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Il est vrai que ma tête est lasse. Le fardeau que j'ai porté pendant vingt-ans (1) m'a si bien courbé, que je désespère de me redresser. Quoi qu'il en soit, rappelez-vous mon épigraphe non fumum ex fulgore, sedex fumo dare lucem. Laissez-moi fumer un moment, et puis nous verrons.

Avant que d'entrer en chantier, il faut, mon ami, que je vous prévienne de ne point regarder simplement comme mauvais les tableaux sur lesquels je glisserai. Tenez pour détestables les productions des Boizots, Nonnotte, Francisque, Antoine Lebel, Amand, Parocel, Adam, Descamps, Deshavs le jeune, et d'autres.

N'exceptez d'Amand qu'un morceau médiocre, Argus et Mercure, qu'il a peint à Rome; et de Deshays le jeune, qu'une ou deux têtes que son fripon de frère lui a croquées pour le pousser à l'académie.

Quand je relève les défauts d'une composition, entendez, si elle est mauvaise, qu'elle restera mauvaise, son défaut fut-il corrigé; et quand elle est bonne, qu'elle seroit parfaite, si l'on en corrigeoit le défaut.

(1) Le soin de veiller à l'édition de l'Encyclopédie

Nous avons perdu cette année deux grands peintres et un habile sculpteur: Carle Vanloo et Deshays l'aîné, et MichelAnge Slodz. La mort nous a aussi enlevé un amateur célèbre, le comte de Ca lus. Cependant, je me trompe fort, ou l'Ecole française, la seule qui subsiste aujourd'hui, est encore loin de son déclin. Rassemblez, si vous pouvez, tous les ouvrages des peintres et des statuaires de l'Europe, et vous n'en formerez pas notre Salon : Paris est la seule ville du monde où l'on puisse, tous les deux ans, jouir d'un spectacle pareil.

CARLE VANLOO.

CARLE VANLOO seul a laissé plus de

douze morceaux : Auguste qui fait fermer le Temple de Janus, les Graces, une Suzanne, sept Esquisses de la vie de Saint-Grégoire, une Vestale, l'Etude d'une tête d'Ange, un Tableau allégorique.

Monsieur du Houx toujours verd (1), vous ressemblez à la feuille de votre enseigne, qui pique de tous côtés. Il y a huit jours que l'article de Vanloo étoit trop court; aujourd'hui il est trop long: il restera, s'il vous plaît, comme il est.

(1) Petit compliment que je rembourse en passant. Tout honnête homme est exposé aux traits de la satyre dans sa profession. Moi, honnête faiseur de feuilles, j'ai reçu du philosophe, pour étrennes, une enseigne représentant un Houx, avec l'inscription au-dessus en demi-cercle Au Houx toujours verd; et en-bas, l'épigraphe ondoyante: Semper frondescit.

AUGUSTE

AUGUSTE FAIT FERMER LE TEMPLE DE JANUS.

Tableau de neuf pieds huit pouces de haut, sur huit pieds quatre pouces de large. Pour la Galerie de Choisy.

A droite de celui qui regarde, le Temple de Janus est placé de manière qu'on en voit les portes. Au-delà des portes, contre la façade du temple, la statue de Janus sur un piedestal. En-deçà, un trépied avec son couvercle à terre; un prêtre vêtu de blanc, les deux mains passées dans un gros anneau de fer, ferme les portes, couvertes en-haut, en-bas et dans leur milieu, de larges bandes de tôle. A côté de ce prêtre, plus sur le fond, deux autres prêtres vêtus comme le premier. En face du prêtre qui ferme, un enfant portant une urne et regardant la cérémonie, Au milieu de la scène et sur le devant Auguste, seul, debout, en habit militaire, en silence, une branche d'olivier à la main, Au pied d'Auguste, sur le même plan, un enfant, un genou en terre, une corbeille

I

sur son autre genou, et jettant des fleurs. Derrière l'empereur, un jeune prêtre dont

on ne voit presqué point la tête. Sur la gauche, à quelques distances, une troupe mêlée de peuple et de soldats. Du même côté, tout-à-fait à l'extrêmité de la toile et sur le devant, un sénateur vu par le dos et tenant un rouleau de papier: voilà ce qu'il plaît à Vanloo d'appeler une fête publique.

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Il me semble que le temple n'étant pas ici un pur accessoire une simple décoration de fond, il falloit le montrer davantage, et n'en pas faire une fabrique pauvre et mesquine; ces bandes de fer qui couvrent les portes sont larges et de bon effet. Pour ce Janus, il a l'air de deux mauvaises figures égyptiennes accollées. Et pourquoi plaquer ainsi contre un mur le Saint dujour? Le prêtre qui tire les portes, les tire à merveille; il est beau d'action, de draperie et de caractère. J'en dis autant de ses voisins les têtes en sont belles, peintes d'une manière grande, simple et vraie. La touche en est mâle et forte. S'il y a un autre artiste capable d'en faire autant, qu'on me le nomme. Le petit porteur d'urne est lourd

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