ne peuvent se mettre d'accord sur leur partage, recourir à la voie impartiale du sort ou de l'arbitrage. Le sort surtout se prête parfaitement à certaines éventualités, soit que, par la division de l'objet litigieux, il en attribue leur part aux divers intéressés, soit qu'à un état de choses incertain et contesté il fasse succéder une situation définitive ou seulement temporaire. Souvent on l'a employé pour mettre un terme aux contestations nées du partage des souverainetés ou des questions de préséance. Tout ici dépend naturellement des conventions des parties. Même le duel, qui n'est autre chose que le sort des armes, a été quelquefois proposé, mais rarement accepté à ce titre, et sans que par là on ait réussi toujours à terminer le litige. Rien

1) V. Ch. Fr. de Moser, dans: Schott, Jurist. Wochenblatt. Jahrg. III, p. 615 suiv.

2) V. des exemples empruntés à l'histoire ancienne dans Pet. Müller, De duellis principum. Jenae 1702. Ward, Enquiry. II, p. 216 suiv. On se rappelle le cartel que le roi Gustave IV de Suède envoya à l'empereur

en effet ne peut le justifier. C'est la soumission à un arbitrage qui restera toujours la voie la plus équitable, quoiqu'elle ne réussisse pas toujours à mettre un terme aux contestations internationales.

COMPROMIS.1

§ 109. Les contestations entre deux États peuvent être soumises à la décision d'une tierce puissance par un compromis régulièrement intervenu entre les parties intéressées, d'après les règles des conventions publiques. Le compromis a tantôt pour objet l'exécution d'une mesure antérieurement arrêtée entre les parties (arbitratio), telle qu'une délimitation ou partage d'après certaines règles proportionnelles; tantôt il a pour but la décision d'une affaire au fond suivant les principes de l'équité et de la justice. L'acte de compromis énonce le mode dont il sera procédé, mais il ne contient pas nécessairement une clause pénale en cas de non-exécution.

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Les arbitres choisis sont ou des personnes privées, mode autrefois d'une application très - fréquente, ou des souverains." Celles-là ne peuvent pas régulièrement se faire représenter dans l'exercice de leurs fonctions, tandis que ces derniers délèguent ordinairement l'examen de l'affaire à des juges spéciaux ou à leurs conseils privés, en sorte qu'ils n'interviennent d'une manière directe que pour prononcer la sentence définitive.*

Napoléon I. Il est inutile d'examiner ce moyen au point de vue légal: il ne mérite d'ailleurs aucune confiance, puisqu'il peut se prononcer en faveur de la partie coupable. Sur le duel proposé par François I à Charles-Quint en 1528 v. Vehse, Geschichte des österreichischen Hofes. 1852. I, p. 168 suiv.

1) V. en général Abr. Gerh. Sam. Haldimund, De modo componendi controversias inter aequales et potissimum de arbitris compromissariis. Lugd. Bat. 1738. Welcker, Staats- Lexicon. t. XI, p. 778.

2) Les auteurs du droit de procédure civile établissent une distinction entre le cas mentionné ci-dessus et celui d'arbitrage proprement dit, distinction qu'ils regardent comme étant fondée sur la nature des choses. V. de Neumann, Jus principum privat. t. VIII, § 1 et suiv.

3) Hellfeld dans Struv., Jurispr. heroica. chap. I, § 21 suiv. 77. de Neumann, loc. cit. chap. 12 et 13.

4) de Neumann, loc. cit. t. VIII, § 18.

Lorsque plusieurs arbitres ont été nommés, sans que leurs fonctions respectives aient été déterminées d'avance, ils ne peuvent, suivant l'intention présumée des parties, procéder séparément. En cas de désaccord entre eux, l'avis de la majorité doit prévaloir, conformément aux principes de la procédure ordinaire. Si les voix venaient à se partager ou à offrir une divergence absolue de vues, il faudrait, pour vider la difficulté, faire intervenir les parties. Le droit romain à la vérité autorisait les arbitres élus à nommer un tiers arbitre: mais cette disposition positive purement civile n'a pas été admise d'une manière générale dans les codes modernes.2

Lorsque le mode de procéder n'a pas été déterminé d'avance, les arbitres ont la faculté de fixer un délai pendant lequel les parties seront tenues de produire leurs moyens et leurs défenses respectifs. Après que cette production a eu lieu, ils peuvent procéder à la prononciation de la sentence.3

Néanmoins l'arbitre ne dispose d'aucun moyen pour contraindre les parties à l'exécution de la sentence par lui rendue. Le compromis finit par de nouveaux engagements intervenus entre les parties en litige, par l'expiration du délai stipulé, par le décès ou l'empêchement de l'arbitre, enfin par la sentence même, qui a, entre les parties, l'autorité d'une transaction régulière. Sous ce rapport les dispositions du droit romain, relatives à la validité des sentences arbitrales, conçues dans un esprit trop étroit, ont fait place aux règles plus larges du droit moderne. C'est ce qu'il faut dire notamment de la disposition romaine qui, dans le cas où une clause pénale avait été stipulée, affranchissait la partie défaillante des effets de la sentence, lorsqu'elle payait la somme promise.*

La décision arbitrale est susceptible d'être attaquée dans les cas suivants :

1) V. Loi 17 in fine. Loi 18 D. de receptis. En matière internationale la disposition contraire du droit canon, contenue au chap. 2 de arbitrio in VI, est inadmissible.

2) Loi 27. § 3. D. de receptis. Contra Code de proc. français art. 1012. 1017.

3) Loi 27. prim. 1. 49. § 1. D. de receptis.

4) V. Grotius III, chap. 20. 46.

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