Images de page
PDF
ePub
[merged small][merged small][graphic][subsumed][subsumed][merged small][merged small]

« Je les ai vus là ! », dessin de LEQUEUX, architecte de garde au Temple, en septembre 1792.

Il en fut ainsi depuis le 16 décembre 1792 jusqu'au 3 juillet 1793.

Ce jour-là, dans la soirée, les commissaires de service se présentèrent à l'appartement de Marie-Antoinette et lui signifièrent l'ordre d'air à leur remettre son fils: scène navrante,

Il est bien certain que, jusque-là, tant que le dauphin est avec sa mère, sa tante et sa sœur, il n'y a aucune possibilité d'évasion, ni de substitution. L'enfant qu'on arracha, le 3 juillet 1793, des bras de la reine, était bien son fils. (Applaudissements.)

SIMON

On le conduisit au second étage de la prison, qu'il avait, pendant deux mois, occupé avec son père. Là, le nouveau précepteur que lui octroyait la Commune de Paris, le cordonnier Antoine Simon, l'attendait : la femme Simon se tenait près de son mari. On leur livra aussitôt le jeune prince, pour lequel un lit était disposé dans la grande chambre. Les Simon couchaient dans le lit de Louis XVI. Outre cette grande chambre, élégamment meublée, l'étage comportait une antichambre donnant sur l'escalier, une petite salle à manger et une chambre à coucher qui avait été celle de Cléry.

Simon était un brutal, mais rien n'indique qu'il fût un monstre de férocité, rien n'au

Est-ce que ces femelles ne sont pas encore guillotinées?

Je ne voulus pas entendre le reste, je quit. tai le jeu et la place.

Simon, très satisfait, dans les premiers temps, de son emploi de précepteur du dauphin, n'exerça bientôt plus ses fonctions qu'à contrecœur. Un beau jour, il donna sa démission et, le 19 janvier 1794, il quitta, après six mois de séjour au Temple, une place qui rapportait, à sa femme et à lui, neuf mille francs, plus le logement, la nourriture, le blanchissage, une bonne place en un mot, sans un sou de dépense. Or, les Simon étaient dans la misère.

Cette brusque démission de Simon et de sa femme, ce départ du Temple dont on n'a pu donner un motif plausible, est la première

[graphic]

torise à croire aux tortures systématiques, aux coups de trique et de chenet qui ont fourni déjà tant et de si attendrissantes pages. Il y eut pis, d'ailleurs, et les anecdotes vraies qu'on n'a pas voulu raconter dans la crainte de dépoétiser le jeune roi sont bien plus tragiques que les phrases sublimes et légendaires qu'on lui prête gratuitement en réplique aux coups et aux jurons de son bourreau. J'en sais une, d'une authenticité irrécusable, qu'a notée Daujon, un témoin oculaire, commissaire de la Commune, très honnête homme et farouche républicain; la voici telle qu'il l'a contée; je n'y change qu'un mot, trop brutal pour être rapporté :

Je jouais, un jour, avec lui (le dauphin), à un petit jeu de boules; c'était après la mort de son père, et il était séparé de sa mère et de sa tante... La salle où nous étions était au-dessous d'un des appartements de sa famille, et l'on entendait sauter et comme traîner des chaises, ce qui faisait assez de bruit au-dessus de nos têtes. Cet enfant dit, avec un mouvement d'impatience :

énigme qu'on rencontre dans l'histoire de la captivité du dauphin.

Ce qui suivit reste non moins inexplicable. On avait décidé que le fils de Louis XVI ne serait plus surveillé par un gardien à demeure, mais que quatre membres de la Commune viendraient, à tour de rôle, passer vingt-quatre heures au Temple. Le soir du 19 janvier, jour du départ des Simon, les quatre premiers commissaires qui se présentèrent furent Legrand, Lasnier, Cochefer et Lorinet. Ils arrivèrent à huit heures du soir. Quand, une heure plus tard, son déménagement fut terminé, la Simon leur présenta l'enfant; elle le leur montra endormi dans son lit. On ne le réveilla pas. Ils signèrent une décharge attestant que « Simon et sa femme leur avaient exhibé la personne de Capet prisonnier, étant en bonne santé »; puis, on se sépara les commissaires fermèrent la porte de la chambre qù dormait l'enfant. Les Simon,

