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passés à leur égard un caractère définitif et permanent, dans les cas, bien entendu, où leur restitution intégrale ou partielle ne forme pas une clause du traité de paix. Jusqu'au moment de la conclusion de la paix le navire et les biens capturés peuvent être repris valablement au profit de leur vrai propriétaire par voie de recousse, dont nous aurons à nous occuper au chapitre IV du présent livre.

DROITS DES PARTIES BELLIGÉRANTES SUR LES BIENS ENNEMIS QUI SE TROUVENT DANS LEURS TERRITOIRES RESPECTIFS.

§ 140. Suivant les dispositions du droit des gens ancien, chaque citoyen pouvait valablement s'emparer de biens trouvés dans le territoire conquis, car ces biens étaient regardés comme butin de guerre. „Et quae res hostiles apud nos sunt, non publicae sed occupantium fiunt."1 La théorie moderne plus humaine ne peut plus admettre une théorie semblable. Il n'en est pas moins vrai que jusqu'à présent la pratique des États, par des voies détournées, a réussi à obtenir des résultats analogues. En commençant, dès l'ouverture des hostilités, et souvent avant la déclaration de guerre, par faire saisir les biens ennemis à titre de représailles, elle procédait ensuite à leur séquestre.2 On commençait par frapper d'embargo les navires ennemis que des intérêts de commerce retenaient dans les ports du territoire. La mesure fut étendue ensuite aux marchandises, achetées ou consignées pour compte de négociants, sujets ennemis. Elle s'appliquait enfin même aux biens et aux marchandises appartenant à des sujets ennemis qui, jusqu'au moment de la déclaration de guerre, avaient résidé paisiblement dans le territoire. Dans tous ces cas, les Conseils de prise n'ont jamais manqué de faire examiner de la manière la plus scrupuleuse par leurs délégués savants la question du domicile d'origine, et dès qu'il s'élevait le moindre soupçon à ce sujet, on traitait les commer

1) Loi 51. Dig. de acquir. rer. dom. Loi 12. princ. Dig. de captivis. 2) On peut trouver des développements de cette théorie dans de Réal, Science du gouvern. V, chap. II, V, 3. de Steck, Versuche über Handelsund Schifffahrtsverträge. p. 168. Moser, Vers. IX, 1, p. 45. 49. Son injustice est évidente.

çants étrangers en ennemis, après avoir prononcé la confiscation de leur propriété. Des maisons de commerce et des comptoirs qui avaient été établis par des sujets ennemis, ne pouvaient naturellement pas échapper au sort commun. Les stipulations formelles, telles que les contiennent la plupart des traités de commerce modernes de quelque importance, suffisaient seules pour sauvegarder les personnes et les biens contre les conséquences de cette jurisprudence, et leur permettaient de quitter librement le territoire ennemi.3

D'un autre côté les biens immeubles appartenant à des sujets ennemis n'étaient pas ordinairement compris dans les mesures de séquestre. On s'en abstenait afin d'éviter des représailles de nature à attirer aux sujets de pareilles ou de plus grandes calamités.*

On voit donc aisément que ce sont surtout les intérêts commerciaux, le désir de détruire le commerce ennemi au profit du commerce national, qui dirigent les actes des parties belligérantes. Pourquoi dès lors chercher à y retrouver un principe juridique et des applications logiques? Il est permis sans doute, ainsi que nous l'avons observé plusieurs fois, de chercher à réduire l'ennemi, en faisant tarir ses ressources et en frappant au coeur son commerce extérieur. Mais il n'en résulte aucunement, dès qu'on admet au fond du droit moderne de guerre un principe moral, qu'il faille confisquer les navires et les marchandises appartenant aux sujets ennemis, pour leur en faire perdre la propriété d'une manière irrévocable. Les représailles au contraire devraient se borner à une simple saisie et à l'application provisoire des biens saisis aux besoins de la guerre. Dès lors tout ce qui n'aura pas servi pour cette destination, ce qui subsistera encore lors de la conclusion de la paix, devra être restitué ou entrer en compensation d'une manière expresse

1) Wheaton, Intern. Law. IV, 1, § 16-18 et les observations de Pando p. 412-424.

2) Wheaton à l'endroit cité § 19. L'ancienne jurisprudence anglaise est développée par Wildman, Instit. of intern. Law. t. I, chap. 1. 2. 3) Des exemples sont cités par Nau, Völkerseerecht. § 258. 4) Wheaton, loc. cit. § 12.

ou tacite. Il se peut que nous touchions au moment où les principes internationaux à ce sujet subiront une transformation fondamentale. Car c'est la première puissance maritime, la Grande-Bretagne elle-même, qui éprouverait le plus grand préjudice du maintien de la pratique actuelle. En effet, dans quelle partie du globe ses intérêts commerciaux ne se trouvent-ils pas engagés ?

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§ 141. Toutes les nations civilisées admettent aujourd'hui le principe que les traités et les promesses obligent même en guerre et entre ennemis, et qu'on doit, tant qu'il y a possibilité, les exécuter de bonne foi. Il est défendu surtout d'abuser, au préjudice de l'ennemi, de la confiance par lui témoignée. Violer la foi donnée, c'est l'autoriser à exiger une satisfaction éclatante, c'est encourir une flétrissure devant l'aréopage international de l'opinion publique. Déjà saint Augustin proclamait cette vérité: ,,Fides etiam hosti servanda est", qu'aucun publiciste n'a osé encore contredire.2

Les conventions conclues pendant la guerre ont pour objet tantôt des rapports permanents, tantôt seulement certaines prestations temporaires. Dans la première catégorie nous rangeons les espèces suivantes:

Premièrement, les cartels conclus entre les belligérants et relatifs aux communications des postes ;3 aux signaux des parlementaires et à la réception de ces derniers, aux courriers et aux passeports, à l'emploi ou non-usage de certaines armes, au traitemant des prisonniers de guerre etc.

