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rapprochement. Nous ne prenons la parole que lorsque nous ne pouvons faire autrement, pour une explication qui nous semble indispensable.

Disons enfin que ce n'est en aucune façon une édition savante des différents textes choisis que nous donnons ici. Cela n'était pas notre affaire, mais celle des éditeurs qui se sont attachés à un seul auteur. On ne trouvera de variante pour le texte de Bossuet, par exemple, que lorsque la variante a un intérêt pour la pensée morale. Nous avons évidemment choisi les textes que nous trouvions les meilleurs, mais sans même y renvoyer le plus souvent. Beaucoup d'ailleurs nous ont été fournis par les éditions mêmes de la maison Hachette, auxquelles nous ne nous sommes fait aucun scrupule d'emprunter parfois les notes avec le texte. Nous avons trouvé ainsi dans MM. Jullian, Lanson, Rébelliau, etc., de précieux collaborateurs. Et nous les remercions ici de ce que nous leur avons pris.

R. T.

EXTRAITS

DES MORALISTES

(XVII, XVIII, XIXe SIÈCLES)

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... Que l'homme contemple donc la nature entière dans sa haute et pleine majesté; qu'il éloigne sa vue des objets bas qui l'environnent; qu'il regarde cette éclatante. lumière mise comme une lampe éternelle pour éclairer l'univers; que la terre lui paraisse comme un point, au prix du vaste tour que cet astre décrit, et qu'il s'étonne de ce que ce vaste tour lui-même n'est qu'une pointe très délicate à l'égard de celui que les astres qui roulent dans

1. Titre donné par les éditeurs de Port-Royal à ce passage.

e firmament embrassent. Mais si notre vue s'arrête là, que l'imagination passe outre elle se lassera plus tôt de concevoir que la nature de fournir. Tout ce monde visible n'est qu'un trait imperceptible dans l'ample sein de la nature. Nulle idée n'en approche. Nous avons beau enfler nos conceptions au delà des espaces imaginables, nous n'enfantons que des atomes, au prix de la réalité des choses. C'est une sphère infinie dont le centre est partout, la circonférence nulle part1. Enfin c'est le plus grand caractère sensible de la toute-puissance de Dieu, que notre imagination se perde dans cette pensée.

Que l'homme, étant revenu à soi, considère ce qu'il est au prix de ce qui est; qu'il se regarde comme égaré dans ce canton détourné de la nature, et que, de ce petit cachot où il se trouve logé, j'entends l'univers, il apprenne à estimer la terre, les royaumes, les villes et soi-même son juste prix.

Qu'est-ce qu'un homme dans l'infini? Mais pour lui présenter un autre prodige aussi étonnant, qu'il recherche dans ce qu'il connaît les choses les plus délicates. Qu'un ciron3 lui offre dans la petitesse de son corps des parties incomparablement plus petites, des jambes avec des

1. Pascal a dû prendre cette image dans la préface mise par Mlle de Gournay à son édition des Essais de Montaigne de 1635. Trismégiste, dit Mlle de Gournay, appelle la déité cercle dont le centre est partout, la circonférence nulle part. »

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2. La considération des deux infinis est une idée fondamentale dans la philosophie de Pascal, et elle fait l'objet principal de l'opuscule intitulé l'Esprit géométrique.

3. Les entomologistes modernes ont restreint le sens du mot ciron. Pascal entend par ce mot les plus petits insectes.

A propos de ce passage de Pascal, M. Havet rappelle un commentaire historique fort intéressant de Michelet (l'Insecte, VIII) : « Que savait-on de l'infini avant 1600? Rien du tout. Rien de l'infiniment grand, rien de l'infiniment petit. La page célèbre de Pascal tant citée sur ce sujet est l'étonnement naïf de l'humanité, si vieille et si jeune,

jointures, des veines dans ces jambes, du sang dans ces veines, des humeurs dans ce sang, des gouttes dans ces humeurs, des vapeurs dans ces gouttes; que, divisant encore ces dernières choses, il épuise ses forces en ces conceptions, et que le dernier objet où il peut arriver soit maintenant celui de notre discours; il pensera peutêtre que c'est là l'extrême petitesse de la nature. Je veux lui faire voir là dedans un abîme nouveau. Je lui veux peindre non seulement l'univers visible, mais l'immensité qu'on peut concevoir de la nature, dans l'enceinte de ce raccourci d'atome. Qu'il y voie une infinité d'univers, dont chacun a son firmament, ses planètes, sa terre, en la même proportion que le monde visible; dans cette terre, des animaux, et enfin des cirons, dans lesquels il retrouvera ce que les premiers ont donné; et, trouvant encore dans les autres la même chose, sans fin et sans repos, qu'il se perde dans ces merveilles, aussi étonnantes dans leur petitesse que les autres dans leur étendue; car qui n'admirera que notre corps, qui tantôt n'était pas perceptible dans l'univers, imperceptible luimême dans le sein du tout, soit à présent un colosse, un monde, ou plutôt un tout, à l'égard du néant où l'on ne peut arriver?

Qui se considère de la sorte s'effrayera de soi-même, et, se considérant soutenu dans la masse que la nature lui a donnée, entre ces deux abimes de l'infini et du

qui commence à s'apercevoir de sa prodigieuse ignorance, ouvre enfin les yeux au ciel et s'éveille entre deux abimes.

« Personne n'ignore qu'en 1610 Galilée, ayant reçu de Hollande le verre grossissant, construisit le télescope, le braqua et vit le ciel. Mais on sait moins communément que Swammerdam, s'emparant avec génie du microscope ébauché, le tourna en bas, et, le premier, entrevit l'infini vivant, le monde des atomes animés. Ils se succèdent. A l'époque où meurt le grand Italien (1652), naît ce Hollandais, le Galilée de l'infiniment petit (1657). )

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