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jet d'eau mesquin, de mauvais goût, et qui rompt le silence. Si les vieillards avoient eu tout l'emportement imaginable, et la Susanne toute la terreur analogue, je ne sais si le sifflement, le bruit d'une masse d'eau s'élançant avec force, n'auroit pas été un accessoire très-vrai.

Avec ces défauts, cette composition de Vanloo est encore une belle chose. De Troy a peint le même sujet. Il n'y a presqu'aucun peintre ancien dont il n'ait frappé l'imagination et occupé le pinceau; et je gage que le tableau de Vanloo se soutient au milieu de tout ce qu'on a fait. On prétend que la Susanne est académisée. Seroit-ce, en effet, que son action auroit quelqu'apprêt, que les mouvemens en seroient un peu trop cadencés pour une situation violente? Ou seroit-ce, plutôt, qu'il arrive quelquefois de poser si bien le modèle, que cette position d'étude peut être transportée sur la toile avec succès, quoiqu'on la reconnoisse? S'il y a une action plus violente de la part des vieillards, il peut y avoir aussi une action plus naturelle et plus vraie de la Susanne: mais, telle qu'elle est, j'en suis content; et si j'avois le malheur d'habiter up

palais, ce morceau pourroit bien passer de l'atelier de l'artiste dans ma galerie. Unpeintre italien a composé très-ingénieusement ce sujet. Il a placé les deux vieillards du même côté. La Susanne porte toute sa draperie de ce côté, et pour se dérober aux regards des vieillards, elle se livre. entièrement aux yeux du spectateur. Cette composition est très-libre, et personne n'en est blessé c'est que l'intention évidente sauve tout, et que le spectateur n'est jamais du sujet.

Depuis que j'ai vu cette Susanne de Vanloo, je ne saurois plus regarder celle de notre ami, le baron d'Holbach; elle est cependant du Bourdon.

LES ARTS SUPPLIANS.

Tableau allégorique de deux pieds cinq pouces de haut, sur deux pieds de large; appartenant au marquis de Marigny.

Les Arts désolés s'adressent au Destin pour en obtenir la conservation de madame

de Pompadour, qui les protégeoit en effet. Elle aimoit Carle Vanloo, elle a été la bienfaitrice de Cochin; le graveur Guai avoit son touret chez elle.

Trop heurense, la France, si elle se fut bornée à délasser le souverain par des amusemens, et à ordonner aux artistes des tableaux et des statues!

On voit à la partie inférieure et à droite de la toile, la Peinture, la Sculpture, l'Architecture, la Musique, les Beaux-Arts, caractérisés chacun par leurs vêtemens, leurs têtes et leurs attributs, presque tous à genoux et les bras levés vers la partie supérieure et gauche où le peintre a placé le Destin et les trois Parques. Le Destin est appuyé sur le Monde; le livre fatal est à sa gauche, et à sa droite l'urne d'où il tire la chance des humains. Une des Parques tient la quenouille, une autre file; la troisième va couper le fil de la vie chère aux Arts, mais le Destin lui arrête la main.

C'est un morceau très-précieux.que celuici. Il est du plus beau fini. Belles attitudes beaux caractères, belles draperies, belles passions, beau coloris, et composé on ne peut mieux.

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La Peinture devoit se distinguer entre les autres Arts; aussi le fait-elle. La plus violente allarme est sur son visage : elle s'élance; elle a la bouche ouverte ; elle crie. Les Parques sont ajustées à ravir; leur action et leurs attitudes sont tout-à-fait naturelles. Il n'y a rien à desirer, ni pour la correction du dessin, ni pour l'ordonnance, ni pour la vérité; la touche est par-tout franche et spirituelle. Les juges difficiles disent que la couleur trop entière des figures nuit à l'harmonie de l'ensemble. La seule chose que je reprendrois, si j'osois, c'est que le grouppe du Destin et des Farques, au lieu de fuir, vient en-devant; la loi des plans n'est pas observée. Ils accusent aussi les parties inférieures des Parques d'être un peu grêles. Cela se peut. Ce qui m'a semblé de ces figures, c'est qu'elles étoient d'un excellent goût de dessin. Peut-être que Vernet demanderoit que les nuages sur lesquelles elles sont assises fussent plus aëriens; mais, qui est-ce qui fera des ciels et des nuages au gré de Vernet, si la Nature ou Dieu ne s'en mêle? Une lueur sombre et rougeâtre s'échappe de dessous les vêtemens de là Parque au ciseau; ce qui fait concevoir une scène

qui se passe au bruit du tonnerre et aux cris des arts éplorés. On voit au côté gauche du tableau, au-dessous des Parques, une foule de figures accablées, désolées, prosternées; c'est la gravure avec des élèves.

Cela est beau, très-beau, et par-tout les tons de couleur les mieux fondus et les plus suaves. C'est le morceau qu'un artiste emporteroit du Salon par préférence; mais nous en aimerions mieux un autre, vous et moi, parce que le sujet est froid et qu'il n'y a rien-là qui s'adresse fortement à l'ame. Cochin, prenez l'allégorie de Vanloo j'y consens; mais laissez-moi la Pleureuse de Greuze. Tandis que vous resterez extasié sur la science de l'artiste et les effets de l'art, moi, je parlerai à ma petite affligée; je la consolerai, j'essuyerai ses larmes, je baiserai ses mains; et quand je l'aurai quittée, je méditerai quelques vers bien doux sur la perte de son oiseau.

Les Supplians de Vanloo n'obtinrent rien du Destin. Me. de Pompadour mourut au moment où on la croyoit hors de péril. Eh bien! qu'est-il resté de cette femme trop célèbre ? Le Traité de Versailles et ses effets; l'Amour de Bouchardon, qu'on admirera à jamais;

K

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