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CARTE 48. CLUSE DE DONZÈRE.

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Le Rhône, après s'être étendu dans un lit majeur que dessinent, sur la rive gauche, des terrasses, se resserre en un étroit défilé entre des roches calcaires. Les châteaux et vieilles villes qui occupent les flancs traduisent l'importance historique du passage. C'est par une série de cluses, dont celle-ci est la principale, que la nature de l'Europe centrale fait place à celle de la Méditerranée. L'olivier commence vers Donzère.

VIE CANTONALE
LE LONG

DE LA VALLÉE
Du Rhône.

du passé, tout semble éteint. Il y en a une cependant qui travaille encore avec une force à peine amortie, c'est l'érosion. Exaspérée par la violence du climat et le bas niveau de la vallée, elle s'exerce surtout sur le flanc que lui oppose le Massif central. Elle y a entaillé des cirques, creusé des escarpements de plus de 600 mètres, affouillé entre des parois amincies des vallées profondes. Lorsque dans ces cirques s'engouffrent, en automne, les bourrasques du Sud-Est, ce sont des déluges à tout emporter. Le 10 septembre 1857, après une crue du Doux et de l'Erieux, le Rhône, au Pouzin, « ne présentait d'une rive à l'autre qu'un vaste train de bois, si compact qu'avec un peu d'audace on aurait pu traverser le fleuve '. »

La sculpture de la montagne a tracé les cadres naturels où se sont cantonnées de petites sociétés individualisées. Si, près de Tournon ou de Lavoulte, nous pénétrons dans une de ces anfractuosités par lesquelles, de temps à autre, se déchargent ces débâcles, tout d'abord ce ne sont qu'escarpements sauvages au fond desquels la rivière, en été, n'est plus qu'un chapelet de vasques dormantes entre lesquelles ruissellent quelques filets limpides; hypocrite mansuétude que démentent les arbres qu'on voit çà et là couchés dans les graviers. Mais à mesure qu'on s'élève, les rampes déchirées font place à des bassins en amphithéâtre, cultivés en gradins, où de petites villes fortifiées attestent la présence d'une vie historique. C'est surtout aux environs de 400 mètres qu'elles s'échelonnent2: les cultures de vignes et de fruitiers y confinent à la zone des châtaigneraies. Celles-ci montent désormais, enveloppant presque seules, pendant 300 mètres, les croupes de plus en plus arrondies de la montagne, sous leurs dômes de feuillage. Vers 800 mètres elles cèdent à leur tour la place à des pâturages coupés de petits bois de sapins et bouleaux. Ainsi, sur les flancs entaillés de la montagne, s'étagent les zones. Dans les cultures disposées en gradins, dans les rigoles ingénieusement distribuées, se fait sentir un aménagement minutieux, qui indique une population longtemps repliée sur la terre natale et obligée d'en tirer sa vie.

Tel fut en effet le pays qui, sous le nom de Boutière, a abrité, entre le Mont Pilat et le Tanargue, une vie autonome. Il ressemble par là au couloir du Vivarais et aux profondes vallées que, plus loin vers le Sud, entre le Tanargue et l'Aigoual, les forces vives de l'érosion ont entaillées dans les schistes, et qui sont par excellence le pays cévenol. De toutes parts ainsi dans les replis des chaînes se

1. Annales des Ponts el Chaussées, 4 série, t. I, 1861, p. 5. (Rapport sur les inondations du département de l'Ardèche.)

2. La Mastre, 386 mètres; Desaignes, 429 mètres; Le Cheylard, 432 mètres. (Voir cidessus, la figure 39 et la figure 41.)

dessine l'encadrement d'une vie cantonale semblable à celle de l'Apennin, du Pinde, de l'Atlas même, en un mot de la ceinture montagneuse de la Méditerranée.

Cependant, à travers tous ces changements d'aspect, entre ces

CONTRASTES

TERRANÉENNE.

