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MARINET.-LORD WELLINGTON.

ARRÊT DU 14 MAI 1819.

DANS la
ANs la nuit du 10 au 11 février 1818, au moment où lord
Wellington rentrait en son hôtel rue des Champs-Élysées,
un coup de pistolet fut tiré, dit-on, sur sa voiture.

Les recherches les plus actives ne purent faire découvrir aucune trace de la balle que le pistolet aurait pu contenir 1.

Une instruction judiciaire fut immédiatement commencée. Enfin, les soupçons se portèrent sur un ancien soldat nommé

Cantillon.

Quelques indiscrétions d'un sieur Marinet, ancien auditeur au conseil d'état de Bonaparte, qui s'était vanté auprès de lord Kinnaird d'avoir entendu parler d'un projet d'assas→ siner lord Wellington, éveillèrent aussi les soupçons sur lui: et, malgré sa qualité de révélateur, il fut arrêté et mis en jugement avec Cantillon.

L'un et l'autre comparurent devant la cour d'assises de Paris, le 10 mai 1819.

Comme le gouvernement français attachait la plus haute importance à prouver à l'Europe qu'on n'avait négligé aucun moyen de réprimer l'attentat dont on croyait que le noble duc avait été l'objet, on donna beaucoup de solennité aux débats, et on fit entendre un grand nombre de témoins dont quelques-uns étaient venus exprès de la Belgique.

Plusieurs ambassadeurs et généraux étrangers étaient présens. L'affaire dura cinq audiences.

'Aussi vit-on l'un des journaux qui rendaient compte de cette affaire, intituler constamment ses articles de la manière suivante : Coup de pistolet tiré à balle ou sans balle, sur ou près la voiture du duc de Wellington.

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Bref, Marinet et Cantillon furent acquittés, et le ministère usa envers Marinet d'une courtoisie telle, que deux passeports lui furent offerts, audience tenante, par M. l'avocatgénéral, selon qu'il voudrait retourner en Belgique, ou aller en Suisse rejoindre sa famille.

Le plaidoyer de Me Dupin n'a pas été recueilli en entier. Nous ne pouvons en présenter que l'analise, telle qu'elle a été rapportée dans le temps.

pas

Le ton de cette plaidoirie est, en général, épigrammatique; un peu trop peut-être. On y voit que l'orateur n'aime les Anglais; et, à la manière ironique dont il prononça cette phrase dans une de ses répliques : « Je n'attaque point la « loyauté du noble duc; et je n'examine point comment il « observe les capitulations... 1; » on crut remarquer que le défenseur du maréchal Ney avait gardé rancune à lord Wellington.

Les journaux anglais de l'opposition traduisirent ces sarcasmes, et en amusèrent quelque temps le public des trois royaumes.

Ce qu'il y a d'assez remarquable, c'est que Napoléon qui avait eu connaissance de cette affaire par les journaux, a légué, par son testament, une somme de dix mille francs à Cantillon, en termes qui prouvent, au surplus, jusqu'à quel point il avait été aigri par les mauvais traitemens de la geôle anglaise de Sainte-Hélène.

I Constitutionnel du 12 mai.

PLAIDOYER

POUR LE SIEUR MARINET,

DANS L'AFFAIRE DU COUP DE PISTOLET PRÉTENDU TIRÉ SUR LA VOITURE DU DUC DE WELLINGTON.

MESSIEURS LES JURÉS,

Tous les crimes doivent être punis: qu'ils aient été commis sur des nationaux ou sur des étrangers, fût-ce même sur des ennemis, la justice est la même pour tous.

Je vais plus loin: entre toutes les impressions qui d'abord pouvaient être défavorables aux accusés, la plus redoutable pour eux fut sans doute ce sentiment secret qui, pour l'intérêt même de l'honneur national, parut réclamer plus de scrupule dans l'examen des preuves, et plus de sévérité dans l'application des lois, précisément parce qu'il était bruit d'un assassinat tenté, disait-on, par des Français sur la d'un étranger.

personne

Toutefois, si l'instruction étendue dans tous les si les recherches poussées jusqu'aux plus minutieux détails, continuées pendant quinze grands mois,

sens,

dans deux royaumes différens, n'ont produit aucun résultat; loin de regarder le néant des preuves comme un fait qu'il faudrait déplorer, nous aurons à nous réjouir de ce qu'un crime aussi odieux, aussi opposé au génie du caractère français, n'a point souillé une époque déjà trop féconde, hélas! en illustres forfaits.

M. l'avocat-général semble avoir rendu notre tâche plus facile; cependant, plus il a montré d'élévation dans les sentimens et de générosité dans le caractère, plus ce qu'il a conservé de l'accusation mérite d'être soigneusement réfuté, afin qu'il n'en reste absolument rien contre aucun Français. C'est un plaisir que nous voulons procurer même aux étrangers.

En 1816, année féconde en supplices, Marinet fut condamné à mort par la cour prévôtale de Dijon, comme un des auteurs de cette vaste conspiration qui avait, disait-on, ramené Napoléon de l'île d'Elbe; conspiration négative, crime d'inertie, sur lequel on est désormais bien fixé.

Condamnation heureusement par contumace! Marinet avait suivi le conseil du président de Harlay, qui disait que si on l'accusait d'avoir emporté les tours de Notre-Dame, il commencerait par se sauver (cet homme connaissait les révolutions!).

Marinet s'expatrie; il voyage en Suisse, en Italie, en Grèce; Smyrne le voit; il revient à Trieste. Il obtient des lettres de recommandation pour l'Amérique, et prend un passe-port pour cette destination. Il repart; traverse la Suisse, longe l'Allemagne, et

se dirige vers les Pays-Bas; mais en allant de Francfort à Mayence il est dévalisé.

Le 30 juillet 1817, il arrive à Bruxelles, dénué de tout.

Ses relations avec divers accusés s'expliqueront en discutant les charges; quant à présent je ne veux que lier les principaux faits.

Peu de jours après son arrivée à Bruxelles, Marinet va à Anvers pour voir M. de Warbruch, auquel il était recommandé par le duc de Bassano, pour faciliter son embarquement pour l'Amérique.

Là, il fait la rencontre d'un nommé Alexandre, qui lui parle d'un prétendu projet d'assassiner le duc de Wellington.

L'existence de cet officier et sa présence à Anvers à l'époque indiquée par Marinet vous ont été attestées par plusieurs témoins.

Marinet vous a expliqué pourquoi, à l'instant même, et sur le premier avis qu'il en reçut, il n'avait pas révélé cette confidence.

Vous vous rappelez son principal motif 1.

De plus, il voulait savoir si ce n'était pas un bruit en l'air, et enfin dans quel intérêt le coup était médité.

Plus tard, il acquit la certitude, que si le projet d'attenter aux jours de Wellington était réel, ce projet n'avait pas été conçu dans l'intérêt du parti dans lequel il se trouvait rangé par l'arrêt de la cour prévôtale.

Il se décida dès lors à en parler à lord Kinnaird,

'Je ne m'intéressais pas assez à la santé du duc de Wellington.

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