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VERNE T.

LE PORT DE DIEP P 3.

GRANDE

RANDE et immense composition; ciel léger et argentin; belle masse de bâtimens. Vue pittoresque et piquante: multitude de figures occupées à la pêche, à l'apprêt, à la vente du poisson, au travail, au racommodage des filets et autres pareilles manœuvres. Actions naturelles et vraies; figures rigou reusement et spirituellement touchées. Cependant, car il faut tout dire, ni aussi vigoureusement, ni aussi spirituellement que de coutume.

Dans les quatre parties du jour, la plus belle entente de lumières. Je vais parcourant ces morceaux, et ne m'arrêtant qu'au talent particulier, au mérite propre qui les distinguent. Qu'en arrivera-t-il ? c'est qu'à la fin vous concevrez que cet artiste à tous les talens et tous les mérites.

VUES DE NOGENT-SUR-SEINE.

Excellente leçon pour le Prince dont on a entremêlé les tableaux avec ceux de Vernet! Il ne perdra pas ce qu'il a, et il connoîtra ce qui lui manque. Il y a beaucoup d'esprit, de légéreté et de naturel dans les figures de le Prince; mais de la foiblesse, de la sécheresse, peu d'effet. Vernet peint dans la pâte, est toujours ferme, d'accord, et étouffe son voisin. Ses lointains sont vaporeux, ses ciels légers; on n'en sauroit dire autant de le Prince. Celui-ci n'est pourtant pas sans mérite. En s'éloignant de Vernet, il se fortifie et s'embellit; l'autre. l'efface et l'éteint. Ce cruel voisinage est encore une des malices du tapissier.

DEUX PENDANS.

Un Naufrage, un Paysage.

Le paysage est charmant; mais le naufrage est tout autre chose. C'est sur-tout aux figures qu'il faut s'attacher. Le vent est terrible; les hommes ont peine à se tenir de

C

bout. Voyez cette femme noyée qu'on vient de retirer des eaux; et défendez-vous de la douleur de son mari, si vous le pouvez

Autre Naufrage au clair de la lune.

Considérez bien ces hommes occupés à réchauffer une femme évanouie, au feu qu'ils ont allumé sous une roche, et dites que vous avez vû un des groupes les plus intéressans qu'il fût possible d'imaginer. Et cette scène touchante, comme elle est éclairée! Et cette voûte, comme elle est teinte de la lueur rougeâtre des feux! Et ce contraste de la lumière fcible et pâle de la lune, et de la lumière forte, rouge, triste et sombre des feux allumés ! Il n'est pas permis à tout peintre d'opposer ainsi des phénomènes discordans, et d'être harmonieux en dépit d'eux. Il vient un point où les deux lumières se rencontrent, se fondent ensemble, et forment une teinte particulière, et où il n'est pas aisé de n'être pas faux.

Marine au coucher du soleil.

Si vous avez vu la mer à cinq heures du soir en automne, vous connoissez ce tableau.

Sept petits tableaux de Paysages; appartenans à madame Geoffrin.

Je voudrois en savoir un médiocre, je vous le dirois. Le plus foible est beau; j'entends beau pour un autre : car il y en a un ou deux qui sont au-dessous de l'artiste, et que Chardin a cachés. Pensez des autres tant de bien qu'il vous plaira.

Le jeune Lutherbourg a aussi exposé une scène de nuit que nous aurions pu comparer avec celle de Vernet, si le tapissier l'eût voulu; mais il a placé l'une de ces compositions à un des bouts du Salon, et l'autre à l'autre bout. Il a craint que ces deux morceaux ne se tuassent. Je les ai bien regardés; mais j'avoue que je n'en sais pas assez pour juger entr'eux. Il y a, ce me semble, plus de vigueur d'un côté, plus d'harmonie et de moëlleux de l'autre. Quant à l'intérêt, des pâtres mêlés avce leurs animaux qui se

réchauffent sous une roche, ne sont pas à comparer avec une femme mourante qu'on rappelle à la vie. Je ne crois pas non plus que le paysage qui occupe le reste de la toile de Loutherbourg soit à mettre en parallèle avec la marine qui occupe le reste de la toile de Vernet. Les lumières de Vernet sont infiniment plus vraies, et son pinceau plus précieux. Je résume Loutherbourg seroit vain du tableau de Vernet ; Vernet ne rougiroit pas de celui de Loutherbourg.

:

Un des morceaux des Quatre Saisons, celui ou l'on voit à droite, sur le fond, un moulin à eau, autour du moulin, les eaux courantes, au bord des eaux, des femmes qui lavent du linge, m'a singulièrement frappé par la couleur, la fraîcheur, la diversité des objets, la beauté du site et la vie de la nature.

Le reste des paysages fait dire: Aliquando bonus dormitat Homerus. Ces roches jaunâtres sont ternes, sourdes, sans effet; c'est par-tout la même teinte: composition malade de bile répandue. Le pélerin qui les traverse est pauvre, mesquin, dur et sec. Un peintre jaloux de sa réputation n'auroit pas montré ce tableau; un peintre envieux de la gloire

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