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qui germe de la terre; qu'on devait y manger, boire et dormir sept jours entiers; qu'elles ne devaient pas avoir moins de sept paumes en longueur et en largeur, ni moins de dix en hauteur. Ce que nous disons du précepte des tentes ou des Tabernacles il faut l'entendre de tous les 613 préceptes qui se trouvent consignés dans le Pentateuque; c'est-à-dire, il faut entendre que Moïse les reçut de Dieu sur le Sinaï chacun avec son interprétation respective.

Cette histoire de l'origine du Talmud est évidemment fabuleuse si on l'applique avec les Rabbins au Talmud tel qu'il est aujourd'hui, considéré dans toutes ses parties. Mais si on l'applique à la tradition primitive et si on se borne à soutenir qu'elle a été conservée dans quelques fragmens du même code religieux, tout ce raisonnement devient très-probable et digne de notre attention ").

Lorsque Moïse, continue Maimonides, descendit du mont Sinaï, Ahron son frère fut le premier à le voir. Moïse lui récita une fois le texte qu'il venait de recevoir de Dieu, en ajoutant à chaque précepte son explication. Après quoi Ahron prit place à sa droite. Alors les deux fils d'Ahron, Eleazar et Ithamar étant entrés, Moïse leur récita les mêmes choses qu'à leur père. A peine étaient ils rengés l'un à la gauche de Moïse et l'autre à la droite. d'Ahron, que les LXX vieillards entrèrent à leur tour, et Moïse leur récita ce dont il avait déjà entretenu Ahron et ses fils. Le peuple fut le dernier à se présenter à Moïse qui ne se refusa pas de reprendre encore une fois son récit du commencement. Il se trouva par là que ce rapport de Moïse avait été entendu quatre fois par Ahron, trois fois par ses fils, deux fois par les vieillards et une seule fois par le peuple. Mais Moïse s'étant retiré, Ahron répéta tout ce qu'il avait entendu quatre fois et qu'il savait déjà par coeur. De cette manière ses fils aussi entendirent la même chose quatre fois, savoir: trois fois de Moïse et une fois d'Ahron, et lorsque celui-ci se fut retiré comme son frère, ils se trouvèrent en état de la répéter par coeur à leur auditoire. C'est pourquoi les vieillards eux-mêmes

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6) Voy. ma Théorie du Judaïsme. III. Part. Règle Ire.

l'entendirent quatre fois, deux fois de Moïse, une fois d'Ahron et une fois de ses fils, et lorsque ceux-ci eurent quitté leur place, les vieillards répétèrent cette histoire par coeur au peuple pour faire que lui aussi l'eût entendue quatre fois et apprise par coeur.

Tous ceux donc qui se trouvèrent présens à cette assemblée générale entendirent quatre fois le texte de la loi avec son explication') et se trouvèrent à même d'en entretenir ceux qui avaient été absens jusqu'à leur faire apprendre par coeur l'un et l'autre. Mais le texte fut enfin couché par écrit, et l'on se contenta de retenir par coeur son explication.

Le fondement de toute cette histoire est un passage de la Bible 8) que Maimonides a embelli selon son ordinaire et dont les Rabbins ont profité pour nous expliquer l'origine de cette espèce de tradition à laquelle ils croient. Selon eux, les auteurs et compilateurs du Talmud, au lieu de nous donner le fruit de leurs méditations et veilles littéraires, n'ont fait que nous transmettre par écrit ce qu'ils savaient par coeur, l'ayant entendu de leurs précepteurs ou de leurs ancêtres et ceux-ci à leur tour de leurs précepteurs et de leurs ancêtres jusqu'aux LXX vieillards,

