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Visite du Petit Palais

Sous la conduite de M. HENRY LAPAUZE

Collection Dutuil

Dans les vitrines, nous avons mis les choses les plus précieuses, et, pour bien montrer aux collectionneurs que nous savons garder ce qu'on nous confie, nous avons fait établir de petits rideaux à coulisse. Malheureusement, le public n'ose pas toujours les ouvrir; il est des personnes qui croient qu'il y a, derrière ces rideaux, des œuvres shocking: rassurez-vous, il n'y en a pas une seule.

Quelques très belles majoliques italiennes, et des verres de Venise non moins remarquables.

Voici un tableau: le catalogue du Petit Palais affirme qu'il est de Rembrandt, et, comme je suis le signataire du catalogue, je dis que c'est là le portrait de Rembrandt (1) peint par lui-même.

Lorsque vous arrêtez un savant devant ce portrait, il commence par vous dire que c'est un Rembrandt ou que ce n'en est pas un; vous êtes fixé tout de suite. Un second, un troisième, font la même observation, de telle sorte qu'à la fin de la journée vous en avez trouvé un et demi qui disait blanc et un et demi qui disait noir. Ce que je sais, c'est que de très grands écrivains, comme le directeur des Musées Impériaux de Berlin, qu'Emile Michel, le plus fameux de nos écrivains sur Rembrandt, affirment que ce portrait est de Rembrandt; d'autres écrivains, non moins connus, affirment le contraire. Dans le doute je ne me suis pas abstenu. J'ai fait comme Dutuit qui l'avait acquis comme tel: j'affirme qu'il s'agit d'un Rembrandt; mais, comme je ne suis pas têtu, si l'on m'apporte un document probant pour la thèse opposée, je di

rai :

Il n'est pas de Rembrandt!

Regardez cette pièce (2): les uns disent qu'elle est de l'Ecole champenoise, d'autres l'attri. buent à l'Ecole flamande, d'autres croient qu'il s'agit de l'Ecole bourguignonne française. Cela prouve qu'il ne faut jurer de rien. Conten. tez-vous de dire qu'elle est très belle!

Voici un petit cabaret en sèvres qui aurait ap. partenu, autrefois, à Mme du Barry; je n'af. firme pas qu'elle y prenait le café. Je n'affirme même pas la véracité de la légende qui lui en attribue la propriété.

Escalier d'Honneur

Je vous signale ces beaux vitraux qui proviennent des églises Saint-Séverin, SaintEtienne-du-Mont.

(1) Voir page 538. (2) Voir page 536.

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notre escalier d'honneur dont nous sommes très fiers.

Nous sommes ici au centre du musée; au rez-de-chaussée, se trouvent les antiques de la collection Dutuit et de très belles reliures et estampes. Ne croyez pas que l'humidité du rez-de-chaussée détruira jamais quoi que ce soit de nos merveilleuses collections. Nous nous étions préoccupés de cette question et le conservateur du Petit Palais tient à honneur de vous déclarer que les conditions hygiéniques sont parfaites: il n'y a pas la moindre trace d'humidité.

De là nous allons entrer dans une salle, et

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Des Ingres, donnés par Blanche. De chaque côté, deux portraits de Chasseriau, élève

trine, des œuvres d'Ingres et de son farouche antagoniste, Delacroix. Séparés par une hostilité violente pendant la vie, ils se trouvent réunis ici après leur mort.

Ne négligez pas ce modeste plâtre d'Etcheto : Villon. Si j'attire votre attention sur un plâ tre, c'est qu'il en vaut la peine, je le considère comme un véritable chef-d'oeuvre.

Quelques portraits de contemporains: J.-P. Laurens, Viviani, Albert Sarraut, par Henri Martin, Mme Henri Lavedan, d'un si vif esprit, par Paul Thomas.

Je vous arrête devant un chef-d'œuvre : les Premières Funérailles, de Barrias. C'est une des plus belles œuvres de la statuaire française au XIXe siècle. Quand j'aurai dit que Barrias était pensionnaire de l'Académie de France à Rome, j'aurai montré les services que celle-ci peut rendre, car je mets qui que ce soit au défi de dire que ce n'est pas là un absolu chefd'œuvre.

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Rez-de-Chaussée

Nous sommes dans la galerie des antiques. Je vous signale ce jeune guerrier étrusque tout caparaçonné; c'est une pièce à laquelle Dutuit tenait beaucoup, il avait donné l'ordre de l'acheter à n'importe quel prix, et il l'avait payée dix-huit mille francs.

