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fée, je n'y ai rien trouvé qui puiffe être cri,, tiqué raifonnablement.

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Voici quelques jugemens intéreffans, tirés de la même Lettre. "J'ai lu le Poëme Latin de l'Abbé Fraguier; il eft digne de l'Anti,, quité, & pour dire encore plus, fi cela fe „ peut, il eft digne de lui. On ne peut mieux ,, accorder les graces du langage avec la folidité de la doctrine.

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,, La Motte a fait de Romulus un vrai Hé„ ros d'Opéra, un fade & infipide amoureux. Il ne lui manque qu'une houlette & une panetière. Cet homme a un talent merveil,, leux pour rendre ridicule ce qu'il y a de plus ,, grand dans l'Antiquité. Sa Tragédie des Machabées eft un Recueil de Madrigaux de piété, & de froids lieux communs de mora,, le, fans paffion, fans caractère, fans force & fans élévation. Il n'y a guères de ftyle qui fe reffemble moins que celui de l'Ecriture Sainte & celui de cet Auteur, que je ne penfe pas qu'il ait lu davantage qu'il a lu Homère. Il eft bien difficile que le fublime & le , pathétique fe trouvent dans les vers d'un homme qui court toujours après l'efprit.

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Rouffeau étoit à Londres au commencement de 1723. Il y reçut un accueil fort favorable, non-feulement des Grands, mais du Roi même, & de la Maifon Roïale. Il y fit une Edition de fes Oeuvres, dont il tira une fomme confidérable; mais le Capital qu'il en forma, lui coûta dans la fuite bien des chagrins. aïant été envelopé dans la ruïne de la Compa

gnie d'Oftende. De retour à Bruxelles, il y fut pourvu d'une Charge, dont il comptoit tirer mille Ecus d'appointement; mais cette affaire fouffrit de longues difficultés, elle fut pendante à la Cour de Vienne, où il fut obligé de l'aller folliciter; & la protection du Prince Eugène aïant fouffert quelque atteinte, comme nous l'avons vu, tout cela s'évanouït, & à fa mort il étoit dans une extrême indigence, ne fubfiftant presque que par la générofité de Mrs. Boutet, qui ne s'eft jamais démentie, quoiqu'ils aient eux-mêmes perdu la bonne moitié de leur bien dans les affaires du Syftème. Ainfi il n'y a eu dans la vie de Rouffeau que des lueurs de fortune, quelquefois brillantes, mais qui ne l'ont rendu que plus fenfible aux éclipfes qui les ont fuivies. On voit du chagrin & de la douleur dans plufieurs de fes Lettres, cela eft naturel; mais on ne peut nier qu'on n'y voie auffi, & même beaucoup plus fouvent, de la réfignation, de la confiance en Dieu, & tous les fentimens qui conviennent à une vraie piété. Je ne conçois pas qu'il eût pu foutenir ce rôle avec tant d'Amis d'un ordre fi différent, fans que jamais on eût fenti l'hypocrifie, s'il y en avoit eu. L'idée que je me fais de Rouffeau, c'eft que fa jeuneffe a été vicieuse, & fa langue en particulier envenimée; que cela lui fit beaucoup d'ennemis; que cependant il n'eft point l'Auteur des Couplets; & que fes malheurs l'aïant meuri, auffi bien que les années, il eft entré effectivement dans les difpofitions, & a eu les fentimens dont

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il fait profeffion dans fes Lettres. Au moins fuis-je perfuadé qu'il valoit beaucoup mieux que ce Rival qui a voulu fi lâchement le deshonorer, & qui a témoigné le plus indigne acharncment contre un homme qui tout au moins étoit fon égal en Poéfie, & fort au-deffus de lui dans tout le refte. Les femences de divifion entre ces deux Illuftres fe manifeftèrent en 1726. M. Rouffeau écrivoit en ces termes à fon Ami le 5. Mars de cette année-là. “M. de Lafferé m'aïant envoyé la Mariamne, je n'ai pu m'empêcher de lui en écrire mon fentiment. Ma Lettre, qui a couru, m'en a attiré une de la part de l'Auteur, à qui j'ai fait une Réponse de douze lignes. Comme il n'a point publié la Lettre qu'il m'a écrite, il ne feroit pas Chrétien que je rendiffe ma ,, Réponse publique. Voilà toute l'hiftoire, ,, qui ne mérite ni votre curiofité, ni votre at,,tention." On fait les progrès que cette discorde a fait dans la fuite; mais toutes les Lettres de Rouffeau, qui en parlent, ne le font qu'avec modération.