7) Maimonides est bien obscur sur ce point. Il commence par nous dire que Moïse apporta da Sinaï la loi écrite et la loi orale. Il passe ensuite à nous indiquer comment il expliqua l'une et l'autre à tout le peuple d'Israël. Mais en se tenant à ses paroles on pourrait croire qu'Ahron seul apprit de lui le texte et son explication, et que tous les autres n'en apprirent que le premier. Cependant si l'on examine avec attention toute la teneur et le but de son discours on verra qu' Ahron ainsi que ses fils, les LXX vieillards, aussi bien que ceux d'entre le peuple israëlite qui se présentèrent à l'assemblée, apprirent par coeur la loi écrite et la loi orale également. En effet Moïse n'avait pas besoin de perdre un temps si long et si précieux pour leur faire apprendre par coeur le texte de la loi seulement qu'il devait leur communiquer par écrit. Voy. la Préf. de sa main forte.

8) Exod. XXXIV, 31. 32. où il est dit que Moïse de retour du mont Sinaï appela Ahron et tous les principaux de l'assemblée pour parler avec eux. Après quoi tous les enfans d'Israël s'approchèrent, el il leur commanda toutes les choses que l'Eternel lui avait dites sur la montagne.

jusqu'aux fils d'Ahron et à Ahron et à Moïse lui-même 9). Ceux donc, qui ont écrit le Talmud tant de siècles après Moïse n'ont pas eu besoin d'une nouvelle révélation; mais seulement de se rappeler ce qu'ils savaient déjà. L'assistance du ciel ne leur a été nécessaire que pour ne pas être trompés par leur mémoire.

nous

Dans notre Théorie du Judaïsme qui, comme l'avons déjà dit, sert en même temps d'ouvrage préparatoire à la version du Talmud, nous avons signalé tous les effets de la mauvaise influence que ce livre a exercée et exerce toujours sur les esprits des Juifs de la dispersion. Mais nous sommes trop justes et trop impartiaux pour nous dissimuler un avantage marquant que les mêmes Juifs en ont retiré en tant qu'ils le regardent comme un corps de traditions divinement inspirées. Nous nous arrêtons à relever cet avantage avec d'autant plus d'empressement que nous remarquons qu'il est échappé à tous les apologistes les plus

zélés du Talmud.

La Loi orale, qui a la même autorité qui la loi écrite, parce que toutes les deux dérivent de la bouche de Dieu, contient les détails les plus minutieux sur la pratique de chaque précepte et cérémonie. Il suit de là que, selon les Docteurs de la Synagogue, tout dans le Talmud est prévu d'avance et décidé par une autorité qui n'est pas sujette à exception. C'est pourquoi depuis que ce code est en vigueur, les Juifs n'ont pas eu besoin d'un chef visible ou de Synodes pour interpréter l'Ecriture, définir les dogmes, fixer la discipline de leur culte etc. Ils ont été même à l'abri de ces convulsions religieuses qui ne servent qu'à enfanter ou à multiplier les sectes, au détriment de la tranquillité publique 10); car celles des Juifs n'ont jamais été en aussi grand nombre que celles des autres peuples, et leur sujet de discorde a été plutôt la philosophie sophisti

9) Voy. Théorie du Judaïsme, Ire Part.

10) Les sectes attestent le mouvement progressif d'une nation vers la vérité; mais les dogmes de la religion ne devraient pas engendrer des sectes parce que leur vérité reste toujours la même.

que ou cabalistique, que la véritable intelligence de la loi. Ayons de nouveau recours à un exemple.

Dieu défend dans la Bible 11) de travailler le septième jour de la semaine; mais dans le Talmud 12) il est censé déterminer trente neuf espèces d'oeuvres serviles défendues pendant le Samedi; et indiquer sous chacune de ces espèces principales un nombre infini d'autres oeuvres secondaires également défendues. Il suffit donc que les Juifs soient en état de lire dans le Talmud pour savoir ce que Dieu a voulu commander ou défendre dans la Bible relativement à l'observance du Samedi. Ainsi une seule et même autorité suprême ordonne aux Israélites et interprète ce qu'elle leur ordonne.

