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muniant les pestiférés, sa Prédication de Saint-Augustin, sont distingués parmi ses tableaux publics.

Carle dessinoit facilement, rapidement et grandement. Il a peint large; son coloris est vigoureux et sage: beaucoup de technique, pen d'idéal. Il se contentoit difficilement, et les morceaux qu'il détruisoit étoient souvent les meilleurs. Il ne savoit ni lire ni écrire. Il étoit né peintre, comme on naît apôtre. Il ne dédaignoit pas le conseil de , ses élèves, dont il payoit quelquefois la sincérité d'un soufflet, ou d'un coup de poing; mais le moment après, et l'incartade du maître et le défaut de l'ouvrage étoient réparés.

I mourut le 15 juillet 1765, d'un coup de sang, à ce qu'on dit; et j'y consens, pourvu qu'on m'accorde que les Graces maussades qu'il avoit exposées au Salon précédent, ont accéléré sa fin (1). S'illeur eut

(1) Je ne crois pas que le mauvais succès des Graces du salon précédent ait influé sur sa vie ; et si ses Graces et son Anguste de ce salon-ci lui avoient causé quelque chagrin, ses esquisses de Saint-Grégoire et sa Susanne auroient eu de quoi le consoler. Vanloo étoit

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échappé, les dernières qu'il a peintes n'auroient pas manqué leur coup. Sa mort est

homme à prendre un violent déplaisir, à avoir un terrible accès de désespoir, mais non pas à se laisser ronger par le chagrin. Il avoit tous les symptômes du génie. Il étoit naturellement d'une humeur enjouée, et puis, tout-à-coup, il tomboit dans un silence effrayant pour qui ne l'auroit pas connu. Il restoit muet quelquefois pendant des semaines entières, soupant tous les soirs avec sa femme ses enfans et ses élèves, sans proférer une parole, et tournant sur eux des yeux étincelans et terribles. Il traitoit les élèves du roi qu'il avoit chez lui, comme des enfans. Il les assembloit quelquefois pour savoir leur jugement sur ce qu'il venoit de faire. S'il s'élevoit parmi eux une voix sincère, ils étoient obligés de se sauver tous, et à toutes jambes, pour n'être pas assonimés. Un quart-d'heure après, il faisoit venir le censeur, et lui disoit: tu avois raison; voilà 20 sols pour aller ce soir à la comédie; et il n'auroit pas fait bon de refuser ses présens. Quelquefois il envoyoit un élève lui acheter de la couleur, et quand celui-ci lui rapportoit quatre ou cinq sols que le marchand lui avoit rendus, il lui disoit: c'est pour toi, c'est pour toi; et il falloit les prendre ou s'exposer à quelque scène. Il alloit tous les soirs au spectacle, et sur-tout à la comédie italienne; mais il étcit aussi de grand matin dans son atelier, et quand il étoit pressé ou obsédé d'une idée, il passoit la nuit à se promener dans sa maison, comme un volcur qui cherche à s'échapper, et qui attend le retour de l'aurore avec impatience.

une perte réelle pour Doyen et pour Lagrenée.

Son confrère à l'académie Dan 'ré-Bardon, qui sait lire et écrire, mais qui ne sait pas faire de tableaux, a publié un précis de sa vie, où il n'y a rien de piquant. C'est qu'il faut être peintre pour écrire la vie d'un peintre. On trouve à la fin de cette brochure une Liste des principaux ouvrages de Carle.

MICHEL VANLOO,

Neveu de CARLE, et son successeur dans la place de Directeur de Ecole des Elèves pensionnaires du Roi.

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E plus remarquable de ses portraits est celui de Carle, son oncle. Il étoit placé sur la face du Salon la plus éclairée : on voyoit au-dessus la Susanne, l'Auguste et les Graces; de chaque côté, trois Esquisses; au-dessous, les Anges qui semblent porter au ciel Saint-Grégoire et son peintre ; plus bas, à quelque distance, la Vestale et les Arts supplians. C'étoit un mausolée que Chardin, qui présidoit à l'arrangement des tableaux, avoit élevé à la mémoire de son confrère.

Carle, en robe de chambre, en bonnet d'atelier, le corps de profil, la tête de face, sortoit du milieu de ses propres ouvrages.

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Il ressembloit à étonner la veuve ne put le regarder sans verser des larmes. La touche en est vigoureuse; il est peint de' grande manière, cependant un peu rouge. En général, Michel fait les portraits d'hommes largement, et les dessine bien. Pour ceux de femmes, c'est autre chose : il est lourd, il est sans finesse de tons; il vise à la craie de Drouais. Michel est un peu froid; Drouais est tout-à-fait faux. Quand on tourne les yeux sur toutes ces figures mortes qui tapissent le Salon, on s'écrie: LATOUR, LATOUR, UBI ES ?

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