Voici de très belles reliures, et les vitrines recouvertes de rideaux vous disent le soin que nous prenons des objets qu'on nous donne.

Voici une salle qui, pour la seconde fois, est ouverte, elle l'a été la première fois pour M. Fallières, président de la République, qui a bien voulu inaugurer nos transformations. Je vous signale particulièrement cette estampe « aux cent florins », qui vaut, aujourd'hui, cent mille francs, sinon plus. Il n'en existe qu'un seul autre exemplaire qui appar. tient à quelqu'un qui n'attend pas après cette somme pour déjeuner: M. le baron de Roths child; le jour où il l'aura laissée à quelque musée, on n'en trouvera plus nulle part que dans des collections publiques où on n'a pas l'habitude de les vendre.

Sténcgraphie des explications données au cours de la visite par M. HENRY LAPAUZE.

Les Transformations du Petit Palais

zèle intelligent, l'activité passionnée qui, en quatre années, sont arrivés à ce résultat quasi miraculeux de transformer le joli édifice à peu près vide en un musée regorgeant de belles choses, gai, avenant, aussi accueillant au travailleur qu'aimable à fréquenter pour le dilettante ou l'oisif en quête d'une heure de délectable flânerie.

Tour à tour, le don de la collection Carriès par M. Georges Hoentschel, le legs Henner,

le don superbe de Félix Ziem, l'acquisition de l'atelier Dalou, l'octroi, par la Manufacture du Sèvres, d'une série de très belles pièces de sa fabrication, quelques généreux cadeaux encore, tous bienfaits dont nous sommes re. devables, pour une très grosse part, à M. Henry Lapauze, tous ces apports, prenant place au Petit Palais en même temps que s'organi sait l'exposition de peinture et de sculpture formée avec des œuvres d'art jadis acquises par l'édilité et exhumées des magasins d'Auteuil ou d'oubliettes plus mystérieuses, s'il est possible, où elles sommeillaient, sont venus donner au musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris la séduisante physionomie qui nous surprend et nous émerveille aujourd'hui.

Enfin, une série des plus intéressantes, une série unique de dessins, aquarelles et pastels d'artistes contemporains a été inaugurée à l'occasion de cette réouverture. Cette collection nouvelle, où sont représentées les tendances les plus diverses, où les œuvres de peintres aux talents classiques, comme M. Edouard Detaille ou M. Harpignies, font bon ménage avec des pages signées d'indépendants fougueux comme M. Steinlen, c'est encore à l'initiative du conservateur que nous la devons; et, mieux, il a réussi à la former sans qu'il en coûtât un sou à la Ville, au prix seulement de démarches et de sollicitations qui n'ont pas pesé à son amour-propre, du mo ment qu'il s'agissait d'enrichir ses chères collections.

La transformation du rez-de-chaussée est complète. Ce « soubassement » qu'indiquaient les plans primitifs, ces caves, qui ne semblaient guère propres qu'à une exposition de produits vinicoles et de chefs-d'oeuvre de tonnellerie, présentent, maintenant, une série de salles blanches, claires, avenantes.

En dehors des dessins dont il a été parlé plus haut, elles viennent de s'enrichir de plusieurs œuvres, et notamment d'une noble et gracieuse figure de la Musique, par Hébert, qui nous revient de loin.

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DUTUIT,

L'Histoire d'une Grande Collection

Rapin de THOMAS COUTURE

La munificence de M. Dutuit de Rouen, qui a doté le Petit Palais d'un trésor inestimable, appelle l'attention sur les collectionneurs. Le type est de tous les temps, mais principalement du nôtre. Autrefois, il n'existait qu'à l'état d'exception. Il s'est généralisé. Cependant, sa physionomie ne varie guère à travers les âges. Les traits qui la constituent sont éternels. Un de nos confrères louait, l'autre jour, l'extraordinaire modestie de M. Dutuit, qui

ne rechercha ni le bruit, ni les honneurs, et vécut paisiblement au milieu 'de son musée. Il n'y a pas lieu, ce me semble, d'en être surpris. Le véritable amateur se suffit à lui-même. Le goût qu'il a de la solitude est un des signes de sa vocation; et ceci, je pense, n'est pas difficile à démontrer.

Qu'est-ce qu'un collectionneur? C'est un amant. Or, un amant est, par définition, passionné, exclusif et jaloux. Qu'il recherche des tableaux, des gravures, des almanachs galants

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