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grande quantité; on trouve dans leurs jardins quelques légumes, dont les graines leur ont été apportées d'Europe; mais tout ce qu'ils favent d'Agriculture, ils le tiennent des Européens établis chez eux; leur expérience à cet égard est très-bornée, &

n'ai découvert dans leur induftrie aucun procédé qui puiffe éclairer la nôtre.

Depuis la riviere d'Angola, jufqu'au Cap-Negre, & delà, jufqu'aux approches du Cap de Bonne-Efpérance, on ne voit que des terres arides & incultes; les côtes font nues, couvertes d'un fable stérile: il faut faire plufieurs lieues pour découvrir un palmier ou quelque verdure. La terre & le petit nombre de fes habitants paroiffent frappés d'une malédiction commune. Toutes les informations que j'ai prifes fur les lieux, des Miffionnaires Italiens qui ont le zele admirable de parcourir l'intérieur de ces maudites

régions, m'ont appris que l'agriculture n'y étoit guere plus floriffante que fur les côtes, quoique la terre en beaucoup d'endroits y annonce la plus grande fertilité par fes productions naturelles.

Cap de Bonne-Efpérance.

Les terres du Cap de Bonne-Efpérance étoient condamnées à la même ftérilité, avant que les Hollandois en priffent poffeffion; mais depuis leur établissement à cette pointe de l'Afrique, les terres y produifent en abondance du froment & des grains de toute efpece, des vins de différentes qualités, & une quantité confidérable de fruits excellents raffemblés des quatre parties du monde. On y voit de grands pâturages couverts de chevaux, de bœufs, & de bêtes à laine. Tous ces troupeaux réuffiffent parfaitement. L'abondance dont jouit cette colonie, comparée à la ftérilité des Pays

immenfes qui l'environnent, prouve évidemment que la terre n'eft avare que pour les tyrans & les esclaves; qu'elle prodigue des tréfors au-delà de toute espérance dès qu'elle eft libre, remuée par des mains libres, & cultivée par des hommes intelligents, que des loix fages & invariables protegent.

Une multitude de François, chaffés de leur patrie par la révocation de l'Edit de Nantes, ont trouvé dans cette côte une véritable patrie, & dans cette nouvelle patrie, la fûreté, la propriété, la liberté, feuls vrais fondements de l'Agriculture, feuls principes de l'abondance. Ils ont enrichi cette mere adoptive de leur induftrie & du travail ineftimable de leurs bras; ils y ont fondé des peuplades confidérables, dont quelques-unes ont tiré leur nom du Pays malheureux, mais toujours chéri, qui leur avoit refufé le feu & l'eau. La peuplade de

la Petite-Rochelle, furpaffe toutes les autres par l'induftrie des Colons qui la compofent, & par la richeffe des terres qui en dépendent.

Les pâturages y font compofés de différents graments naturels au Pays, & en partie des herbages qui forment nos prairies artificielles en Europe, telles que les trefles, la luzerne & le fainfoin. Les plantes étrangeres, dont les femences ont été apportées dans le Pays par les Hollandois, y réuffiffent comme les plantes naturelles. Toutes ces graines font femées fur un labour fait à la charrue; on ne coupe ces herbes que la premiere année; dès la feconde, on ouvre la prairie aux troupeaux qui y vivent à difcrétion, & l'on n'a plus d'autre foin que de les raffembler tous les foirs dans un parc fermé par des hautes & groffes paliffades, pour les garantir des tigres & des lions, dont le Pays ne manque pas.

Ces prairies ne font en général arrofées que par les pluies, quoi qu'on ait l'attention de les former dans le voifinage de quelque ruiffeau, où l'on pratique des abreuvoirs commodes. On est très - exact à ménager dans tous ces pâturages des bofquets d'arbres, où les troupeaux puiffent trouver un abri contre les ardeurs du foleil, fur-tout dans les mois de Janvier, Février & Mars, qui font les plus chauds de l'année dans cette partie du monde.

Les terres à grains s'y labourent comme en Europe, quelquefois par des chevaux, plus fouvent par des boeufs; les Hollandois de cette Colonie ont l'induftrie de corriger la lenteur de ces derniers animaux, en les exerçant de bonne heure à un pas vif; & j'ai vu au Cap des charriots tirés par des attelages de dix & douze paires de bœufs, aller auffi vite que s'ils avoient été traînés par de bons chevaux.

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