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blirent leur résidence. La reine l'institua d'abord, par lettres du 12 janvier, gouverneur général du royaume. Ils créèrent encore un parlement et une chancellerie pour les provinces d'alentour. Eustache de Laistre reprit l'office de chancelier. Le duc de Lorraine vint les joindre, et ils le nommèrent connétable. Presque partout la France se rangeait à leur obéissance. Le prince d'Orange fut envoyé en Languedoc, et y fit reconnaître l'autorité de la reine et du duc. L'hiver se passa ainsi. Le peuple des villes se révoltait contre le roi, criait: << Vive Bourgogne! A bas les ai des! », maltraitant ou tuant les officiers du roi et les fermiers qui étaient chargés de recevoir l'impôt, et même les gens riches, en les appelant Armagnacs. Rouen, se révoltant une seconde fois, se remit aux Bourguignons, et mille cruautés y furent commises.

En même temps, le connétable, les sires de Barbazan et Tanneguy-Duchâtel, s'étaient remis à tenir la campagne à courir sur les compagnies de Bourgogne, et à assiéger les châteaux et forteresses où l'on faisait peu de quartier quand on pouvait les prendre. Encouragés par la prise d'Etampes, de Montlhéry, de Marcoussis et de Chevreuse, qu'ils avaient emportés d'assaut, ils voulurent mettre un terme aux courses que le bâtard de Thian, capitaine de Senlis, faisait jusqu'aux portes de Paris, et résolurent d'aller mettre le siège de cette ville. Pour qu'elle se rendit plus volontiers, ils emmenèrent le roi avec eux. Les bourgeois ne demandaient qu'à traiter, mais le bâtard et les gens de guerre étaient les maîtres: toutefois, se voyant pressés par une forte armée, ils convinrent de remettre la ville, s'ils n'étaient pas secourus le 19 avril; ils donnèrent six otages et envoyèrent aussitôt un messager au comte de Charolais. Le jeune prince avait grande envie de s'y rendre lui-même; son conseil s'y opposa. Messire Jean de Luxem bourg et le seigneur de Fosseuse, furent chargés de cette affaire; ils rassemblèrent à Pontoise des gens pris dans les diverses garnisons, et, avec la plupart des nobles de Picardie, i's arrivèrent le 18 devant la ville. Le connéta ble fit aussitôt armer son monde, et mit l'armée en bataille; pour lors, la garnison sortit, pilla le camp et y mit le feu; les malades périrent. plusieurs marchands furent tués. Le connétable, furieux, fit trancher la tête et pendre par quartiers au gibet quatre des otages de la ville, n'épargnant que l'abbé de SaintVincent et un avocat du roi. Le bâtard de Thian avait cinquante prisonniers, il les fit périr sur-le-champ, deux femmes furent même noyées. Le connétable fit aussi tuer tous ceux qu'il avait.

Telle était la cruauté avec laquelle se faisait cette guerre maudite, où le fils combattait contre le père, le frère contre le frère; où l'on ne voyait que rapines et meurtres. Chacun prenait les armes d'abord pour se défendre, bientôt après pour se venger ou se livrer au

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pagnies ou mouraient de faim. Les gens de guerre de l'un et de l'autre partis ne recevaient pas la solde promise, et ne connaissaient plus de discipline ni d'obéissance. Les troupes du connétable refusaient sans cesse de quitter Paris pour s'en aller combattre les Bourguignons, et, lorsqu'elles se mettaient en campagne, c'était pour tout ravager.

Le connétable avait marché vers les gens qui venaient secourir Seniis. Il envoya de la part du roi, qui chevauchait avec lui, deux hérauts pour demander aux seigneurs bourguignons qui ils étaient et ce qu'ils prétendaient :

Quand on rapporta cette réponse au conné. table:

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Puisque ce n'est ni le duc de Bourgogne, ni son fils, il n'y a pas grand chose à gagner ici; ces compagnons-là ne sont pas riches et ne cherchent qu'à s'enrichir, il vaut mieux nous en aller.

D'ailleurs, il venait d'apprendre qu'une autre compagnie de Bourguignons s'avançait du côté de Dammartin pour couper sa retraite vers Paris. I ramena le roi au plus vite, et les Bourguignons se retrouvèrent maîtres de tout le pays. M. DE BARANTE.

- Je suis Jean de Luxembourg, répondit (Histoir: le: Dies de Bourgogne.)

Vendredi 31 Mai.

MUSÉE DE CLUNY

C'est dans la salle des Thermes, sous les grandes voûtes de pierre, entre des autels gallo-romains, devant des apôtres du XIIe siè cle et des vierges décapitées, que M. Haraucourt fit entendre à nos universitaires sa deuxième leçon.

L'éminent conférencier a le don de poétiser les sujets qu'il touche, et de les grandir par l'âme qu'il leur prête. Il souleva l'enthousiasme

de ce jeune public frémissant et ravi, en lui lisant ses beaux vers évocateurs de Lutèce. Malheureusement, malgré tous nos efforts, cette fois encore, nous ne pouvons offrir à nos lectrices qu'un texte imparfait, puisque M. Haraucourt a la phobie des sténographes et que nous ne pouvons que prendre des notes for. cément incomplètes.

