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ET DE

LA BRETAGNE.

diversité des produits, à joindre aux ressources de la petite culture celle de la petite industrie et de profits cueillis au dehors, les Bocains se tiraient d'affaire; car, disait d'eux l'intendant de Foucault, « leur naturel est assez vif ». L'industrie trouvait un aliment dans ce sol ferrugineux, parmi cette abondance d'eaux courantes. Ces petites forges que montre Lenain, dont le forgeron aidé d'un petit garçon compose le personnel, pouvaient s'y multiplier grâce au minerai et au charbon de bois. Peu de rivières dont les eaux ne servissent à mouvoir des moulins, à préparer des peaux, blanchir des étoffes; peu de hameaux où ne retentit autrefois le battement des métiers, souvent égayé de quolibets et proverbes dont chacun avait sa part. La quincaillerie régnait à Sourdeval, Tinchebray; la chaudronnerie à Villedieu-les-Poëles. Chaque village avait sa spécialité; et ces spécialités mêmes contribuèrent, comme en Bretagne, à former des villages. Chaque année les muletiers bretons venaient chercher les produits de ces industries domestiques, qui prenaient le chemin de Granville ou de Saint-Malo; tandis qu'au printemps des troupes de fondeurs ou chaudronniers ambulants sortaient du pays pour se répandre jusqu'aux extrémités de la France, et faire connaître au loin le nom de Bocains.

Ces barres de grès ou de granit qui, vers Alençon et Argentan, se De La Normandie dégagent des formations plus récentes par lesquelles, vers l'Est, elles sont recouvertes, se poursuivent jusqu'à la côte. Ce sont elles qui, à Avranches, se parent de végétation avant de se perdre dans les marais et les grèves; qui, à Granville, projettent le roc où la ville serre avec méfiance ses maisons grises. Mais elles ne se terminent pas en réalité sur la côte. Elles plongent sous les flots, et la continuité des plis, à travers l'archipel normand jusqu'à la péninsule bretonne, est en partie dissimulée. Les portions que la mer ne dérobe pas au regard se décomposent en îles ou s'émiettent en écueils frangeant les côtes. Ces innombrables découpures sont les saillies émergées du socle continental envahi par la mer. C'est ainsi qu'entre la Bretagne et le Cotentin s'enfonce un grand golfe, qui a quelque chose d'un vik scandinave par sa forme générale et par les découpures qui le bordent. Les côtes se rapprochent graduellement. Du haut des flèches effilées de la cathédrale de Coutances on aperçoit au large Jersey dans la brume. Enfin les deux rivages s'enlacent en une immense courbe autour du roc du Mont Saint-Michel.

Le site est solennel. Là se rencontrent et se sont heurtés deux

1. Saint-Jean-la-Poteric, près de Redon.

peuples, deux races: Normandie et Bretagne. Leurs luttes ont disjoint, jusqu'à la réconciliation dans la patrie commune, ce que la nature paraissait unir. Encore même îles et continent ont suivi des fortunes diverses. Ne semble-t-il pas pourtant que la nature dans cette combinaison de côtes et d'iles avait disposé les éléments d'une puissance commune, d'une sorte d'amphictyonie maritime dont le Mont Saint-Michel eût été l'autel? Peut-être une ambitieuse vision d'unité traversait-elle l'esprit du Breton Nomenoé, quand, au IXe siècle, voulant constituer une Église indépendante de la métropole de Tours, il choisissait l'évêché de Dol, près du point d'intersection des deux rivages, pour y placer le siège archiépiscopal de la péninsule.

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la hauteur du 4o degré de longitude Ouest, vers Dol, Rennes et Nantes, la Bretagne se détache du Massif primaire. Elle semble alors s'élancer au large. Elle s'enfonce, comme un coin, sur un développement de 250 kilomètres, entre la Manche et l'Atlantique, s'écartant ainsi de plus en plus des grandes voies intérieures et de l'ensemble du sol français. Elle va accentuant son autonomie dans le réseau fluvial, dans le climat, le système de routes. Lorsque finalement elle expire sur l'Atlantique, elle est assez écartée du corps continental pour prendre rang au nombre des contrées de l'Ouest, des Hespéries, eussent dit les anciens, qui se projettent à l'extrémité de l'Europe. Ses dimensions, qui atteignent près de 30 000 kilomètres carrés, conviennent bien au développement d'une individualité régionale.

