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VOISINAGE

DE L'OCÉAN.

Une fois sur les plateaux calcaires, rien de plus aisé que l'accès vers l'Océan. A partir du seuil qui divise les eaux du Clain et de la Charente, les pentes s'abaissent rapidement. L'Océan même semble venir à la rencontre de l'intérieur. Jadis un golfe, dont les alluvions marines dessinent les contours, pénétrait jusqu'à Niort. Ce golfe existait en grande partie à l'époque romaine; et jusqu'au XVIe siècle la dépression marécageuse où se traîne la Sèvre nous est dépeinte comme une région amphibie, fréquentée par la pêche et la vie maritime. La Charente, de son côté, cède à partir d'Angoulême à la pente générale vers l'Ouest. Son cours désormais plus abondant trace une voie navigable qui, du moins à partir de Cognac, fut toujours active. A Saintes elle commence à sentir la marée. Sur la douce colline où elle s'étale, l'antique cité, avec ses couvents entourés de grands jardins et ses ruines, fait penser à ces villes de Provence et d'Italie que Rome a marquée de son empreinte.

Ce furent, en effet, des souffles venus d'au delà des Alpes qui se firent sentir, à travers le Massif central, jusqu'à ces contrées de Saintonge. L'attention s'est détournée de ces antiques voies, parce que d'autres relations, dans le cours des siècles, ont prévalu. Mais leur signification s'affirme dans le passé. Les différences de civilisation qu'on observe chez nous entre le Nord et le Sud tiennent en grande partie à ce que le Midi d'Aquitaine garda pendant longtemps ses voies d'accès direct vers les pays transalpins.

Dès le seuil de ce bassin d'Aquitaine que baigne la Garonne et qu'encadrent les Pyrénées, on est averti de ces rapports par l'aspect que prend, à Poitiers, Angoulème, Périgueux, l'architecture religieuse. Des influences byzantines s'y font sentir. Elles étaient sans doute parvenues jusque-là par ces routes qui, parties d'Italie ou de Provence, pénétraient à travers le Massif central dans la contrée entre Loire et Garonne. Par elles se transmirent jusqu'à l'Océan quelques lointains rayons d'une civilisation qui brillait encore d'un vif éclat, quand celle du Nord de la France commençait à peine à poindre.

L'OUEST

LIVRE III

I

CHAPITRE PREMIER

C

VUE GÉNÉRALE DE L'OUEST

l'EST vers Confolens que les roches anciennes qui caractérisent le Massif central disparaissent de la surface sous un revêtement calcaire. Là se trouve la limite occidentale de cette grande région. Mais dans la contrée de transition qui lui succède, les roches primitives ne s'enfoncent jamais très profondément dans le sol. Après une éclipse de 70 kilomètres, elles reparaissent pour constituer un nouveau massif primaire, moins étendu que le Massif central, mais considérable encore et par lequel la France se projette sur l'Océan.

Qu'on l'aborde par le Sud-Est ou par l'Est, en venant de Poitiers, du Mans, d'Alençon ou de Caen, on est frappé par un certain nombre de traits qui se marquent de plus en plus fortement. Le relief devient plus rigide; les roches ont une tonalité plus sombre; les arbres épaississent leurs rangs, sans pourtant former des forêts; les champs, les prés, les pâtis se morcellent et s'enfouissent entre des haies vives. Ce sont ces derniers traits que le langage populaire a exprimés en donnant le nom de Bocage, en Normandie, comme dans le Maine et le Poitou, aux parties périphériques du Massif de l'Ouest. Dès les approches, on a l'impression qu'on entre dans une région fortement caractérisée, qui rappelle souvent par la nature de ses roches le Massif central, mais où l'âpreté s'atténue par la douceur du climat et

TRAITS GÉNÉRAUX
DE STRUCTURE.

l'alanguissement du relief. Le morcellement géologique est extrême; il en résulte que ce massif forme un ensemble de pays, plutôt qu'un groupe de provinces.

Par quel nom convient-il de le désigner? Celui de Bretagne serait impropre, car la Bretagne n'en forme qu'une partie, les autres étant : le Cotentin, le Bocage normand, une fraction du Maine et de l'Anjou, et cette portion du Poitou qui a pris le nom de Vendée. Même le nom d'Armorique, qui lui est souvent appliqué, serait inexact; car ce vieux mot celtique exprime le contact de la mer or la contrée est intérieure et rurale encore plus que maritime. Le mot d'Ouest, dans l'acception que tend à lui donner l'usage, est encore celui qui paraît le plus capable d'exprimer ce qu'il y a de commun entre ces pays et ces peuples qui, à l'exception des marins, se sont peu mêlés à la vie du dehors, mais ne se sont guère davantage fondus entre eux.

