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des prétoriennes, obtint la permiffion de fe l'aflocier dans cette charge pour collègue, & bientôt après il la lui laiffa entièrement, aïant paffé lui-même à la Préfecture de l'Egypte.

La place de Préfet des Cohortes prétoriennes étoit peu de chofe dans fon origine, qu'elle tenoit d'Augufte. Séjan le prémier en aug menta la puiffance, en raffemblant dans un feul camp hors des murs de la ville, toutes les dix cohortes, qui auparavant étoient difperfées, non feulement dans les différens quartiers, mais dans les petites villes voifincs. Sa vue étoit de les avoir toutes enfemble à fa difpofition, & de les rendre plus pleines de confiance en ellesmêmes, & plus terribles au reste des citoyens, par l'union de leurs forces ainfi ramaffées. Mais pour couvrir fes deffeins, il alléguoit différens prétextes, tels que le bien de la difcipline, que l'on ne pouvoit pas faire obferver fi exactement à des troupes difperfées en mêmes pelotons; l'attention à écarter le soldat des delices de la ville, qui le corrompoient; l'avantage d'avoir une grande & promte reffource pour les dangers & les befoins imprévus.

Quoique ces mefures fuffent prifes contre Tibère, dont Séjan fe propofoit d'occuper la place, cet Empereur n'en conçut aucun ombrage. Défiant, caché, impénétrable pour tout autre, fon aveugle crédulité pour fon infidèle Miniftre alloit jufqu'au prodige. Tacite en est étonné, & attribue un effet fi furprenant, non aux artifices de Séjan, qui fuccomba enfin fous ceux de Tibère-même, mais à la colère des Dieux

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contre le peuple Romain, à qui les profpérités & le defaftre de ce favori devinrent également funeftes. L'aveuglement de Tibère dura plufieurs années; & Séjan eut tout le tems de fe faire des créatures fans nombre, parmi les foldats & les officiers foumis à fes ordres, & parmi les Sénateurs; avançant, foit aux grades militaires, foit aux magiftratures civiles, & aux gouvernemens de provinces, ceux qui lui étoient devoués. Tibère ne s'y oppofoit en aucune façon: au contraire il fe prêtoit à ce traître avec une fi étrange facilité, que non feulement dans fes converfations, mais dans les discours addreffés au fénat & au peuple, il l'appelloit le compagnon de fes travaux, & fouffroit que les ftatuës de Séjan fuffent placées & honorées dans les théatres, dans les places publiques, & jufques dans les camps des Légions.

Séjan avoit tout ce qui eft néceffaire pour former ces grands fcélerats, auteurs du bouleverfement des Etats & des plus terribles révolutions. Un corps de fer pour le travail, une audace effrenée, jointe à une diffimulation profonde: le talent de fe rendre agréable & de noireir les autres: la flatterie & l'arrogance également prêtes felon les befoins: au dehors un air de modeftie, pendant qu'il étoit dévoré au dedans de la paffion de régner. Et pour réuffir quelquefois il employoit les largeffes & l'appas du luxe & de la débauche, le plus fouvent l'activité & la vigilance; qualités loüables en foi, mais qui deviennent fouverainement nuifibles, lorsqu'on ne les emploie que pour fatisfaire l'ambition.

Tel

Tel étoit Séjan, qui cominença à concevoir fes projets vers l'an de Rome 774. & qui aïant été mis à mort le 18. Octobre 782. fut livré à la populace, qui pendant trois jours entiers outragea fon cadavre de toutes les façons imaginables, & en jetta enfin les miférables débris dans le Tibre.

ARTICLE VIII.

LA VIE de PIERRE ARETIN, par M. DE BOISPREAUX. A la Haie, ches Jean Neaume, 1750. petit in octavo. pp. 232.