A y regarder de près toutefois, cette individualité est assez complexe. Au moment où le caractère péninsulaire commence à s'affirmer, la largeur de la Bretagne, du Nord au Sud, est de 170 kilomètres; cette largeur est encore de 100 kilomètres, deux degrés de longitude plus loin vers l'Ouest, sur la ligne où se détachent les derniers promontoires occidentaux. Il en résulte que la péninsule bretonne n'est pas autant que d'autres articulations moindres, telles que Jersey ou le Cotentin, soumise à l'influence dominante de la mer. Par l'étendue d'un littoral que le morcellement multiplie encore, la Bretagne aspire les influences du dehors; mais en même temps, par sa structure intérieure, elle les repousse. De là deux zones juxtaposées en ce pays une zone maritime, l'Armor, ouverte sur le

dehors; une zone intérieure, reculée et comme repliée sur elle-même.
Ce contraste n'est pas une des moindres originalités de la Bretagne.

STRUCTURE

Cette structure est visiblement le prolongement de la partie continentale du Massif de l'Ouest; mais le faisceau de plis dont DE LA BRETAGNE. l'éventail très ouvert s'épanouit à l'Est, entre le Poitou et la Nor

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CARTE 54. PARTIE OCCIDENTALE DE LA BRETAGNE.

Les deux plateaux convergent l'un vers l'autre à l'Ouest. Des pays distincts s'échelonnent
sur les côtes; des landes, des forêts occupent une partie de l'intérieur.

mandie, se resserre et se contracte en Bretagne. Comparée au reste
de l'Ouest, elle se distingue par une structure plus ramassée, une
ossature où il y a moins de chair que de nerfs et de muscles. Les
deux plateaux, celui du Nord et celui du Sud, convergent; et dans
l'intérieur de chacun d'eux les plis se pressent en bandes de plus en
plus serrées.

De Nantes à l'extrémité de la Cornouaille, parallèlement à l'Atlan-
tique, le bord du Plateau méridional est formé par une bande très

PLATEAU MERIDIONAL.

PLATEAU

SEPTENTRIONAL.

régulière de roches micaschisteuses injectées de bancs granitiques. Des sources et des sillons temporairement suivis par les rivières jalonnent le contact des deux roches. Les croupes granitiques s'élalent surtout entre la Vilaine et le Blavet ; et le pays alors devient plus grand, plus découvert, plus nu; ce sont les landes qui ferment régulièrement au Nord l'horizon du pays de Vannes, landes arides, mais plus ou moins fleuries, et dont l'âpreté n'exclut pas une certaine douceur. Derrière se déroulent des arêtes parallèles de grès alternant avec des schistes plus tendres, mais laissant encore à ces différents faisceaux assez de largeur pour que la Vilaine, qui les traverse entre Rennes et Redon, trouve entre les défilés du grès d'assez spacieux bassins pour s'épanouir. La topographie ne traduit pas moins nettement le resserrement des plis vers l'Ouest. Une mince vallée rectiligne s'allonge entre Rosporden et Quimper; sources, étangs et prairies s'y pressent entre des croupes largement convexes. Les hauteurs dites Montagnes Noires sont couronnées par une double crête amincie de grès et de quartzites, entre lesquels un étroit sillon moule en creux le banc moins consistant des schistes.

La Vilaine, le Blavet et bien d'autres rivières traversent par une pente lente vers le Sud les bandes successives de roches: aucune n'a eu la force de combiner le réseau de ce Plateau méridional en un système hydrographique commun. Seule, l'Aune ou Rivière de Châteaulin, sinueuse dans son ancienne cavité lacustre, trouve sa voie vers l'Ouest en suivant un cours tracé en partie dans la dépression centrale.

Des plis allongés d'un vert sombre dessinent à l'horizon cette structure monotone. Les creux verdoyants alternent avec les croupes sèches; et il faut, par des rampes continuellement répétées gravir la barrière multiple qui sépare la mer de l'intérieur.

Le Plateau septentrional borde la Manche depuis Dol jusqu'au Pays de Léon. Mais il est moins étendu, plus coupé, jalonné en sens divers par des axes anticlinaux, dont la racine mise à nu apparaît sous forme de traînées granitiques. La plus soutenue de ces traînées, la mieux marquée dans le relief est celle qui des Landes du Méné, près de Moncontour, aux monts d'Arrée, sépare par une ligne irrégulière le versant de la Manche de celui de l'Atlantique. Tantôt allongés en sillons, tantôt proéminents en bosses de forme elliptique, les granits, ainsi que les grès armoricains et les quartzites qui les bordent, dressent entre les dépressions de schistes désagrégés ces formes en saillie, parmi lesquelles le vocabulaire breton sait distinguer des méné (monts pierreux), des creach (pointements rocheux), des quim (échines), etc. Nulle part ainsi la rude ossature ne se laisse oublier; partout elle se fait jour à travers la végétation épaisse et velue. Par

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