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païer à lui-même ; dans la Monarchie, parce que la modération du Gouvernement y peut procurer des richeffes: mais dans l'Etat defpo tique on ne peut pas les auginenter, parce qu'on ne peut pas augmenter la fervitude extrême.

L'impôt par tête eft plus naturel à la fervitu de; l'impôt fur les marchandifes eft le tribut naturel au Gouvernement modéré. Mais il est arrivé qu'on a abufé de la liberté même. Elle a quelquefois produit l'excès des tributs; mais l'effet de ces tributs exceffifs eft de produire à leur tour la fervitude, & l'effet de la fervitude de produire la diminution des tributs. Ce furent ces tributs exceffifs qui donnèrent lieu à l'étrange facilité que les Mahométans trouvèrent dans leurs conquêtes.

Une maladie nouvelle s'eft répandue en Europe; c'cft celle qui fait entretenir aux Princes un nombre desordonné de troupes. Elle a fes rédoublemens, & elle devient néceffairement contagieufe. Car fitot qu'un Etat augmente ce qu'il appelle fes troupes, les autres foudain augmentent les leurs, de façon qu'on ne gagne rien par-là que la ruïne commune. Chaque Monarque tient fur pié toutes les Armées qu'il pourroit avoir fi fes peuples étoient en danger d'être exterminés, & on nomme paix cet état d'effort de tous contre tous.

Un Etat bien gouverné doit mettre pour le prémier article de fa dépenfe, une fomme réglée pour les cas fortuits. Il en eft du public, comme des particuliers, qui fe ruïnent lorsqu'ils dépenfent exactement les revenus de leurs terres.

Peut

Peut-on mettre en doute, qu'eft-ce qui y eft plus convenable au Prince & au Peuple, de la Ferme ou de la Régie des tributs? La Régie est l'admin stration d'un bon Père de famille, qui lève lui-même avec économie, & avec ordre fes revenus. L'Hiftoire au contraire eft pleine des maux faits par les Traitans.

Comme celui qui a l'argent, eft toujours le maître de l'autre, le Traitant fe rend defpotique fur le Prince; il n'eft pas Législateur, mais il le force à donner des Loix.

Tout eft perdu, lorsque la profeffion lucrative des Traitans parvient encore par fes richesfes à être une profession honorée. Un dégout faifit tous les autres Etats; l'honneur y perd toute fa confidération; les moyens lents & naturels de fe diftinguer ne touchent plus, & le Gouvernement eft frappé dans fon principe.

Il y a un lot pour chaque profeffion. Le lot de ceux qui lèvent les tributs eft les richesfes & les recompenfes de ces richeffes font les richeffes mêmes. La gloire & l'honneur font pour cette Nobleffe, qui ne connoit, qui ne voit, qui ne fent de vrai bien que l'honneur & la gloire. Le refpect & la confidération font pour ces Miniftres & ces Magiftrats, qui ne trouvant que le travail après le travail, veillent nuit & jour pour le bonheur de l'Empire.

La Suite dans le Fournal prochain.

Tom. I. Part. III.

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ARTICLE IV.

DEFENSE de l'Efprit des Loix, à laquelle on a joint quelques Eclairciffemens, à Genève chez Barillot & fils. 1750. in octavo. pp. 207.

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es Sentimens de Cleante fur les Entretiens d'Arifte & d'Eugène, ouvrage de M. Barbier d'Aucour contre le P. Boubours, paffèrent dans le fiècle paflé pour un chef d'œuvre de critique fine & délicate. Je crois que l'ouvrage, dont on vient de lire le titre, pourra paffer à beaucoup plus jufte titre dans tous les tems pour un chef d'œuvre, & un modèle parfait en fait de Réponse & d'Apologie. On ne fauroit affurément dévoiler avec plus de force & de bienféance, ou pour mieux dire, de dignité, les objections fauffes, foibles, & peu méfurées d'un Adverfaire, que l'a fait ici le célèbre Auteur de l'Esprit des Loix Car quoiqu'il parle de lui-même en troisième perfonne, & qu'il ne paroiffe pas prendre un intérêt direct à fon ouvrage, on ne fauroit le méconnoitre, non à ces traits qui font ordinairement reconnoitre toute main qui eft armée pour fa propre défense, mais à la délicateffe & à l'énergie d'une plume, qui n'en a guères d'égales.

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Cette Défense eft divifée en trois parties. Dans la prémière on 1épond aux reproches gé

néraux qui ont été faits à l'Auteur de l'Esprit des Loix. Dans la feconde on répond aux re proches particuliers. La troifième contient des réflexions fur la manière dont on l'a critiqué. Les accufations auxquelles ces Réponses font oppofées, fe trouvent dans deux feuilles pério diques de Paris, du 9. & du 16. Octobre 1749.

D'abord on a imputé à l'Auteur d'être Spi nofifte & Déifte; imputarions qui par-là même qu'elles font contradictoires, fe détruifent réciproquement. Cependant on trouve ici une énumération de paffages, qui font voir que l'Au teur a établi les principes les plus formellement oppofés au Spinofisme. Rien n'eft plus plaifant que la bévue du critique fur ce fujet. N'a ïant qu'une idée confufe du Spinofisme, com me d'un fyftème qui rapporte le gouvernement de l'Univers à un principe aveugle & néceffaire, il croit trouver le Spinofisme par-tout où il rencontre le mot de néceffité; & parce que l'Auteur a dit que les Loix étoient un rapport néceffaire, voilà du Spinofisme. Cependant cette idée des Loix n'est destinée qu'à combattre la doctrine dangereufe de Hobbes, qui fait dépendre tou tes les vertus & tous les vices de l'établiffement des Loix.

L'accufation de ne pas reconnoitre de Reli gion révélée eft également dénuée de preuves, & détruite par les paffages les plus expreffifs. Une des preuves que l'Adverfaire a employées pour la foutenir, c'eft que l'Auteur à loué Bayle en l'appellant un grand homme. Qu'on juge par-là des autres. Il y en a pourtant une A a 2

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qu'il ne faut pas oublier, c'eft que dans fon prémier chapitre, l'Auteur n'a point parlé du péché originel. Rien de plus charmant que la manière fine & enjouée dont M. de M. relève ces futilités.

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Il paffe de-là aux reproches particuliers intentés à fon livre, & il en prend occafion de retracer le plan & le but de fon ouvrage, quels des critiques judicieux auroient dû faire attention pour ne pas critiquer à faux. Cet oùvrage a pour objet les Loix, les Coutumes & les divers ufages de tous les peuples de la Terre. Les Religions humaines y entrent comme des inftitutions humaines; & quant à la Religion Chrétienne, qui de fa nature ne peut être modifiée, ou corrigée, elle n'entre point dans les vues de l'Auteur, & s'il en a parlé, ce n'eft que par occasion. On ne fauroit donc, lorsqu'il ne veut être que Jurisconfulte, le faire Théologien malgré lui, & prétendre qu'il ait dû examiner tous les principes & tous les dogmes de la Religion Chrétienne.

Viennent enfuite les réponses de détail fur la Poligamie, fur l'efficace du Climat, fur la Tolérance, fur le Célibat, fur le Mariage, fur l'Ufure, que le Critique a embrouillée de la plus étrange manière, &c. Nous ne faurions nous arrêter à ces difcuffions qu'il faut lire tout entiè res, pour les comprendre. Mais nous rapporterons avec plaifir quelques réflexions de la troifième Partie, qui renferme ce que l'on a jamais peut-être dit de plus excellent fur les règles d'une faine critique.

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