[merged small][ocr errors][merged small][merged small]
[ocr errors]

pour être alors remplacés par quatre autres? On ne sait pas. Mais, ce qu'on sait, c'est qu'ils prirent sur eux, car on n'a pas le texte de l'ordre qui aurait dû leur être donné, ils prirent sur eux de retirer l'enfant de l'ancienne chambre de son père, qu'il occupait, ils l'enfermèrent dans l'ancienne chambre de Cléry, encore plus étroite et plus sombre, et ils l'y firent murer; ils l'enfouirent dans ce taudis << sans feu ni lumière, - c'est Beauchesne qui parle, éclairé seulement par la lueur d'un réverbère suspendu en face des barreaux ». La porte est scellée à clous et à vis, et l'on ne pourra, désormais, apercevoir l'enfant qu'à travers un guichet grillé qui servira à lui passer la nourriture... On avait si grande hâte de terminer cet arrangement, qu'il fut toujours suivant le même auteur, non suspect - arrêté et entrepris dans la même journée et achevé le soir même, à la clarté des lanternes.

[ocr errors]

Le soir du même jour, 20 janvier, les quatre commissaires: Legrand, Lasnier, Cochefer et Lorinet, cédaient la garde à quatre autres, auxquels ils ne purent présenter l'enfant qu'à travers le guichet grillé, au fond d'une chambre sombre.

Et, de jour en jour, durant six mois, les surveillants de service devaient ainsi se relayer, sans voir, pour ainsi dire, leur prisonnier, abandonné sous clés et verrous, c'est Mme Royale qui écrit, sans autre secours qu'une mauvaise sonnette qu'il ne tirait jamais, cou

vert de puces et de punaises, et vivant en contact avec ses ordures, accumulées dans cette chambre sans air, dont la fenêtre, close d'un abat-jour de planches, était cadenassée et dont la porte ne pouvait pas s'ouvrir.

Et cette lamentable situation se prolongea jusqu'au 10 thermidor (28 juillet)! Pas un des commissaires qui, quatre par quatre, pendant ces cent quatre-vingt-dix jours, se succédèrent au Temple, pas un n'a laissé une ligne, un mot qui puisse nous édifier sur les relations qu'ils avaient avec l'enfant : pas un ne le vit autrement qu'à travers le guichet grillagé, pas un ne lui adressa la parole ou n'en reçut une réponse valant d'être notée, pas un de ces bourgeois de Paris n'eut la pitié, ou tout au moins fa curiosité, d'approcher le descendant de tant de rois. C'est peut-être là le point le plus invraisemblable de toute l'aventure. (Applaudissements.)

[graphic]
[merged small][merged small][graphic][merged small][merged small]

commandait la force armée parisienne, on ouvrit, pour la première fois, la porte du dauphin on le trouva dans un état lamentable.

Voici le passage des mémoires de Barras :

Je trouvai, dit-il, le jeune prince dans un lit à berceau au milieu de sa chambre il était assoupi, il s'éveilla avec peine; il était revêtu d'un pantalon et d'une veste de drap

Louis XVII dans la prison du Temple. (D'après une vignette de livre.)

gris; je lui demandai comment il se trouvait et pourquoi il ne couchait pas dans le grand lit; il me répondit :

- Mes genoux sont enflés et me font souffrir aux intervalles, lorsque je suis debout; le petit berceau me convient mieux.

J'examinai les genoux, ils étaient très enflés, ainsi que les chevilles et les mains: son visage était bouffi, pâle. Après lui avoir de mandé s'il avait ce qui lui était nécessaire et l'avoir engagé à se promener, j'en donnai l'ordre aux commissaires et les grondai sur la mauvaise tenue de la chambre.