En observant que les Juifs d'avant la captivité de Babylone ont été plus enclins à l'idolâtrie, à la rébellion etc. que ceux qui vecurent après cette même captivité et qui vivent maintenant dans l'état de dispersion, on s'est demandé et on se demande encore la cause qui a pu produire cette altération dans le caractère d'un peuple si opiniâtre d'ailleurs 13). Nous accorderons sans aucune difficulté aux véritables connaisseurs de l'antiquité hébraïque que d'un côté l'accomplissement des prophéties et de l'autre l'établissement des écoles et des Synagogues ont dû beaucoup contribuer à changer son coeur et ses penchans. Nous croyons cependant que la cause principale qui a produit ce phénomène est l'ascendant que la tradition Talmudique a toujours exercé sur la masse des Juifs depuis cette époque. Les Docteurs de la loi qui dans les écoles et dans les synagogues prêchaient et enseignaient la divinité de la tradition, finirent par élever dans le Talmud un rempart contre toute sorte d'innovation. Ils établirent cet ordre de choses stationnaire et pacifique qui dure jusqu'à nos jours.

Tant que, comme nous l'avons dit dans notre Théorie, les esprits des docteurs israélites furent pénétrés de

11) Exod. XX, 8—10.

12) Schabbath 73, 1.

13) Voy. Jahn Archaeologia biblica. P. III. §. 312.

la maxime qu'il ne falloit pas coucher par écrit la tradition de crainte que tôt ou tard les idolâtres ne vinsşent à s'en emparer et à la corrompre 14) le texte de

תורה Lot) ou) תורה la loi fut appele tout uniment

anaw (Loi écrite); de même on nommait son explication traditionnelle bın (Loi orale)15). Mais lorsqu'on commença à écrire la tradition pour empêcher que les Juifs en but aux calamités et devenant plus tièdes d'esprit de jour en jour ne l'oubliassent, le premier essai de ce genre fut intitulé (Mischna) devtέowois (seconde loi) 16). Comme la racine en hébreux signifie répéter et lire et apprendre en rabbinique, on s'est partagé d'avis sur le véritable sens qu'il faut attacher à cette dénomination. Il y a des Critiques qui soutiennent que Mischna veut dire Loi répétée, ou Loi secondaire; tandis que d'autres s'obstinent à croire que ce nom désigne tout simplement un corps de lois qu'il faut étudier avec soin et à plusieurs reprises pour se pénétrer de son esprit 17).

Il nous paraît que le premier qui s'est servi du mot Mischna pour indiquer la tradition a été un bon esprit, qui lui a accordé seulement la seconde place au tribunal de l' autorité divine en l'appellant seconde loi, et ce bon esprit a été peut-être un des fondateurs de la secte des Karaïtes. Quant à l'autre dénomination devrέowols nous la croyons dérivée de l'usage d'intituler de la même manière 18) le der

14) Voy. Jo. Christoph. Wolfii Bibliot. Hebr. P. II. L. IV. de Talmud C. I. p. 664 et 665. R. Josua Halle vit auteur de l'Halicoth Olam ou de la Clef du Talmud, en donne pour raison que la loi écrite contient des mystères, dans les lettres, qui périraient s'ils étaient confiés seulement à la tradition et que la loi traditionnelle deviendrait équivoque et sujette à des discussions si elle était seulement couchée par

écrit.

15) Voy. Schabbath 31, 1..

16) August. L. II. C. 1. contra adversarium legis et prophet. Nescit, dit-il, habere praeter scripturas legitimas et propheticas, Judaeos quasdam traditiones suas, quas non scriptas habent sed memoriter tenent el alter in alterum loquendo transfundit, quam dɛvrégwoir vocant.

17) Wolf ib. p. 660 - 662.

18, C'est-à-dire δευτέρωσις ου δευτερονόμιον comme nous le pouvons

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