Images de page
PDF
ePub

tions de la vie n'a altéré les proportions. L'Hercule est l'extrême de l'homme laborieux; l'Antinous est l'extrême de l'homme oisif. Il est né grand comme il est. C'est un modèle primitif et commun; c'est la figure que vous choisirez pour la plier à toutes sortes de conditions, soit par l'exagération de quelques parties pour les natures fortes, soit par l'affoiblissement de ces parties pour les natures légères; et c'est la connoissance plus ou moins profonde, plus ou moins exacte que vous aurez des conditions, qui déterminera les parties-sur lesquelles l'excès ou l'affoiblissement doit tomber. Le difficile de la chose ne consiste pas dans ce choix; ce n'est pas là le sublime de Glycon. Ce que je vous demande, c'est que votre systême aille insensiblement des parties que vous aurez affoiblies ou exagérées, se confondre dans la nature commune des autres parties, avec tant d'art et de science que, grand ou'petit, je reconnoisse toujours votre soldat, si c'est à l'état militaire que vous ayez conduit l'Antinous; votre porte-faix, si c'est. un portefaix que vous en ayez fait.

Mais, si c'est le dieu de la lumière; si c'est le vainqueur du serpent Pithon; si

l'état exige de la force, de la grace, de la grandeur et de la vélocité? Alors, vous laisserez à l'Antinoüis toutes ses proportions dans les parties supérieures : je dis ses proportions et non son caractère, car ce sont deux choses diverses; et en répandant l'altération seulement sur les jambes et les cuisses, d'où elle ira rechercher par gradation les parties supérieures de l'Antinoiis Vous aurez l'Apollon du Belvedère, vigoureux d'en-haut, véloce par en-bas.

C'est ainsi qu'un maquignon expérimenté se forme l'idée d'un beau cheval de bataille. Le cheval de bataille est une nature moyenne entre le cheval de trait le plus vigoureux et le cheval de course le plus léger. Et soyez sûr que deux hommes consommés dans le maquignonage, ont, à de très-petites différences près, la même image dans la tête, et avec tous les retours délicats de l'exagération ou de l'affoiblissement à la nature ordinaire et commune.

Voilà, mon ami, un échantillon de la métaphysique du dessin (1). Toute science, tout

(1) Toute cette théorie subtile peut servir à la soJution du problême, comment un Hercule de trois pieds,

art

art a la sienne, à laquelle le génie s'assujettit par instinct, sans le savoir. Parinstinct? Oh! la belle occasion de métaphysiquer encore! Ce sera pour une autre fois; vous n'y perdrez rien. Il y a sur le dessin des choses plus fines encore que vous ne perdrez pas davantage.

[ocr errors]

,

placé à côté d'un Mercure de proportion colossale, de neuf pieds par exemple, l'Hercule reste toujours un Hercule, c'est-à-dire un homme fort et nerveux et le Mercure toujours un dieu svelte et léger. Tout état, toute condition de la vie a ses habitudes de corps et de mouvement. Pour des yeux un peu fins, chaque homme porte l'enseigne de son métier avec lui. Un écrivain, un tailleur d'habits, un forgeron, un graveur, un boucher, un boulanger, n'ont entr'eux aucune partie du corps qui se ressemble, aucune direction de mouvement qui leur soit commune. C'est toujours faute d'yeux assez perçans, assez exercés, si nous ne remarquons pas entre les individus des dissemblances prodigieuses. Voilà pourquoi on a dit que pour dieu il n'y auroit point de chef-d'oeuvre de l'art. Oh! combien il nous montreroit de balourdises dans l'Hercule de Glycon, ou dans l'Apollon du Belvedère !

[ocr errors][merged small]

LE PRINCE.

C'EST un débutant qui n'est pas sans

mérite. Outre son morceau de réception, qui est un très-beau tableau, il a exposé une quantité d'autres compositions, parmi lesquelles on en discerne quelques-unes qui peuvent arrêter un homme de goût. En général, il possède la base de l'art, le dessin. Il dessine très-bien. Il touche ses figures avec esprit. C'est dommage que sa couleur ne réponde pas tout-à-fait à ces deux qualités. En opposant le travail de Leprince à celui de Vernet, Chardin semble avoir dit au premier Jeune-homme, regardez bien, et vous apprendrez à faire fuir vos lointains à rendre vos ciels moins lourds, à donner de la vigueur à votre touche, sur-tout dans vos grands morceaux, à la rendre moins sourde et à tendre à l'effet.

Je ne réponds point des imitations russes; c'est à ceux qui connoissent le local et les mœurs du pay's à prononcer là-dessus. Mais

je les trouve, pour la plupart, foibles comme la santé de l'artiste, mélancoliques et douces comme son caractère.

VUE D'UNE PARTIE DE ST.-PETERSBOURG.

Tableau de cinq pieds de long, sur deux pieds six pouces de haut.

Elle est prise du palais qu'occupoít notre ambassadeur,. M. de l'Hôpital. Elle montre l'île St.-Basile, le port, la douane, le sénat, les collèges de justice, la forteresse et la cathédrale. Les petites figures placées sur le devant, sont l'ambassadeur et les personnes de sa suite; elles sont spirituelles. Ce chariot où l'on voit une femme couchée, se promenant et voyageant, sans doute à la manière du pays, fait très-bien. Mais je n'ai pas le courage de louer ce morceau à l'aspect du Port de Dieppe de Vernet. Il est sombre, il est triste, sans ciel, sans effet de lumière, sans effet du tout.

Na

« PrécédentContinuer »