Dès le lendemain, Barras plaçait au Temple, Four garder le fils de Louis XVI, un homme de sa police, un homme de confiance, nommé Laurent. Laurent était sensible et compatissant; il semble qu'il prit soin de l'enfant qui lui était confié; mais, sur ce point, on est dans l'obscurité, car, à partir de ce jour-là, personne, vous entendez! - personne ne revit l'enfant ni les commissaires journellement re

:

nouvelés qui en arrivent à se demander ce qu'ils font là, ni les militaires de service au Temple, qui se plaignent de ne pas savoir s'ils gardent des pierres ou autre chose, ni sa sœur, Mme Royale, qui vit recluse au troisième étage de la Tour. Et, cependant, Barras a donné l'ordre d'accorder aux deux prisonniers la promenade du soir et du matin. Cet ordre ne fut jamais exécuté. Pourquoi? Craint-on que cet enfant de neuf ans, faible et malingre, bouscule son gardien, les quatre commissaires, les cent cinquante hommes de troupe qui le surveillent et s'échappe de sa prison?

Ou, plutôt, craint-on de le laisser voir? Je le répète personne ne l'aperçoit.

[graphic]

Le Muet

Si, quelqu'un l'a vu. A la fin de décembre 1794, trois membres de la Convention vinrent au Temple, par ordre de la Convention, pour s'assurer de la présence des deux enfants de Louis XVI. C'étaient Mathieu, député de l'Oise, Reverchon, député de Saôneet-Loire, et Harmand, député de la Meuse. Ce dernier a laissé, de sa visite au fils de Louis XVI, un récit que je m'en vais vous lire et que je vous prie d'écouter avec attention :

Le prince était assis auprès d'une petite table carrée, sur laquelle étaient éparses beaucoup de cartes à jouer; quelques-unes étaient pliées en forme de boîte et de caisse, d'autres élevées en châteaux; il était occupé de ces cartes lorsque nous entrâmes et il ne quitta pas son jeu.

Il était couvert d'un habit neuf à la matelot, d'un drap couleur ardoise; sa tête était nue, la chambre propre et bien éclairée...

Harmand a écrit ces lignes sous la Restauration, c'est pourquoi il dit avoir été très poli avec l'enfant; il a dû être beaucoup moins déférent, ce qui n'empêche pas que le fond de son récit est absolument vrai,

Je lui dis que le gouvernement, instruit trop tard du mauvais état de sa santé et du refus qu'il faisait de prendre de l'exercice et de répondre aux questions qu'on lui faisait à cet égard, ainsi qu'aux propositions qu'on lui avait faites d'employer quelques remèdes et de recevoir la visite d'un médecin, nous avait envoyés près de lui pour nous assurer de tous ces faits et lui renouveler nous-mêmes, en son nom, toutes ces propositions.

Pendant que je lui adressais cette petite harangue, il me regardait fixement sans changer de position, et il m'écoutait avec l'apparence de la plus grande attention; mais pas un mot de réponse.

Alors, je repris mes propositions comme si j'eusse pensé qu'il ne m'avait pas entendu, et

[merged small][merged small][graphic][merged small]

moment, descendre dans le jardin ou monter sur les tours; désirez-vous des bonbons, des gâteaux, etc., etc.?

J'épuisai en vain toute la nomenclature des choses qu'on peut désirer à cet âge; je n'en reçus pas un mot de réponse, pas même un signe ou un geste, quoiqu'il eût la tête tournée vers moi, et qu'il me regardât avec une fixité étonnante, qui exprimait la plus grande indif. férence.

Alors, je me permis de prendre un ton un peu plus prononcé, et j'osai lui dire :

- Monsieur, tant d'opiniâtreté à votre âge est un défaut que rien ne peut excuser; elle est d'autant plus étonnante que notre visite,

Je repris:

[ocr errors]

Ayez la bonté de me répondre, je vous en supplie, ou bien nous finirons par vous l'ordonner.

Pas un mot et toujours la même fixité.

Je lui demandai s'il était content de son dîner point de réponse; s'il désirait du fruit : point de réponse; s'il aimait le raisin: point de réponse. Un instant après, le raisin arriva; on le plaça sur la table, et il le mangea sans rien dire.

En désirez-vous encore? Point de réponse.

Je lui dis que notre détermination était d'autant plus pénible pour nous, que nous ne

« PrécédentContinuer »