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et peut-être superflu. Cet autre, qui jette des fleurs, est charmant, bien imaginé et on ne peut mieux ajusté. Il jette ses fleurs avec grace; avec trop de grace, peut-être : on diroit, comme l'Aurore, qui les secoue du bout de ses doigts. Pour votre Auguste, M. Vanloo, il est misérable. Comment ne s'est-il pas trouvé dans votre atelier un élève qui ait osé vous dire qu'il étoit roide, ignoble et court; qu'il étoit fardé comme une actrice, et que cette draperie rouge, dont vous l'avez chamarré, blessoit l'ail et désaccordoit le tableau? Cela un empereur? avec cette longue palme qu'il tient collée contre son épaule gauche, c'est un quidam de la confrérie de Jérusalem, qui revient de la procession. Et ce prêtre, que j'apperçois derrière lui, que me veut-il avec son coffret et son action niaise et gênée ? Ce sénateur embarrassé de sa robe et de son papier, qui me tourne le dos, figure de remplissage, que l'ampleur de son vêtement par en-bas rend mince et fluet par én-haut: et le tout, que signifie-t-il? où est l'intérêt? où est le sujet?

Fermer le temple de Janus, c'est annoncer une paix générale dans l'empire, une ré

jouissance, une fête, et j'ai beau parcourir la toile, je n'y vois pas le moindre vestige de joie. Cela est froid; cela est insipide: tout est d'un silence morne, d'un triste à périr; c'est un enterrement de vestale.

Si j'avois eu ce sujet à exécuter, j'aurois montré le temple davantage. Mon Janus eut été grand et beau. J'aurois placé un trépied à la porte du temple; de jeunes enfans, couronnés de fleurs, y auroient brûlé des parfums. Là, on auroit vu un grand prêtre, vénérable d'expression, de draperie et de caractère. Derrière ce prêtre, j'en aurois grouppé quelques autres. Les prêtres ont été de tout temps observateurs jaloux des souverains: ceux-ci auroient cherché à démêler ce qu'ils avoient à craindre ou à espérer du nouveau maître ; j'aurois attaché sur lui leurs regards attentifs. Auguste accompagné d'Agrippa et de Mécène, auroit ordonné qu'on fermât le Temple; il en auroit eu le geste. Les prêtres, les mains passées dans l'anneau, auroient été prêts à obéir. J'aurois assemblé une foule tumultueuse de peuple, que les soldats auroient en bien de la peine à contenir. J'aurois voulu sur-tout que ma scène fût bien éclairée

rien n'ajoute à la gaîté comme la lumière d'un beau jour. La procession de St.-Sulpice ne seroit pas sortie par un temps sombre et nébuleux, comme celui du tableau de Vanloo.

Cependant, si dans l'absence de l'artiste, le feu eût pris à cette composition, et n'eût épargné que le grouppe de prêtres, et quel-' ques têtes éparses par-ci par-là, l'aspect de ces précieux restes nous auroit fait supposer un tableau superbe, et nous nous serions tous. écriés : quel dommage!

LES GA ACES.

Tableau de sept pieds six pouces de haut, sur six pieds deux pouces de large.

Parce que ces figures se tiennent, le peintre a cru qu'elles étoient grouppées. L'aînée des trois sœurs occupe le milieu, Elle est toute de face; elle a le bras droit posé sur les reins de celle que vous voyez à votre gauche, et le bras gauche entrelassé avec le bras droit de celle que vous voyez à votre droite, La scène, si c'en est une,

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est dans un paysage. On voit un nuage qui descend du ciel, passe derrière les figures, et se répand à terre. Celles des Graces qui ést à votre gauche, de deux tiers pour la tête et pour le dos, a le bras gauche posé sur l'épaule de celle du milien et tient un flacon dans sa main droite : c'est la plus jeune. La seconde à votre droite, de deux tiers pour le dos et de profil pour la tête, a dans sa main gauche une rose. Pour l'aînée, c'est une branche de myrthe qu'on lui a données et qu'elle tient dans sa main droite. Le site est jonché de quelques fleurs.

Il est difficile d'imaginer une composition plus froide, des Graces plus insipides, moins légères, moins agréables. Elles n'ont ni vie, ni action, ni caractère. Que fontelles-là? Je veux mourir, si elles en savent rien elles se montrent. Ce n'est pas ainsi que le poëte les a vues. C'étoit au printemps; il faisoit un beau clair de lune; la verdure nouvelle couvroit les montagnes; les ruisseaux murmuroient; on entendoit, on voyoit jaillir leurs eaux argentées; l'éclat de l'astre de la nuit onduloit sur leur surface. Le lieu étoit solitaire et tranquille: c'étoit sur l'herbe molle de la prairie, au voisinage d'une forêt,

qu'elles chantoient et qu'elles dansoient. Ja les vois, je los entends aussi. Que leurs chants sont doux qu'elles sont belles! que leurs chairs sont fermes! La lumière tendre de la lune adoucit encore la blancheur de leur peau. Que leurs mouvemens sont faciles et légers! C'est le vieux Pan qui joue de la flûte. Les deux jeunes Faunes, qui sont à ses côtés, ont dressé leurs oreilles pointues; leurs yeux ardens parcourent les charmes les plus secrets des jeunes danseuses. Ce qu'ils voient ne les empêche pas de regretter ce que la variété des mouvemens de la danse leur dérobe. Les Nymphes des bois ont accouru; les Nymphes des eaux ont sorti leurs têtes d'entre les roseaux. Bientôt elles se joindront aux jeux des aimables sœurs :

Junctaque Nymphas Gratic decentes
Allerno terram quatiunt pede.

Mais revenons à celles de Vanloo, qui ne valent pas les trois sœurs que je quitte. Celle du milieu est roide; on diroit qu'elle a été arrangée par Marcel. Sa tête est trop forte; elle a peine à la soutenir. Et ces petits lambeaux de draperie qu'on a collés sur les

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