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de soumettre les gens de service des ministres à la juridiction des autorités locales. C'est ce qui est arrivé, par exemple, dans les congrès de Münster, de Nymègue et de la Haye.'

Il est encore incontesté que les personnes de la suite d'un ministre, dès qu'elles quittent son service, sont justiciables des tribunaux des lieux où elles se trouvent. Mais il n'en est pas ainsi des sujets du souverain représenté par le ministre à moins d'une autorisation spéciale, ce dernier ne doit guère consentir à leur extradition, pour les faire juger par les tribunaux locaux.2 Le ministre n'exerce pas non plus un pouvoir semblable à l'égard des personnes de sa famille, ni à l'égard de celles qui ne sont point à ses gages, mais qui sont nommées par son gouvernement et qui sont attachées à la mission. Elles jouissent des garanties résultant de leur caractère politique ou constitutionnel.3

Les personnes attachées à une ambassade en France, ne peuvent être citées devant les tribunaux français pour l'exécution des obligations par elles contractées, en cette qualité, envers des Français. (Paris, 29 juin 1811. Dalloz, Jurispr. gén. I. 330.)

Enfin il est inutile de faire remarquer que le gouvernement près duquel le ministre est accrédité, conserve toujours le droit de l'éloigner, ainsi que les personnes de sa suite, lorsqu'ils se rendent coupables d'un crime d'État, et d'employer les mesures que les circonstances rendent nécessaires pour assurer la sûreté de l'État et le maintien de l'ordre public.

II. AGENTS ET COMMISSAIRES.

§ 222. Les publicistes modernes ne se sont expliqués que d'une manière très-vague sur le véritable caractère des agents

1) Wicquefort t. I, chap. 28. Règlement des États-Généraux du 29 mai 1697.

2) V. Vattel IV, 124, qui oublie seulement qu'en pareil cas le ministre ne doit pas agir sans instructions.

3) Pour les secrétaires de légation v. Vattel IV, 122. Merlin sect. VI, no. 6.

4) Une ordonnance royale portugaise du 11 décembre 1748 déclare, en cas de contraventions, les personnes de la suite du ministre déchues de leur exemption et punissables d'après les dispositions des lois. V. de Martens, Erzählungen. I, p. 339.

ou des commissaires, chargés d'affaires particulières d'un État ou d'un souverain.' La vanité diplomatique, autant qu'une espèce de superstition politique, ont contribué à obscurcir ce caractère. Pour le faire ressortir dans toute sa netteté, il importe d'établir plusieurs distinctions:

I. Les simples agents chargés d'affaires particulières ou privées d'un État ou d'un souverain, dépourvus de fonctions politiques, telles que la négociation d'un emprunt, l'administration et la surveillance de domaines privés du souverain, situés en pays étranger etc. Dans ces divers cas il ne saurait être question d'une mission diplomatique, ni des immunités y attachées.

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II. Les agents secrets, qu'on envoie et qu'on accrédite auprès d'un gouvernement étranger, sans leur donner toutefois le caractère formel de ministre public. Quelquefois aussi ils sont chargés seulement de se procurer certains renseignements par des voies régulières, quoique secrètes; ou bien de faire des communications extraordinaires à un gouvernement étranger et d'en recevoir à leur tour. Ces derniers ne peuvent non plus prétendre à aucune espèce de cérémonial diplomatique, ni aux immunités du ministre.

III. Les agents et les commissaires envoyés en pays étranger avec des instructions formelles et patentes, mais sans titre officiel, soit parce que les circonstances s'opposent encore à l'établissement de relations régulières et permanentes, soit pour l'exécution seulement de quelque article d'un traité ou d'une convention, une délimitation de frontières etc. Ces agents jouissent ordinairement des prérogatives accordées en général aux ministres publics (§ 204. 205), prérogatives que l'absence d'un titre officiel ne saurait certainement leur enlever.2 Ceci est

1) Il est curieux de voir les efforts que, par exemple, Wicquefort et Vattel IV, 75 se donnent pour ne rien dire de bien précis sur ces personnes.

2) Vattel aussi, à l'endroit cité, ne le leur conteste pas en définitive. Une ordonnance des États-Généraux, en date du 29 mars 1651, reconnaît expressément ce principe. V. Moser, Beiträge. IV, p. 530. La pratique générale des États, à la vérité, ne s'est pas toujours accordée là-dessus. Ainsi, en France, on refusait autrefois toute immunité diplomatique aux agents des villes hanséatiques, chargés de leurs intérêts internationaux de commerce. Merlin sect. I, no. 5 in fine.

d'autant plus vrai qu'anciennement il n'existait, en dehors du titre d'ambassadeur, aucun autre que celui de simples agents, dont le caractère diplomatique n'a jamais été contesté. Le droit d'exterritorialité toutefois ne s'applique pas à ces agents dans toute son étendue.

Les consuls occupent une position particulière que nous examinerons plus loin (§ 244).

FIN DES MISSIONS DIPLOMATIQUES.