Le rofité.

e nom d'Aretin réveille d'abord toute la cuCe perfonnage a joué un rôle fi fingulier, qu'on ne peut que défirer d'en favoir toutes les particularités. Ce petit livre eft fuffifant pour fatisfaire ce défir. C'eft proprement l'extrait d'un plus grand ouvrage, écrit en Italien par le Comte de Mazzuchelli; deforte que ceux qui voudront ne rien ignorer fur la vie d'Aretin, peuvent remonter à cette fource, où M. de Boispréaux a puifé.

L'Auteur fait préceder le détail des faits d'une idée du caractère d'Aretin, qu'il convient de placer ici. Plus cauftique que, capable, Aretin manie avec une effronterie égale l'adulation la plus baffe, & la fatyre la plus effre,,née. Il s'embarraffa peu de mentir & de fe contredire.. L'intérêt dictoit fes jugemens,

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& ceux auxquels il devoit, furent maltraités les prémiers. Les réponses les plus folides, les reproches les mieux fondés, les affronts, les corrections ne purent tempérer fa caufticité famélique: les châtimens publics avoient ,, accoutumé fon front à l'infamie: il fe confoloit en fe prodiguant des éloges, & en décorant fes livres de fes portraits & d'infcriptions. Il s'arrogea le titre & les fonctions de Cenfeur: foit habitude, ou mépris, on s'accoutuma à cette ufurpation, & les magiftrats #99 la tolerèrent. Mais les connoiffeurs le regar,, dèrent toujours avec le plus profond mépris.'

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99

Pourquoi, dira-t-on, chercher à faire connoitre un homme auffi odieux? C'eft, répond a vec beaucoup de raifon M. de Boispréaux, que

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s'il eft avantageux de conferver la mémoire ,, des grands hommes, il n'eft pas inutile de démasquer ceux qui en ont impofé par des ,, moyens condamnables. L'exemple des prémiers anime à la pratique des vertus; le portrait des autres apprend à ne pas leur reffembler.

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C'est dans cette vuë, continuë notre Au,, teur, que j'ofe amener Aretin fur la scène. Son ftile affecté (*), fon ignorance, fa pré"fomption, fa critique mordante, les égare

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(*) Voici quelques échantillons de ce ftile: Aiguifer l'imagination jar la lime de la parole; Pécher avec la ligne de la reflexion dans le lac de la mémoire; Mettre le fié de la maturité dans le chemin de la jeuneffe; Refréner la bouche des paffions avec le mords

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mens de fon génie, les châtimens qu'il es ,, fuya, & la réputation qu'il laiffà après lui, forment un tableau qui n'est pas déplacé dans un fiècle où l'on court après les écrits hardis, ou médifans, où l'on fubftituë le jargon à l'éloquence, les tours forcés aux pensées, les pointes aux fentimens, & la fatyre à la faine critique. Les actions frappent plus vi vement que les préceptes, & les exemples inftruifent plus furement que la théorie la "mieux dévelopée. Les jeunes gens appren-% dront qu'on ne doit jamais facrifier les mœurs „ à la fureur de l'efprit; qu'il eft dangereux de réduire en problème les principes qui font la bafe & la fureté des fociétés; que l'infolen,, ce & la préfomtion caractérisent l'ignorance; & que ceux qui croient fe faire un nom par de pareils moyens, achétent une réputation ,, équivoque & momentanée, par la perte de leur repos & de leur honneur." Qu'il feroit à fouhaiter que ces excellentes réflexions pus fent diminuer le nombre, ou calmer la fougue, des Aretins modernes !

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PIERRE ARETIN naquit à Arezzo, ville de Tofcane, le 20. Avril 1492. Il étoit fils naturel de Luigi Bacci; & fa mère fe nomioit Tita. Il ne fut à l'école que pour apprendre à lire; il n'eut jamais de maître i

mords de la réflexion; Joindre le bois de la courtoifie au feu de la politelle; Planter le coin de l'affection au nom de l'amitié; Enfèvelir l'espérance dans l'urne des promeffes menteufes, &c.

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