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2o sur le territoire de son adversaire, c'est-à-dire dans les rades, ports et mers ennemis;

3o enfin sur la haute mer, la mer libre.

Martens prétend que les corsaires de l'un des belligérants qui entrent dans les rivières ennemies, dans les espaces de mer avoisinant les ports et marqués par des balises, et qui y commettent des actes d'hostilité contre les navires y stationnés, doivent être traités comme pirates. Nous nous sommes déjà expliqué sur le peu de fondement de cette doctrine.'

La visite ne peut avoir lieu dans les eaux neutres, ni dans celles des puissances alliées ou amies, sans le consentement exprès ou tacite de ces dernières. Les prises faites dans les eaux neutres doivent en conséquence être restituées sur la plainte de la partie lésée.2

Sont sujets à la visite les navires de commerce rencontrés en pleine mer et dont la destination pacifique, étrangère aux opérations de guerre, n'est pas établie par des signes évidents et incontestables. Les bâtiments de guerre ne sont pas soumis à la visite, si leur nationalité est suffisamment constatée. Il est à remarquer toutefois que leur pavillon ne fait pas nécessairement foi de leur nationalité. Les croiseurs belligérants peuvent au contraire arrêter en pleine mer toute espèce de transports dont l'innocuité n'est pas suffisamment établie, tant par rapport à leur chargement et à leur propriétaire, que par rapport à leur provenance et à leur destination.

3

La visite a pour but spécial, d'abord:

1o de constater la propriété du navire et de la cargaison, et de savoir si l'un ou l'autre n'appartiennent pas à l'ennemi; 2o de s'assurer si des personnes ennemies ne se trouvent pas à bord du navire visité;

3o de s'assurer que le navire ne porte pas à l'ennemi des objets de contrebande de guerre;

4° de l'empêcher de communiquer avec les lieux bloqués.

1) de Martens, Ueber Caper. § 18. V. ci-dessus p. 265. note 2.
2) Jacobsen, Seerecht. § 584. 585.

3) Les discussions qui ont eu lieu sur cette question, sont racontées par de Martens, Erzählungen merkwürdiger Fälle. II, p. 1 suiv. V. aussi Oke Manning p. 370. Pando p. 564.

En conséquence la visite doit constater:

1° la nationalité du navire;

2o la qualité, l'origine et la destination de la cargaison; 3o la nationalité de l'équipage, lorsqu'elle ne résulte pas du pavillon du navire, ainsi qu'il a été stipulé dans plusieurs conventions conclues par la France. La plus récente de ces conventions est celle conclue avec le Texas.

D'ailleurs la maxime même: Le pavillon couvre la marchandise, ne suffira pas toujours pour empêcher les croiseurs des belligérants de procéder à la visite des navires neutres. Du moins il faudra leur permettre de s'assurer de leur nationalité, et s'ils ne portent pas d'objets de contrebande.1

§ 169. Les personnes qui peuvent procéder régulièrement à la visite des navires neutres sont celles pourvues de commissions régulièrement délivrées par l'un des belligérants, les officiers des bâtiments de guerre, et en général les commandants de forces navales, autorisés à cet effet.2

L'exercice du droit de visite a été réglementé surtout par le traité des Pyrénées, dont les dispositions sur ce point sont devenues en quelque sorte le droit maritime de l'Europe. Ces dispositions ont pour objet: la semonce; la distance à laquelle le croiseur doit se tenir; l'envoi d'un nombre limité d'hommes à bord du navire neutre; l'examen des papiers de ce navire. La semonce est un coup de canon tiré par le croiseur pour avertir le navire en vue de son intention de le visiter. Ce dernier doit obéir à la semonce, s'arrêter et attendre la visite. S'il ne le fait pas, il s'expose à s'y voir contraint par l'emploi de la force. Le croiseur doit envoyer au navire visité une embarcation, et deux ou trois hommes seulement peuvent monter à bord.3

La dernière formalité de la visite, la plus importante, est

1) V. à ce sujet les excellentes observations que contient le jugement rendu par Sir William Scott dans une affaire de cette espèce dans Robinson, Admirality Reports. I, p. 340. Wheaton, Intern. Law. II, p. 250 (édit. franç. p. 186).