§ 223. Conformément à la nature légale du mandat, les fonctions de l'agent diplomatique cessent:

1o lorsque le but de la mission est rempli;

2o lors de l'expiration du terme fixé pour la durée de la mission;

3o par la mort de l'agent;

4o par le rappel de l'agent ou la révocation de ses fonctions

(cette révocation résulte implicitement de sa nomination à d'autres fonctions, incompatibles avec les précédentes); 5o par le décès soit de son souverain, soit de celui auprès duquel il était accrédité, dans le cas où la mission avait pour objet des affaires purement personnelles, ou lorsque les pouvoirs s'adressaient exclusivement au souverain décédé.

Ce dernier cas existe ordinairement aujourd'hui à l'égard des ministres de première et de seconde classe. Ils sont obligés, après le décès de leur souverain ou de celui auprès duquel ils étaient accrédités, de produire de nouvelles lettres de créance ou de nouveaux pouvoirs, pour que l'on puisse continuer à traiter avec eux. Les fonctions des simples chargés d'affaires au contraire, dont les pouvoirs découlent directement du caractère officiel du ministre des affaires étrangères, ne cessent pas par le décès de ce dernier.1

Les fonctions de l'agent diplomatique cessent encore par suite d'une impossibilité de continuer l'objet de sa mission; notamment

1) Pinheiro-Ferreira sur Vattel IV, 76.

1o lors d'une guerre entre les deux États, à moins que cette éventualité n'ait été prévue dans ses pouvoirs;'

2o lorsqu'il est renvoyé par le gouvernement auprès duquel il est accrédité, ou lorsque ce dernier refuse de le recevoir et de traiter avec lui. Le renvoi qui a lieu pour motifs insuffisants, est de nature à provoquer des mesures de rétorsion et à justifier une demande en réparation, s'il est accompagné de procédés blessants. Il faut, bien entendu, que son renvoi n'ait pas été provoqué par sa propre conduite.2

Enfin les fonctions de l'agent diplomatique, et par suite son caractère officiel, sont suspendus seulement:

1o en cas de mésintelligence entre les deux États, lorsqu'elle n'est pas suivie de l'ouverture d'hostilités;

2o en cas d'événements importants survenus pendant le cours de la mission, qui en rendent la continuation problématique ou des modifications probables, tels qu'un changement de règne. En pareil cas, il est d'usage que la suspension des fonctions diplomatiques soit dénoncée par l'une ou par l'autre partie;

3o en cas de décès ou d'abdication volontaire ou forcée de l'un des deux souverains.

En effet, une extinction des pouvoirs de l'agent diplomatique ne se présume pas de plein droit, à moins qu'ils ne soient, ainsi que nous venons de le dire, d'une nature exclusivement personnelle. Autrement, un changement de règne n'est tout au plus que suspensif de l'exercice des fonctions diplomatiques.

EFFETS DE LA SUSPENSION ET DE LA FIN DES MISSIONS
DIPLOMATIQUES.

§ 224. Le caractère international du ministre public ne cesse ni par la suspension ni par la fin de sa mission. Dans

1) Wicquefort, l'Ambassadeur. I, sect. 30, p. 445.

2) Des exemples de renvoi d'un ministre sont racontés par Wicquefort p. 443. Moser, Kleine Schriften. VIII, p. 81; IX, p. 1. de Martens, Causes célèbres. II, p. 485.

l'ancien monde et au moyen âge, l'usage existait, en cas de mésintelligence ou de rupture survenue entre deux gouvernements, de se livrer à des actes de violence, souvent d'une atrocité féroce, envers les envoyés diplomatiques réciproques. La Porte Ottomane aussi, jusqu'à une époque fort récente, suivait l'usage de retenir comme otages les ministres étrangers des puissances avec lesquelles elle était en guerre, et de les faire enfermer aux Sept-Tours. Mais de meilleures pratiques ont prévalu depuis longtemps dans l'Europe chrétienne. La personne du ministre étranger est inviolable même chez l'ennemi. Telle fut la maxime proclamée déjà par les lois canoniques.2

Quand, par suite d'événements imprévus, le ministre se trouve dans le cas de suspendre ses fonctions, il ne cesse jamais pour cela de jouir des prérogatives dues à son caractère public: la suspension a pour effet seulement l'interruption des relations d'État à État.

Dans le cas où la mission est terminée entièrement, le gouvernement intéressé a encore incontestablement le droit de mettre ses intérêts en sûreté, et de retirer librement du territoire étranger les choses qui lui appartiennent. Ainsi, en cas de mésintelligence ou d'hostilités mêmes, il faut accorder au ministre étranger les moyens et le temps nécessaires pour retourner dans son pays avec sa suite et ses effets. Il faut respecter son caractère d'exterritorialité ou d'inviolabilité, en lui accordant un délai convenable. Un délai évidemment trop court constituerait une violation du droit international. Ce ne sera qu'à l'expiration de ce délai, ou si le ministre vient à annoncer que ses fonctions ont cessé entièrement et qu'il se retire dans la vie privée, qu'il n'y a plus lieu de respecter son caractère officiel.

3

1) Ward, Enquiry. I, p. 285; II, p. 477. Pütter, Beiträge. p. 167. 2) Canon 2 distinct. 1.

3) Bielfeld, Institutions. II, p. 179, § 30. Il est juste que le ministre renvoyé soit exempt des droits de sortie, ainsi que le prescrit formellement le décret royal de Naples du 22 février 1819. Nouveau Recueil t. V, p. 346.

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