pays alpins, vivarais, cévenols, coule le grand fleuve historique, leur DE LA VIE MÉdilien commun. Plus on va vers le Midi, plus le contraste s'accuse entre le roc et la plaine. Celle-ci a les saules, les peupliers, les oseraies parmi les eaux vives; seule une vigueur inaccoutumée de lianes, de clématites, de roseaux dans les îles du fleuve ou sur les flaques de débordement, atteste l'action d'un soleil plus puissant. Les roches, de plus en plus décharnées, encadrent les bassins que traverse le fleuve ou pointent brusquement au-dessus de l'alluvion. Villes, bourgs et châteaux forts s'y sont nichés. Sur leurs flancs s'accrochent des villages aux maisons presque sans fenêtres, pelotonnées ensemble; de vieilles petites villes aux ruelles caillouteuses et grimpantes, des ruines de forts, jaunes et croulantes comme les roches elles-mêmes. Mais de son flot verdâtre le fleuve enlace des fourrés de végétation. Peu à peu de petites maisons en cailloutis, presque des huttes, parsemant des cultures de vergers, se sont aventurées sur l'alluvion, ont osé se détacher des versants rocheux et des anciennes terrasses fluviatiles. Les cultures s'y blottissent à l'abri des palissades de roseaux et de cyprès que courbe le mistral. On voit courir en rigoles l'eau vive. C'est la vallée qui vit de sa vie propre entre les pays différents qui la bordent.

Ce contraste est, lui aussi, un signe de nouvelles régions qui commencent. La civilisation de la Méditerranée, s'est développée sous l'influence d'un contact étroit entre deux choses qui nulle part n'engendrent plus de différences sociales, parce que nulle part elles ne sont plus opposées et plus contiguës: la montagne et la plaine. C'est ce que Strabon exprimait en parlant de la juxtaposition de « l'élément agricole et politique et de l'élément guerrier 1». Cette juxtaposition de la vie cantonale et de la vie urbaine, de l'excès de simplicité et de l'excès de raffinement, est un des contrastes heurtés dont abonde la région de la Méditerranée; un de ces contrastes qui sont la source d'une foule de relations. Du Vivarais à la vallée du Rhône, des Cévennes au Bas-Languedoc s'échangent de temps immémorial des rapports qui rappellent ceux qui se transmettent des Apennins au Latium, des Abruzzes à la Pouille. Un mouvement en quelque sorte

1. Strabon (II, v, 26) dit, en parlant du monde méditerranéen: WσTE яανтaɣoũ xai tò γεωργικὸν καὶ τὸ πολιτικὸν καὶ τὸ μάχιμον παρακεῖσθαι.

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rythmique règle la vie méditerranéenne, en vertu des conditions si tranchées de relief et de climat. On y voit, de la montagne à la plaine et inversement, les troupeaux se déplacer suivant les saisons, en franchissant de grandes distances. Et l'histoire nous montre aussi un afflux continuel de population coulant de la montagne rude et pauvre vers la plaine pour lui infuser une nouvelle vie, et remplacer tout ce que l'excès de civilisation, dans les grandes villes de la côte, ne tarde pas à dévorer. La montagne, il est vrai, renvoie, chaque hiver, à la plaine les troupeaux qui lui en sont venus; tandis que la plaine ne rend guère à la montagne les forces humaines qu'elle en reçoit.

II

LE MASSIF CENTRAL

CHAPITRE PREMIER

L'ENSEMBLE DU MASSIF CENTRAL

E

INTRE les plaines du Centre et celles du Sud de la France s'interpose, de Lyon jusque vers Limoges, un groupe de hautes terres qu'on appelle aujourd'hui Massif ou Plateau central. Sous les noms de Limousin, Auvergne, Montagnes d'Auvergne, Velay, Rouergue, Gévaudan, etc., il était depuis longtemps connu dans l'histoire. Par la latitude c'est plutôt au Midi de notre pays qu'il appartient; de même par la langue, la civilisation, le droit. Sa participation à la civilisation dite provençale fut active et brillante. Foyer d'habitants tenaces, ambitieux de fonctions publiques, émigrant facilement, cette contrée était apte à exercer de l'influence autour d'elle. Cela n'a pas manqué. Si, par l'Église, par les habitudes administratives ou juridiques, ou autrement, le Midi de la France a exercé une grande action sur nos destinées générales, c'est surtout aux populations du Massif qu'il le doit. Sans elles cette action n'aurait été ni si persévérante ni si énergique. Les influences méridionales se sont consolidées dans ce Midi robuste et montagnard. Les habitudes traditionnelles dont le Midi avait plus directement hérité que le Nord, ont disposé d'un levier grâce auquel elles ont pesé d'un plus grand poids. On se trouve donc en présence d'un ensemble qui mérite autant l'attention de l'historien que celle des géologues.

Dans l'enquête sur le passé de la Terre, l'étude du Massif central forme un chapitre presque aussi fécond en enseignements que celle des Alpes. Elle ne remonte guère plus haut. L'initiative vint de

STRUCTURE
DU MASSIF.

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