2) V. surtout la convention conclue en 1801 entre l'Angleterre et les puissances du nord, § 170.

3) de Martens, Ueber Caper. § 20. 21. Hautefeuille IV, p. 2.

la vérification des papiers de bord. Les papiers qui peuvent être consultés et qui seuls font foi, sont les suivants:

le passeport et les autres certificats d'origine du navire et de la cargaison;

le connaissement et la charte-partie;

les rôles d'équipage;

enfin le journal du voyage.1

1

Si les traités n'indiquent pas d'une manière exacte l'état des papiers dont un navire doit être porteur, il faut admettre incontestablement toutes les pièces de nature à justifier de la nationalité du navire et de l'innocuité de son chargement. Dans tous les cas, des preuves subtiles et indirectes sont inadmissibles. Les lois intérieures spéciales du croiseur belligérant doivent toujours être interprétées en ce sens. Si le navire reconnu neutre par sa nationalité est également trouvé neutre par sa conduite, s'il ne porte chez l'ennemi aucun objet prohibé, le croiseur doit se retirer et laisser le navire continuer sa route. Tel est du moins le voeu des publicistes. Dans la pratique, à la vérité, il n'en est pas toujours ainsi. Trop souvent, au lieu de se borner à constater la nationalité du navire, par l'inspection de ses papiers, et l'innocuité de sa cargaison, par la vérification des factures et des connaissements, les croiseurs se livraient à des recherches minutieuses et vexatoires. C'est la jurisprudence française qui, guidée par les réquisitoires pleins d'équité de Portalis, a la première proclamé des principes plus généreux. Il faut regretter surtout l'extrême divergence que présentent les dispositions des lois intérieures des diverses nations, relativement aux modes de constater la nationalité des navires et des cargaisons. La jurisprudence anglaise notamment accorde ici une importance exagérée à la formalité du serment.2

1) Sur les papiers à produire, sur les formalités à observer et sur la jurisprudence anglaise et française à cet égard, on peut consulter avec fruit Jacobsen, Seerecht. p. 22. 67. 87. 410 suiv. Pando p. 566.

2) Sur les formalités de la neutralisation et les nombreux abus on peut consulter Pöhls IV, § 530, p. 1180 suiv. Hautefeuille IV, p. 27. 121. III, p. 427. La jurisprudence anglaise est indiquée par Wildman II, p. 84. 100.

CONVOI DES NAVIRES NEUTRES.1

§ 170. Le but de la visite, ainsi que nous l'avons dit, est de mettre le belligérant à même d'exercer son droit de guerre sur les navires ennemis, d'empêcher qu'ils ne lui échappent à la faveur d'un déguisement, et de mettre obstacle à ce qu'un neutre porte de la contrebande chez l'ennemi. De bonne heure on a dû songer à trouver un moyen qui, tout en répondant au but principal de la visite, mette pourtant les navires neutres à l'abri de vexations incessantes. Ce moyen consiste à faire naviguer les navires de commerce sous l'escorte de bâtiments de guerre. L'usage en est très-ancien. Dès le moyen âge on faisait escorter les navires marchands, pour les mettre à l'abri des actes de piraterie et des excès de toute espèce, si fréquents dans ces siècles de barbarie (v. § 174 ci-après). Mais ce fut surtout vers le milieu du XVIIe siècle que la question du convoi des navires neutres prit une grande importance. Les Hollandais firent alors de grands efforts pour faire inscrire dans le traité conclu avec l'Angleterre en 1665, le principe que le privilége du bâtiment de guerre devait s'étendre à tous les navires convoyés. Ils ne purent l'obtenir: l'Angleterre refusa de le reconnaître. La question fut soulevée depuis lors dans les guerres fréquentes entre les puissances maritimes de l'Europe. Pendant la guerre de l'indépendance américaine elle reçut enfin une espèce de solution. Les puissances neutres, coalisées pour le maintien de leurs droits sous le nom de neutralité armée, déclarèrent que la parole de l'officier commandant l'escorte du convoi suffisait pour constater la nationalité des navires confiés à sa protection et l'innocuité de leur chargement. La lutte re

