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Les bannières des clubs, celles des diverses villes des États, les drapeaux des quatorze quartiers de Rome flottaient autour de celui du cercle populaire. A midi, la place se couvrit des bataillons de la garde civique et des soldats de toutes armes, et au son des fanfares, au bruit des salves de l'artillerie on proclama, avec un pompeux appareil, les noms des douze constituants élus à Rome. Ces noms, expression la plus avancée de la révolution, étaient ceux des: Sturbinetti, Armellini, Sterbini, Galetti, Campello, Scifoni, Muzzarelli, Calandelli, Mariani, Derossi, Gabussi, et Bonaparte, prince de Canino.

En attendant le jour de l'ouverture de la constituante, le gouvernement usurpateur, multipliant décrets sur décrets, poursuivait son œuvre de destruction. Par un décret, il promulguait un nouveau code militaire; par un autre, il interdisait aux testateurs le pouvoir de confier l'exécution de leurs dernières volontés à des fidéi-commissaires; par celui-ci, il abolissait la contrainte par corps à l'égard de toutes personnes étrangères au com merce qui auraient souscrit des billets à ordre et des lettres de change; par celui-là, il réglait le personnel des ministères, puis il changeait la compétence des tribunaux de commerce; il publiait l'émission d'une énorme quantité de bons du trésor; il créait un nouveau mode pour prélever l'impôt

foncier, il établissait un corps de marine partagé en trois départements, à savoir: la Méditerranée, l'Adriatique et le Tibre. Enfin, il décrétait d'accusation le général Zucchi, ordonnant à toutes les autorités et à tous les citoyens de l'arrêter sur quelque point du territoire qu'il se présentât, et de le conduire à Rome, pour le traduire devant le tribunal spécial militair

Le parti anarchique, recruté dans tout ce que contenaient d'ardeur et d'impatience révolutionnaires, les cercles populaires des provinces, préluda à l'ouverture de l'Assemblée constituante par une réunion démagogique, convoquée le 2 février au théâtre d'Apollon. Là, on procéda à la proclamation de la république par d'incendiaires discussions, roulant toutes sur l'apostolat civil, sur la puissance temporelle de la papauté, premières questions qui devaient être résolues par la constituante. Un jeune prêtre, l'abbé Arduini, oubliant la dignité de son caractère, s'y fit remarquer par son exaltation démagogique ; décidé à appuyer par tous les moyens possibles le mouvement, pour le conduire aux limites les plus extrêmes, il termina un long discours en s'écriant, que la souveraineté des papes était un mensonge en histoire, une imposture en politique, et une immoralité en religion. Ces monstrueuses propositions, qui étaient autant d'hérésies en religion, en politique et en

histoire, furent accueillies par de vifs applaudissements et par les cris de: Vive la république !

En présence des événements qui menaçaient les droits les plus inviolables et l'œuvre des siècles basée sur la foi des peuples et des rois, les puissances de l'Europe catholique ne restaient point inactives. La première entre toutes, la noble et religieuse Espagne, prenant l'initiative, avait manifesté, aux gouvernements catholiques, l'intention formelle de rétablir l'autorité temporelle du Saint Père. Voici la note qu'elle avait adressée à ce sujet aux cabinets dont elle sollicitait le concours et la coopération :

« Le gouvernement de Sa Majesté est décidé à faire pour le pape tout ce qui sera nécessaire pour remettre le Saint Père dans un état d'indépendance et de dignité qui lui permette de remplir ses fonctions sacrées. Dans ce but, après avoir appris la fuite du pape, le gouvernement espagnol s'est adressé au gouvernement français, qui s'est déclaré prêt à soutenir la liberté du Saint Père.

« Ces négociations toutefois peuvent être regardées comme insuffisantes quand on jette un coup d'œil sur la tournure qu'ont prise les affaires de Rome. Il ne s'agit plus de protéger la liberté du pape, mais de rétablir son autorité d'une manière stable et ferme et de l'assurer contre toute violence. Vous savez que les puissances catholiques ont

toujours eu à cœur de garantir la souveraineté du pape et de lui assurer une position indépendante.

« Cette position est d'une telle importance pour les États chrétiens, qu'elle ne peut, en aucune manière, être exposée à l'arbitre d'une si petite partie du monde catholique, telle que les États

romains.

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L'Espagne croit que les puissances catholiques ne sauraient abandonner la liberté du pape au bon plaisir de la ville de Rome, et permettre qu'en même temps que toutes les nations catholiques s'empressent de donner au pape des preuves de leur profond respect, une seule ville d'Italie ose outrager sa dignité et mettre le pape dans un état de dépendance dont elle pourrait un jour abuser comme pouvoir religieux.

« Ces considérations engagent le gouvernement de Sa Majesté à inviter les autres puissances catholiques à s'entendre sur les moyens à prendre pour éviter des maux qui surviendraient si les choses devaient rester dans l'état actuel. Dans ce but, Sa Majesté a ordonné à son gouvernement de s'adresser aux gouvernements de France, d'Autriche, de Bavière, de Sardaigne, de Toscane et de Naples, afin de les inviter à nommer des plénipotentiaires, et à désigner le lieu où ils doivent se réunir.

« Pour éviter des retards, Sa Majesté a désigné Madrid, ou toute autre ville espagnole située sur les bords de la Méditerranée, tant à cause du calme dont jouit la presqu'île, que par la situation d'une ville maritime. Comme il ne s'agit que d'une question catholique, l'Espagne peut être désignée comme très-propre pour ces négociations.

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Signé : PEDRO DE PIDAL. » Toutes les puissances catholiques accueillirent avec empressement cette note qui répondait à leur pensée propre. Les cabinets de Turin et de Florence seuls soulevèrent quelques difficultés. Le premier, engagé plus avant dans la voie révolutionnaire, basa ses répugnances à faire partie des conférences, sur ce que l'Italie ne consentirait jamais à traiter avec l'Autriche une question qui, selon lui, devait être considérée au point de vue politique aussi bien qu'au point de vue religieux: L'abbé Gioberti, qui présidait alors le conseil des ministres, répondit par la note suivante à celle de l'Espagne :

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« J'ai lu avec attention les dépêches très-importantes, en date du 21 décembre dernier, que le cabinet de Madrid vous avait chargé de communiquer au gouvernement de Sardaigne, pour lui proposer un moyen de faire cesser la situation déplorable où se trouve le souverain Pontife.

« J'ai remarqué qu'une semblable dépêche a

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