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A cette époque le soleil du catholicisme resplendissait comme un 'divin météore sur l'Europe entière, car à la voix du vicaire de Jésus-Christ il s'était levé radieux

pour éclairer et régler la marche de la civilisation humaine. La main de Pie IX s'était ouverte sur l'Italie pour la bénir et pour sanctifier les réformes que ses souverains venaient de lui accorder. Le nom de Pie IX retentissait sonore d'un pôle à l'autre comme un écho de Dieu; un jour même il réveilla le sultan dans son sérail! La noble et grande figure de Pie IX remplissait le monde; peuples et princes prosternés à ses pieds confondaient leurs voix et leurs cœurs dans un vaste concert d'amour et de bénédictions; la foi catholique, en passant par les lèvres et l'âme ardente de Pie IX, avait retrouvé ses plus beaux jours, enfin le catholicisme triomphait. Les membres des sociétés secrètes, réveillés par la voix de leur chef, s'en émurent et se relevant de toute leur hauteur dans leur haine systématique contre l'autorité, ils résolurent de combattre plus ouvertement l'influence que le chef du catholicisme avait

conquise non-seulement sur l'esprit de son peuple, mais encore sur celui des populations les plus diverses et les plus lointaines du globe. Dès lors ils marchèrent plus carrément dans la lutte; ne déguisant plus le dessein qu'ils avaient, d'arriver à la révolution par la réforme, à la licence par la liberté.

L'un d'eux, médecin obscur, homme à figure sinistre sur laquelle se reflétait la perversité de son âme, se fait journaliste. Il engage le combat avec l'idée pour le terminer avec du sang; bientôt le bureau de son journal devient un club où l'éloge se change en déclamations furibondes, jusqu'au jour où, la plume devenant un poignard, ira briser dans la poitrine de Rossi, la pensée qui seule pouvait sauver l'Italie.

Le ministre n'était plus!... mais le pape restait encore debout! Repoussant du pied un cadavre sans prendre même le temps d'essuyer le sang qui le marqvait au front, Sterbini s'élance du palais de la chancellerie au palais du Quirinal. Là, d'une voix stridente, il crie: aux armes! et après quelques heures d'une lutte

inégale où l'attaque, hélas! ne trouve que des prières pour défense; il oblige Pie IX à passer sur un second cadavre, pour se retirer sur la terre étrangère, et se donner à lui-même l'occasion de reprocher au Pontife une fuite qu'il avait rendue inévitable.

Alors le génie du mal planant sur la ville de Rome, ouvrit les portes à la révolution et convoqua le ban et l'arrière ban des sociétés secrètes. Les principaux chefs de Paris, d'Allemagne et d'Italic, consultés sur la forme qu'il fallait donner au gouvernement romain, répondirent par des conseils d'attitude expectative. Les événements correspondaient trop bien au gré de leurs désirs pour les compromettre par trop de précipitation.

Sur ces entrefaites, une catastrophe aussi subite qu'imprévue remua l'Europe jusque dans ses entrailles: un banquet, un cri de vive la réforme! et un coup de pistolet tiré sur le boulevard des Capucines, à Paris, avaient changé en quelques heures la forme gouvernementale de la France. La République avait remplacé la dynastie des d'Orléans: aux cris de

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détresse de l'Europe entière, les sociétés secrètes répondirent par un long cri de joie, et, dans l'espace de quelques jours, les trônes surpris, ébranlés par la peur et par une force occulte, tremblèrent sur leurs assises. Alors le poignard qui devait frapper Rossi se promenait triomphalement dans les rues de Vienne, de Berlin, de Francfort, et dans presque toutes les capitales du continent; la voix prophétique du rocher de Sainte-Hélène était devenue le mot d'ordre des conjurés; la République se préparait à bivouaquer dans le palais des rois, lorsqu'elle fut proclamée par une poignée d'hommes au Capitole.

Ces succès inespérés enflammèrent davantage encore les passions mauvaises, surexcitées par la marche belligérante de l'armée française contre Rome. Le grand prêtre des sociétés secrètes, Mazzini, persuadé que rien n'est fait tant qu'il reste quelque chose à faire, stimule le zèle de ses adeptes par un virulent article, inséré le 23 mai 1849 dans son journal intitulé : l'Italie du Peuple. Cet article est en quelque sorte le résumé de l'opuscule de Ric

eiardi. De tout temps les révolutionnaires se sont calqués les uns sur les autres, en exagérant le trait, comme la révolution de février, qui s'est faite la caricature de 1793, comme la République romaine, qui s'est faite la copie servile de la révolution de février.

« Ces premiers mouvements des peuples, dit Mazzini, ces premières batailles qui se livrent dans les capitales de toute l'Europe sont à leur commencement et non à leur fin. Ce ne sont pas des changements, mais des préliminaires de changements, parce que la vraie révolution républicaine ne fait aujourd'hui que jeter ses premières flammes, et ce que les peuples voient et entendent, n'est que l'ombre des troubles qui se préparent.

« Les sociétés où règne l'injustice doivent être renversées jusques au fond de leurs entrailles; les nations asservies aux castes privilégiées, aux exactions des usuriers sont déjà remuées par l'instinct que la civilisation imprime à la véritable fraternité sociale. L'homme se sent homme, l'humanité marche dans la voie du progrès; mais comme dans chaque accou

C.

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