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M. l'Abbé d'Olivet étoit à Bruxelles en Septembre 1730. Rouffeau fut charmé de l'y voir. "Je connoiffois, dit-il, fon mérite depuis bien des années, fans connoitre fa perfonne, & j'ai été ravi de trouver en lui un homme auffi bon à entretenir qu'agréable à lire.

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Il entra en liaison avec l'Abbé Des Fontaines en 1736. Celui-ci avoit fait les avances; & fa haine pour Voltaire avoit fans doute part à

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l'encens, quoique mérité, qu'il donnoit à Rous feau. Le Poëte exilé y paroit fort fenfible, & lui rend la pareille avec ufure. "J'attens, ditil, avec beaucoup d'impatience, & je recevrai avec beaucoup de reconnoiffance le préfent que vous me deftinez de vos Obfervations. Je vous regarde, Monfieur, comme l'homme de ce tems-ci qui a rendu le plus ,, grand fervice à la République des Lettres, ,, par le ridicule que vous avez jetté avec tant de fuccès fur ce jargon précieux, qui s'y étoit introduit jusques dans les Ouvrages les plus férieux & les plus facrés. C'est un mons,, tre, dont vous avez feul purgé la France, & vous avez fait pour elle plus qu'Hercule , ne fit pour la Grèce, en coupant la tête de l'Hydre. "

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M. Boutet le Père, mourut en Août 1737. & les Lettres dans lesquelles Rouffeau exprime fes allarmes pendant la maladie, & fa douleur après la mort, ne font pas affurément d'un homme ingrat. Il eft vrai qu'il auroit fallu être un monstre d'ingratitude pour ne pas aimer, & pour ainfi dire, adorer des Bienfaiteurs auffi généreux que l'étoient le Père & le Fils.

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Vers la fin de Janvier 1738. Rouffeau eut une prémière attaque d'apoplexie. "Il y a aujour d'hui trois femaines, écrivoit-il à M. Boutet le 16. Février, que me trouvant à table chcz notre Gouverneur, je m'apperçus tout d'un ", coup que mon corps penchoit confidérablement du côté gauche. Le Prince de la Tour fur qui j'étois près de tomber, fut effraïé, &

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m'obligea de prendre un Caroffe pour aller chez moi, où je fus d'abord faigné : le lendemain on me fit prendre l'émétique, & l'on me trouva dans un état fi dangéreux, qu'on me propofa les Sacremens, que j'eus le bonheur de recevoir. (c'eft alors qu'en recevant l'Hoftie, il protefta qu'il n'étoit point l'Auteur des Couplets) Je fuis maintenant beaucoup mieux, mais la paralyfie du côté gauche ne me permettant pas de m'aider en rien, on me foigne comme un enfant, & trois hommes des plus robuftes de la Ville ont peine à me remuer.

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Il fe remit, & à la fin de la même année, il fit un voyage à Paris. Au bout de tant d'années, l'amour de la Patrie s'étoit réveillé avec une force qui lui faifoit fouhaiter de terminer fa vie, dont la fin étoit effectivement proche, dans le lieu où elle avoit commencé. Cela ne réuffit pas, il fallut retourner à Bruxelles, le chagrin l'y faifit, fes infirmités augmentèrent, la dernière Lettre qu'il paroit avoir écrite, eft à M. Racine du 25. Septembre 1740. une nouvelle attaque, qui le prit dans une barque, où il s'en retournoit de la Haie à Bruxelles, le conduifit au tombeau, après encore trois mois d'un état fort déplorable.

La correspondance de Mrs. Broffette & Rouffeau nous fournira la matière d'un fecond Extrait

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