1) V. d'Ompteda, Lit. § 314. de Kamptz § 298 suiv. E. C. Wieland, Opusc. acad. III, no. 1. Grotius III, 20. Vattel III, chap. 16. Martens, Völkerr. VIII, 5. Klüber, Droit des gens. § 273 suiv. Pufendorf VIII, 7.

2) Augustinus c. 3. C. 23. quaest. 1. Bynkershoek, Quaest. jur. I, 1, qui admet d'ailleurs la fraude entre ennemis, ne le contredit pas. Wheaton IV, 2, 17. V. les monographies dans d'Ompteda § 302. de Kamptz § 290.

3) Des exemples intéressants sont cités par Wurm, Zeitschrift für Staatswissenschaft. 1851. p. 296.

Secondement, les traités de neutralité, ayant pour but d'exempter de l'état de guerre certains territoires, certaines places, certaines personnes ou même certaines classes de sujets, avec les effets résultant d'une neutralité absolue ou restreinte. Comme exemple nous citons les conventions conclues entre la France et l'Angleterre, relatives aux pêcheries des côtes.'

§ 142. Parmi les conventions de guerre spéciales nous remarquons les suivantes:

1o Des lettres de protection, notamment celles de sauvegarde (salva guardia), par lesquelles la partie qui les délivre, prend, par écrit et d'une manière solennelle, l'engagement de protéger des personnes ennemies contre de mauvais traitements. Quelquefois elle accorde une escorte militaire, chargée des ordres nécessaires. Cette dernière, tant qu'elle remplit paisiblement sa mission et jusqu'à son retour dans le camp, est regardée comme sacrée et à l'abri de toute attaque;"

2o des sauf-conduits, par lesquels on accorde à quelques personnes la faculté de pouvoir circuler librement dans des endroits défendus; "

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3o des licences délivrées au profit de navires et de leurs cargaisons, dont il a déjà été question;*

4o des conventions conclues avec les sujets ennemis, par lesquelles ils promettent de payer des contributions de guerre ou de fournir certains objets en nature: les engagements contractés à cette occasion remplacent souvent des sommes fixes payées à forfait. Il est vrai que ces engagements ne peuvent être poursuivis devant les tribunaux du territoire occupé que pendant la durée de l'occupation. Mais il est évident en même temps que leur exécution peut être imposée par la force. Nous examinerons au chapitre IV la question de savoir si ces

1) Moser, Vers. X, p. 154 suiv.

2) G. Engelbrecht, De salva guardia. Jen. 1743. Vattel IV, § 171. Moser, Vers. IX, 2, p. 452 suiv.

3) Grotius III, 21, § 14 suiv. Vattel § 265 suiv.

4) La jurisprudence anglaise est indiquée par Wildman II, p. 245 suiv. Wheaton IV, 2, 26.

engagements continuent à subsister après que l'occupation a cessé;

5o des conventions relatives à la rançon ou au rachat d'un navire capturé, ou qui ont pour objet l'élargissement de ce dernier au moyen d'un billet de rançon souscrit par le capitaine, ou de la remise d'un ou de plusieurs otages. Ces conventions ont commencé à être en usage dès la fin du dix-septième siècle. Leurs effets généraux, lorsqu'ils n'ont pas été limités par des lois particulières, consistent d'une part dans l'obligation de payer intégralement le prix de rançon, dès que la légalité de la prise a été maintenue et que l'exécution peut être poursuivie devant les tribunaux compétents; d'autre part, dans la protection accordée au navire relâché par le gouvernement capteur contre des attaques ultérieures jusqu'à sa destination, pourvu qu'il ne quitte pas la route qui lui est tracée. Le billet de rançon peut à son tour être déclaré de bonne prise, par suite de la capture du corsaire. Si, en ce cas, le corsaire capteur se trouve être sujet du même État que le souscripteur du billet, la question de savoir s'il faut regarder ce dernier comme valablement libéré, se décidera d'après les dispositions légales relatives à la recousse;'

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6o des conventions relatives à l'échange des prisonniers, également assez fréquentes depuis la seconde moitié du dixseptième siècle. A cet effet on distingue entre les diverses catégories de troupes, et l'on établit certains chiffres proportionnels, en compensant les différences par des sommes d'argent ou autrement;

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7° des capitulations consenties par des corps de troupes ou par des places assiégées, conditionnellement ou sans conditions.

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1) Wheaton, Intern. Law. IV, 2, § 27 (édit. franç. § 28). Martens, Vers. über Caper. § 23. Wildman II, 270–275.

2) Du Mont, Corps univ. t. VII, 1, p. 231 donne le plus ancien Cartel de cette espèce, qui porte la date de 1673.

3) Moser, Vers. IX, 2, 388 suiv. Wheaton IV, 2, § 3. Ward, Enquiry. I, 298 suiv.

4) J. Fr. Ludovici, De capitulationibus. Hal. 1707. Moser, Vers. IX, 2, 155. D'autres monographies sont indiquées par d'Ompteda § 315. de Kamptz § 300.

5) Souvent on stipulait autrefois d'attendre l'arrivée de renforts pen

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