2

1) V. Jouffroy p. 237 suiv. Nau, Völkerseerecht. § 169 suiv. Wheaton, Histoire. p. 93 suiv. Pöhls p. 532. Oke Manning p. 355. Ortolan II, 215 suiv. Hautefeuille I, 68. IV, 62.

2) de Martens, Ueber Caper. § 20. Voici le texte complet de cette déclaration, que nous transcrivons ici à cause de son importance:

"

Que la déclaration de l'officier commandant le vaisseau ou les vaisseaux de la marine royale ou impériale, qui accompagneront le convoi d'un ou de plusieurs bâtiments marchands, que son convoi n'a à bord

commença avec une nouvelle violence pendant les guerres de la révolution française. Elle se termina par la convention maritime du 17 juin 1801, imposée par la Grande-Bretagne aux

aucune marchandise de contrebande, doit suffire pour qu'il n'y ait lieu à aucune visite sur son bord ni à celui des bâtiments de son convoi.

Pour assurer d'autant mieux à ces principes le respect dû à des stipulations dictées par le désir des intéressés, de maintenir les droits imprescriptibles des nations neutres, et donner une nouvelle preuve de leur loyauté et de leur amour pour la justice, les hautes parties contractantes prennent ici l'engagement le plus formel, de renouveler les défenses les plus sévères à leurs capitaines, soit de hautbord, soit de la marine marchande, de charger, tenir, ou recéler à leurs bords aucun des objets, qui, aux termes de la présente convention, pourraient être réputés de contrebande, et de tenir respectivement la main à l'exécution des ordres qu'elles feront publier dans leurs amirautés et partout où besoin sera, à l'effet de quoi l'ordonnance, qui renouvellera cette défense sous les peines les plus graves, sera imprimée à la suite du présent acte, pour qu'il n'en puisse être prétendu cause d'ignorance.

Les hautes parties contractantes voulant encore prévenir tout sujet de dissension à l'avenir en limitant le droit de visite des vaisseaux marchands allant sous convoi, aux seuls cas où la puissance belligérante pourrait essuyer un préjudice réel par l'abus du pavillon neutre, sont

convenues:

1. Que le droit de visiter les navires marchands appartenant aux sujets de l'une des puissances contractantes et naviguant sous le convoi d'un vaisseau de guerre de la dite puissance, ne sera exercé que par les vaisseaux de guerre de la partie belligérante, et ne s'étendra jamais aux armateurs, corsaires ou autres bâtiments, qui n'appartiennent pas à la flotte impériale ou royale de leurs Majestés, mais que leurs sujets auraient armés en guerre.

2. Que les propriétaires de tous les navires marchands appartenant aux sujets de l'un des Souverains contractants, qui seront destinés à aller sous convoi d'un vaisseau de guerre, seront tenus, avant qu'ils ne reçoivent leurs instructions de navigation, de produire au commandant du vaisseau de convoi leurs passeports et certificats ou lettres de mer, dans la forme annexée au présent traité.

3. Que, lorsqu'un tel vaisseau de guerre, ayant sous convoi des navires marchands, sera rencontré par un vaisseau ou des vaisseaux de guerre de l'autre partie contractante qui se trouvera alors en état de guerre, pour éviter tout désordre, on se tiendra hors de la portée du canon, à moins que l'état de la mer ou le lieu de la rencontre ne nécessite un plus grand rapprochement; et le commandant du vaisseau de la puissance belligérante enverra une chaloupe à bord

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