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leurs perfides élucubrations. Trop intelligents dans la science du mal pour oser s'attaquer de front à la papauté, ils la minaient sourdement dans la personne de ses agents. Pour arriver plus sûrement à Pie IX, ils battaient en brêche son entourage, ils l'isolaient dans son pouvoir en jetant le doute sur ses pas et la défiance dans son cœur. C'est ainsi que quelques mois avant et le jour même de la fête de saint Pierre, ils avaient placardé partout sur le passage du Saint Père se rendant à l'église Vaticane, un avis indirect ainsi conçu :

LE PEUPLE ROMAIN AIME DANS PIE IX

LE PÈRE DU PEUPLE, LE PRINCE JUSTE ET MAGNANIME,

IL NE SE FIE QU'EN LUI, EN LUI SEUL.

<< Très-saint Père, s'il en est qui mettent en doute notre fidélité et l'attachement qui nous anime tous pour votre personne, s'il en est qui osent nous désigner comme difficiles, inquiets irréligieux, en un mot comme indignes de vous, défiez-vous de tels gens, très-saint Père. Ils sont plus vos ennemis que les nôtres propres. Ils tendent à vous précipiter, ainsi que nous, dans un abîme. Mais Dieu veille, ce Dieu que ces gens ont toujours sur les lèvres, mais jamais dans le cœur.... ce Dieu qui vous a élu pour régénérateur du peuple, très-saint Père. Les autres princes

ne sont, en présence de Dieu, responsables que du présent; vous l'êtes, vous, du présent et de l'avenir!...

<< Vive Pie IX! »

Cette adresse, impie par la pensée, menaçante par la forme, fut affichée sur les murs du Quirinal; on dit même que Pie IX la trouva, le soir, devant ses Oraisons, sur son prie-dieu.

CHAPITRE III.

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Congrès des principaux chefs des sociétés secrètes. Désastres du Sonderbund. Nouvelle manifestation révolutionnaire. - OuverLe cardinal Altieri. Constitution d'un ministère. Fin de l'année 1847.

ture du conseil municipal.

On touchait alors aux derniers jours de 1847, Une lutte héroïque, mais inégale, venait d'ensanglanter les cantons catholiques de la Suisse. La brutalité de la force l'emportant sur la raison du droit, ressuscitait les mauvais jours des Zwingle et des Münzer: l'épée du radicalisme protestant, aidée par la trahison, avait frappé au cœur la juste cause du Sonderbund. James Fazy triomphait à Genève. Ochsenbein, général des corps francs, remplaçait, à Berne, Neuhauss, chef du parti modéré. Le sang catholique fumait sur les bords de la Reuss, lorsque Mazzini, quittant Londres, arriva subitement à Berne. Il y fut bientôt suivi par Heinsein, l'audacieux pamphlétaire de

l'Allemagne méridionale. Le premier soin de ces deux chefs fut d'appeler à eux plusieurs délégués des associations révolutionnaires de la France, de l'Allemagne et de l'Italie; le second fut de se constituer en congrès. Tandis que ces ennemis de l'ordre social, mettant à profit la victoire des corps francs, se concertaient sur les moyens les plus propres à étendre l'influence radicale en Europe, la nouvelle de la prise de Lucerne et de la capitulation des cantons primitifs arriva comme un coup de foudre à Rome. Les catholiques sincères en furent consternés, les sociétés secrètes entonnèrent un chant de triomphe qui devait retentir douloureusement au cœur du chef suprême du catholicisme. L'opinion de la bourgeoisie, depuis longtemps égarée par l'ignorance complète des faits et des principes les plus élémentaires du droit et de la justice, accueillit avec transport le triomphe que la tyrannie protestante venait de remporter sur l'indépendance catholique. Les meneurs attendaient, la tourbe était prête; à un signal donné, une colonne d'individus qui, pour la plupart, ne connaissaient pas le premier mot de la question suisse, se précipitent dans la rue du Corso, ils rallient sur leur chemin un grand nombre d'ouvriers étrangers, un plus grand nombre encore d'oisifs et de curieux, avec l'attirail habituel des mises en scène révolutionnaires, la colonne s'avance en

poussant les cris ordinaires de la démagogie, les torches s'allument; quelques maisons, ignorant les motifs de la manifestation, illuminent; les drapeaux des Rionis flottent au vent; les cris de: Vive Pie IX! se mêlent à ceux de : Vive la Diète! Monstrueuse alliance! D'autres cris plus explicites encore se croisent et s'entremêlent; le cortége arrive ainsi sous les fenêtres de la légation suisse. Là, les vociférations redoublent; aux cris de: Vive la confédération! vive Gioberti! vive la Suisse! se mêlent ceux de: A bas les jésuites! et cette scène se prolonge fort avant dans la soirée, sans qu'une voix s'élève contre ces démonstrations attentatoires à la liberté autant qu'au catholicisme.

Le gouvernement ne pouvait rester indifférent au scandale donné au monde catholique par les factieux; peut-être aurait-il pu le prévenir; il le blåma sévèrement en déclarant, par la voix du journal officiel, qu'il s'occupait à prendre toutes les mesures qui se trouvaient en son pouvoir pour empêcher le retour de semblables désordres.

Dans cet intervalle, Son Éminence le cardinal Altieri, l'un des membres les plus distingués du sacré collége, par ses qualités de cœur et d'esprit autant que par l'illustration de sa naissance, avait ouvert, en sa qualité de président, le conseil municipal créé par le motu proprio du 4 octobre précédent.

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