Y. S.

CONFERENCE de M. EDMOND HARAUCOURT

Mesdemoiselles,

Quand vous ouvrez une carte de l'Europe, vcus constatez tout de suite que la France, par sa situation géographique, se trouve être fatalement une sorte de carrefour où vont défiler toutes les races en migration.

Les peuples du Nord la traverseront pour se ruer sur l'Italie ou sur l'Espagne; ceux de l'Est qui, suivant des lois d'orientation, cherchent à se diriger vers l'Ouest, se trouvent brusquement arrêtés par l'Océan. Ceux du Midi, arrivant soit de l'Espagne, soit de l'Afrique, montent par la France pour se diriger vers le Nord; ceux d'Italie sautent. par-dessus les Alpes, comme leurs voisins enjambèrent les Pyrénées; tous passent par la France. C'est le carrefour de l'Europe.

Il n'est pas difficile de prévoir l'énorme influence que la multiplicité de ces éléments divers exercera sur la nation née de tous ces apports.

Les savants travaillent, aujourd'hui, à démontrer que l'alliance des peuples, le croisement des espèces, amènent une série de résultats, bons ou mauvais, dont les races profitent ou pâtissent. Elles gagnent des vertus, des vices, inhérents au métissage; des expériences ont été faites pour les plantes, les animaux, et elles sont concluantes; elles semblent ne l'être pas moins pour l'espèce humaine. Le pays qui, au cours d'une trentaine de siècles, aura, tour à tour, vu défiler et s'installer chez lui tant de races étrangères, qui aura, de chacune, conservé l'empreinte et le sang, qui, dans son passé, retrouvera tant d'atavismes disparates, tant d'influences contradictoires, sera

riche en humanité, plus riche que tout autre, et l'on peut croire que cette richesse même fut cause, tout à la fois, de notre génie plus alerte, et de nos dissensions perpétuelles.

:

Un savant, mort aujourd'hui, M. Alexandre Bertrand, directeur du Musée de Saint-Germain, avait fait, à ce sujet, une remarque bien étrange il avait relevé la carte de France en marquant d'un signe particulier les régions riches en monuments mégalithiques : les monuments mégalithiques sont ces pierres bizarres, informes, sans art, menhirs, dolmens, cromlechs, qui, de-ci de-là, hérissent la Bretagne, les bords du Rhin, quelques parties de l'Inde, et que l'on a trouvés à travers toute l'Europe, à travers les Marches de l'Asie, indiquant peut-être le chemin qu'aurait suivi la race indo-européenne en venant vers nous des hauts plateaux de la Perse.

Or, un jour, après la guerre de 1870 et l'avènement de la République, la France fut appelée à voter pour dire si elle adopterait le régime républicain ou retournerait à un gouvernement monarchique. A ce moment, une carte fut publiée, où les départements républicains étaient teintés de rouge et les départements monarchiques de noir. Vous voyez l'allusion satirique? M. Alexandre Bertrand vit autre chose, la ressemblance de cette carte avec la sienne; i les superposa l'une à l'autre oh, merveille! Les taches noires des régions peuplées de monuments mégalithiques correspondaient aux taches noires des votes monarchiques; des idées différentes coïncidaient avec les vestiges de races différentes, et la discorde s'expliquait, à trois mille années

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La seconde mention qu'on fasse de ces Galathes remonte à six cents ans avant Jésus-Christ, lors de leur apparition en Grèce, où ils viennent à Delphes, dont ils pillent les trésors. Ils finissent par être écrasés.

Ils sont, d'ailleurs, célèbres dans toute cette partie de l'Europe; on les voit en Macédoine, où ils s'installent et fondent un peuple; en Asie Mineure, puis à Rome. Ils répandent la terreur parmi les nations civilisées.

A un certain point de vue, ils sont aussi un objet de respect. Aristote et Pythagore

et se font une gloire d'effrayer leurs adversaires par le sentiment de leur invincible témérité.

Ce qui fait leur force, ce n'est pas seulement leur confiance en eux-mêmes, mais celle qu'ils ont en l'immortalité de leur âme et cela explique comment les sacrifices humains leur semblent un acte naturel et pieux; il abrège la vie, mais avance le moment où l'âme se libère; ils se font donc tuer pour les plus futiles prétextes, par politesse, pour passer un moment, pour offrir un dî

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nous les citent comme des modèles d'humanité, à la fois par leurs vertus morales et par leurs concepts philosophiques. Une chose, en effet, remplit d'admiration l'Orient qui nous regarde, c'est notre sens de la vie, de la mort, et de l'âme.

La matière n'est rien pour les Gaulois; la vie, un petit phénomène sans conséquence (Rires.), car l'âme est immortelle. Passer de vie à trépas, marque une minute analogue à toutes les autres, n'ayant point d'importance; ils méprisent la mort; ils sont courageux, tellement courageux, et d'instinct et par foi, que, lorsqu'ils vont au combat, ils affectent de retirer leurs vêtements et s'exposent tou nus au coups de l'ennemi bardé de bronze. Leur nudité ne les offusque pas, car ils se savent beaux; ils ne redoutent pas les blessures

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