La structure s'en accuse par une singulière continuité de traits, qui n'est pas étrangère à l'impression de monotonie que laisse l'ensemble. C'est la partie restée émergée d'un massif plissé à l'époque primaire, qui a subi pendant l'immense étendue des périodes suivantes l'arasion des agents physiques. Diverses transgressions maritimes l'ont envahi, mais seulement en partie. Des oscillations semblent avoir affecté récemment son niveau, mais il n'a pas été atteint par les mouvements orogéniques qui ont relevé le Massif central. Les révolutions y sont dans un lointain énorme. Il y a eu de hautes montagnes, mais elles sont usées jusqu'à la racine. Il y a eu des volcans, mais depuis les temps primaires leur activité a cessé. Les plis primitifs ne se traduisent plus à la surface qu'à travers le modelé qu'a guidé la diversité de consistance des roches. Gneiss, granits, schistes et grès, puis vers le centre, calcaires et schistes de l'époque dévonienne et carbonifère, se succèdent suivant de longues bandes dirigées de l'Est ou Sud-Est vers l'Ouest ou Sud-Ouest.

La structure est celle d'un double plateau anticlinal encadrant et resserrant tour à tour des synclinaux de forme elliptique. Les bandes dont se compose le plateau méridional commencent dès le Poitou et se prolongent en convergeant jusqu'à la Cornouaille et à la pointe du Raz. Celles du plateau septentrional, moins régulièrement ordonnées, se déroulent cependant à partir du Bocage normand, du Cotentin et du Maine, avec une convergence marquée aussi vers l'Ouest. La mer, qui les recouvre en partie, en laisse deviner la continuité dans les îles et écueils du golfe normano-breton. Ils se rapprochent, dans le Léon, des plis correspondants de la Cornouaille; mais c'est au large d'Ouessant, sous les flots de l'Atlantique, qu'il faudrait en chercher le prolongement.

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Varnie's

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Les Coëvrons, les bandes pressées que traverse la Vilaine, le

Sillon de Bretagne et la Gâtine dessinent l'ossature du massif primaire. En bordure s'étalent les sables du Maine, les plateaux calcaires et l'ancien golfe du Poitou.

SOL ET MODE

Cette structure pourrait faire supposer que le Massif de l'Ouest trouve un centre dans le pli ou sillon qui, de Laval à Châteaulin, s'intercale entre le plateau méridional et le plateau septentrional. Là, en effet, se rattachent les deux ailes relevées du Massif; et l'inclinaison des couches a permis à des terrains un peu plus récents, un peu plus variés, moins dépourvus de chaux, de s'y conserver. Mais les efforts de compression latérale se sont exercés avec une telle intensité que les couches intermédiaires qui constituent le synclinal intérieur ont été laminées, interrompues et par endroits supprimées de la surface. Elles se prolongeaient primitivement de l'Est à l'Ouest sur toute l'étendue du Massif, du Maine au Finistère; elles ont été sur la majeure partie de leur parcours si bien réduites qu'il faut l'œil du géologue pour les discerner. Deux lambeaux un peu considérables subsistent seulement: l'un à l'extrémité orientale qui est le bassin de Laval; l'autre à l'extrémité occidentale, qui est celui de Châteaulin. Mais ces deux bassins sont relativement exigus; et rien ne les fait communiquer entre eux. Il n'y a dans ce synclinal que des tronçons de rivière; aucun fleuve continu n'a réussi à s'y établir. Les eaux courantes n'ont pas rencontré dans le Massif de l'Ouest les conditions favorables qui dans des régions de « pénéplaines » analogues, comme le sont aux États-Unis les Appalaches, ont permis de creuser une «<< grande vallée », c'est-à-dire une sorte de couloir la sillonnant dans leur longueur. Ce trait général, qui eût servi de correctif au morcellement qui est le fond de l'Ouest, fait défaut.

Cette structure hachée fait apparaître à la surface des sols difféDE PEUPLEMENT. rents, au contact desquels des sources jaillissent, petites mais très nombreuses. A côté des grès stériles, des âpres granits il y a, sans parler de quelques riches alluvions, des schistes; et le « roc » schisteux, comme on l'appelle, quand il est travaillé à la main, amolli et lubrifié par le climat, ne refuse pas de produire. Mais c'est un sol incomplet, et prompt à s'épuiser si des amendements ne viennent réveiller sa vigueur. Or il n'y avait guère d'autres voies de transport autrefois que les chemins creux coupés d'ornières, hérissés de chirons ou saillies pierreuses, si fréquents encore dans tout l'Ouest. Ils n'offraient passage qu'à une bête de somme, et c'était dans des paniers suspendus aux deux extrémités du bât que voyageaient à grand'peine les grains ou les substances destinées à améliorer le sol. Là donc se constitua un type d'agriculture demi-pastorale, fondée sur la nécessité de longues jachères pour rendre au sol ses éléments nutritifs et trouvant un auxiliaire dans l'abondance des biens communaux. Près de la maison, dans les courtils ou bordages, était l'endroit privilégié auquel on réservait les soins assidus, la bonne terre,

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